Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Tombolo Est a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités afférentes.
Par un jugement n° 1901951 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021, la SCI Tombolo Est, représentée par Me Peltier-Feat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
1°) en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
- une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée concernant le quatrième trimestre de l'année 2012 a été déposée le 18 janvier 2013, alors que la date limite de dépôt était fixée au 21 janvier 2013 ; dès lors, la procédure de taxation d'office n'avait pas lieu d'être mise en œuvre;
- à la lecture des propositions de rectification, il apparaît que l'administration n'indique pas pour quels motifs la SCI Tombolo Est serait assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, agissant en tant que telle, notamment en justifiant le renversement de la présomption selon laquelle la cession des immeubles aurait été réalisée à titre privé, et ne qualifie pas les travaux qui auraient été mis en œuvre ni en quoi les travaux auraient porté sur les majorités prévues à l'article 257 du code général des impôts ; dès lors, elle est insuffisamment motivée ;
2°) sur le bien-fondé des impositions :
- il résulte de l'article 256 A du code général des impôts que sauf preuve contraire, l'investisseur privé exerce son droit de propriété en cédant son immeuble et n'a pas la qualité d'assujetti, par principe et sauf preuve contraire, le professionnel de l'immobilier agit en qualité d'assujetti lorsqu'il vend un immeuble ; la Cour de Justice de l'Union Européenne ne manque jamais de rappeler que les paiements " qui résultent de la simple propriété du bien " ne constituent pas la contrepartie d'une opération ou d'une activité économique et n'entrent dès lors pas dans le champ de la taxe ; ce même raisonnement établi pour les loyers perçus par un investisseur privé est à tenir pour les cessions d'immeubles ; une distinction majeure est ainsi opérée entre l'activité d'un investisseur agissant à titre privé, qu'il soit individuel ou organisé en société civile, et qui tient au simple exercice du droit de propriété (qui demeure en dehors du champ de la directive), et celle d'un investisseur professionnel dont les opérations constituent une activité économique en ce qu'elles sont effectuées " dans le cadre d'un objectif d'entreprise ou dans un but commercial " (Projet Inst. 3-12-2010 n° 10 ; Inst. 29-12-2010, 3 A-9-10 n° 10 ; BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 n° 40, 12-9-2012.) ; il ressort de la Doctrine administrative que les particuliers réalisant des opérations immobilières à titre individuel ou par l'intermédiaire d'une société civile, qu'il s'agisse de location ou de cession d'immeuble, ne sont que rarement considérés par l'administration comme des assujettis réalisant des opérations immobilières soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (Projet Inst. 3-12-2010 n°12 ; Inst. 29-12-2010, 3 A-9-10 n°12; BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 n°60 et 70, 12-9-2012. Dans le même sens : Rép. Ferrand, AN 12-10- 2010, p. 11144, n° 86408) ;
- la SCI Tombolo Est est une société civile immobilière qui n'a qu'un objet civil et patrimonial ; elle ne saurait être considérée comme agir en tant qu'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle vend un premier lot (un appartement) le 24 octobre 2012 et un second (un local professionnel) le 4 janvier 2013 ; la cession de deux lots d'un même bâtiment ne saurait être suffisante pour être qualifiée d'habituelle ; l'objet social de la société consiste en " l'acquisition, l'exploitation, la location sous toutes ses formes, l'administration, la mise en valeur, la gestion, de tout bien immobilier, parts ou titres de sociétés civiles, l'entretien et éventuellement l'aménagement de ces biens, et accessoirement la vente " ; il n'est pas allégué par l'administration, ni par le tribunal, que la SCI Tombolo Est serait un professionnel de l'immobilier, lotisseur, aménageur ou encore un marchand de biens ;
- en l'absence de démarches actives effectuées en vue de procéder à la commercialisation des biens immobiliers cédés, les deux ventes réalisées par la société, qui ont été conclues pour faire face à des difficultés financières et ne représentent que 30 % de l'immeuble qu'elle possède, ne constituent pas des opérations économiques, en application de l'article 256 A du code général des impôts ;
- l'administration ne démontre pas que les travaux portant sur l'immeuble ont rendu à l'état neuf l'ensemble des éléments de second œuvre énumérés à l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts en application de l'article 257, II, 2° du même code, dans une proportion des deux tiers pour chacun d'eux ; dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas applicable aux ventes d'appartements résultant de la division de cet immeuble ; la circonstance que les contrats de cession initiaux font référence à des travaux de grande ampleur et à des opérations de vente en l'état de futur achèvement, ne dispensait pas l'administration de vérifier si les travaux de reconstruction-réhabilitation répondaient au seuil de deux tiers fixé par l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts si elle avait entendu appliquer ce texte ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été infligée au titre de l'année 2013 n'est pas fondée.
Par mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SCI Tombolo Est ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n°2006/112/CE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Peltier, représentant la SCI Tombolo Est.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Tombolo Est dont l'objet social consiste, aux termes de l'article 2 de ses statuts, en " l'acquisition, l'exploitation, la location sous toutes ses formes, l'administration, la mise en valeur, la gestion, de tout bien immobilier, parts ou titres de sociétés civiles, l'entretien et éventuellement l'aménagement de ces biens, et accessoirement la vente ", a acquis, le 4 novembre 1999 un bien immobilier situé à Hyères, au lieu-dit " Le Pousset " route de Giens à Hyères, composé d'un hangar, de locaux annexes et de parkings. Le 15 novembre 2005, elle a déposé une demande de permis de construire, complétée le 20 janvier 2006, afin de créer 311,20 m² de surfaces, soit un rez-de-chaussée surélevé de deux étages destinés à des logements d'habitation ou professionnels. Le 1er février 2012, la société a déclaré l'achèvement des travaux, la conformité de ces derniers ayant été validée le 8 novembre 2012. Elle a revendu les lots n°108 le 24 octobre 2012 et n°103 le 4 janvier 2013 au prix de 180 000 euros le lot. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la taxe sur la valeur ajoutée concernant les années 2010, 2011 et 2012. Considérant qu'elle avait réalisé des travaux de construction et de rénovation importants, conférant à l'immeuble le caractère d'un immeuble neuf, le service vérificateur a calculé et mis à la charge de la société la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû être versée sur les prix de vente réputés toutes taxes comprises.
2. Un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été dressé concernant les années 2011 et 2012. A l'issue des opérations de contrôle, une proposition de rectification en date du 10 décembre 2013 a été adressée à la société. En application des dispositions de l'article L. 66 de livre des procédures fiscales, en l'absence de dépôt de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, les rectifications portant sur l'année 2012 ont été effectuées selon la procédure de taxation d'office. En sus des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, les rappels ont été assortis de la majoration au taux de 10 % en application des dispositions de l'article 1728-1 du même code pour défaut de production dans les délais, d'une déclaration servant de base à l'assiette ou à la liquidation de l'impôt.
3. Au titre de l'exercice 2013, la SCI a fait l'objet d'un contrôle sur pièces qui s'est achevé par l'envoi d'une proposition de rectification du 31 janvier 2014, les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée ayant été notifiées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. En sus des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, les droits rappelés ont été assortis de la majoration au taux de 40 % en application des dispositions de l'article 1729 du même code.
4. En réponse aux deux propositions de rectification régulièrement notifiées, la société n'a pas formulé d'observation. Ces deux réclamations du 18 juillet 2017 ayant été rejetées par décision du 3 avril 2019, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Toulon. Elle relève appel du jugement n° 1901951 du 5 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa requête.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office: ...3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes... ".
6. Si la société appelante soutient avoir déposé, le 18 janvier 2013, une déclaration de TVA au titre du 4ème trimestre de 2012 et en joint une copie soutenant que, de fait, la procédure de taxation d'office n'était pas applicable, elle n'apporte aucun justificatif à l'appui de ses prétentions, le document produit étant dépourvu de signature et de date de réception par le service fiscal compétent. Par suite et comme l'a exactement jugé le tribunal, la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office mise en œuvre au titre de l'année 2012 est irrégulière.
7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales: " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L.57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : ...4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre, dans sa rédaction applicable : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ". Une telle notification est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 76, lorsqu'elle comporte les bases d'imposition retenues par le service, les modalités de calcul et précise tous les éléments de l'imposition aussi exactement que possible.
8. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la société requérante a régulièrement été taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 2012, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicables aux seules procédures de rectification contradictoire, pour contester la motivation de la proposition de rectification du 10 décembre 2013, alors qu'il résulte de l'instruction que les deux propositions de rectification exposent clairement les motifs de faits et de droit qui ont conduit le service à notifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. En particulier, et comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, la proposition de rectification du 10 décembre 2013 mentionne les années d'imposition, la base d'imposition et énonce clairement les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour asseoir les rectifications en litige et les modalités de leur calcul. Ainsi, elle cite les dispositions applicables pour déterminer si un bien immobilier constitue, pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, un immeuble neuf et en fait application au cas d'espèce en mentionnant l'ensemble des opérations auxquelles la société a procédé et les éléments de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour considérer qu'en l'espèce, les biens immobiliers cédés devaient être considérés comme des immeubles neufs. Par conséquent, la société a été informée de manière suffisante des motifs de droit et de fait fondant les rectifications pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Au surplus, il en va de même de la motivation de la proposition de rectification du 31 janvier 2014 faisant suite au contrôle sur pièces réalisé au titre de l'année 2013.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
9. Aux termes de l'article 9 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 : " 1- Est considéré comme assujetti quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. / Est considérée comme " activité économique ", toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataires de services, y compris les activités extractives, agricole et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence... ". Aux termes de l'article 12 de cette même directive : " 1- Les Etats membres peuvent considérés comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment, une seule des opérations suivantes :
A° la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; ... 2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme "bâtiment" toute construction incorporée au sol. / Les États membres peuvent définir les modalités d'application du critère visé au paragraphe 1, point a), aux transformations d'immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant. Les États membres peuvent appliquer d'autres critères que celui de la première occupation, tels que celui du délai écoulé entre la date d'achèvement de l'immeuble et celle de la première livraison, ou celui du délai écoulé entre la date de la première occupation et celle de la livraison ultérieure, pour autant que ces délais ne dépassent pas respectivement cinq et deux ans... ". Ces dispositions reprennent respectivement les paragraphes 1 et du 2 de l'article 4 et le paragraphe 3 de ce même article 4 de la 6ème directive du 17 mai 1977. En outre, aux termes de l'article 135 de la même directive : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: ...j) les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l'article 12, paragraphe 1, point a); .../ Les États membres peuvent prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l). ".
10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts transposant les dispositions de l'article 2 § 1 a) de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 précitée : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 256 A du même code, transposant l'article 9.1. de la directive 2006/112/CE du Conseil : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention... Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ". Aux termes de l'article 257 de ce code : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent... 2. Sont considérés : 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf : a) Soit la majorité des fondations ; b) Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ; c) Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; d) Soit l'ensemble des éléments de second œuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux... ".
11. Les dispositions précitées du code général des impôts qui garantissent une application du mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière conforme aux dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, n'autorisent à taxer une opération occasionnelle que pour autant qu'elle ne constitue pas le simple exercice du droit de propriété par son titulaire. Ni l'ampleur des ventes, ni le fait que le cédant ait, au préalable, procédé à une division du bien pour en tirer un meilleur prix global, ni la durée sur laquelle les ventes s'étendent, ni l'importance des recettes qui en résultent ne sont en soi déterminants. En revanche, si l'intéressé entreprend des démarches actives de commercialisation foncière en mobilisant des moyens similaires à ceux déployés par un assujetti, la livraison est imposable. Il s'ensuit que les dispositions combinées de l'article 256 A du code général des impôts et de l'article 257 du même code n'ont ni pour objet ni pour effet de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de terrains à bâtir ou d'immeubles neufs réalisées à titre occasionnel lorsqu'elles ne constituent que le simple exercice du droit de propriété.
12. Il résulte des dispositions de l'article 2 de ses statuts qui prévoit notamment qu'elle a pour objet " l'acquisition, l'exploitation, la location sous toutes ses formes, l'administration, la mise en valeur, la gestion, de tout bien immobilier, parts ou titres de sociétés civiles, l'entretien et éventuellement l'aménagement de ces biens et accessoirement la vente ", que la société Tombolo Est exerce à titre habituel et de manière indépendante une activité économique de location et de vente de biens immobiliers, au sens des dispositions de l'article 256 A du code général des impôts, au titre de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Son objet statutaire inclut ainsi la cession d'immeubles, quand bien même elle ne constitue pas son activité principale. Or, il est constant que les deux biens immobiliers cédés sont situés au sein d'un ensemble immobilier utilisé par la société, dans le cadre de ses activités de location et de vente et ne sont, en conséquence, pas étrangers à son activité économique principale de loueur et vendeur professionnel d'immeubles, laquelle peut impliquer la revente d'éléments de son actif. Par suite, la société Tombolo Est doit être regardée comme exerçant, sur ce point, une activité économique et, ainsi, comme ayant agi en tant qu'assujetti lorsqu'elle a cédé les immeubles en litige à des tiers, opérations qui ne peuvent être regardées comme résultant du simple exercice de son droit de propriété.
13. En outre, les biens immobiliers en cause ont fait l'objet de travaux représentant un coût important, pour lesquels la société a déduit la taxe sur la valeur ajoutée facturée par ses fournisseurs et prestataires. Si l'appelante soutient que, en réalisant des cessions d'immeubles en 2012 et 2013, sa démarche a été d'ordre purement patrimonial, les ventes litigieuses, auxquelles la SCI a procédé, s'inscrivent dans un processus économique qui a débuté par l'acquisition du bien en 1999 en indivision avec une autre société. Ce n'est qu'après un acte de partage du 4 octobre 2005 que la SCI Tombolo Est s'est retrouvée seule propriétaire. Les biens immobiliers cédés ont été réalisés en application d'un permis de construire délivré le 11 avril 2006, afin de créer, suite à extension et surélévation, des locaux à usage commercial et de bureaux et un logement. Le service vérificateur ayant exercé son droit de communication auprès des services de l'urbanisme de la commune, il résulte des renseignements ainsi recueillis, et il n'est pas contesté par la société appelante, que les travaux en cause prévoyaient la création d'une surface hors œuvre nette supplémentaire de 311 m² (140,85 m² pour le rez-de-chaussée, 122,40 m² pour le 1er étage et 47,92 m² pour le 2ème étage), de sorte que les deux biens immobiliers cédés en 2012 et 2013 constituaient bien, au moment des ventes, des immeubles neufs. Enfin, les actes de vente des 24 octobre 2012 et 4 janvier 2013 mentionnent, pour chaque bien cédé, que " l'immeuble vendu est achevé depuis le 1er février 2012, soit depuis moins de 5 ans ". Si la société appelante fait grief à l'administration et au tribunal de ne pas avoir recherché l'existence de démarches actives de professionnel de l'immobilier, elle ne conteste pas que le bien cédé le 4 janvier 2013 était loué à une personne physique qui se trouve être la gérante de la société à laquelle le bien a été cédé, de sorte qu'aucune démarche de commercialisation n'était nécessaire pour trouver un acquéreur. Elle n'a donc pas eu de démarches actives à effectuer pour parvenir à ces ventes. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société appelante, qui ne produit pas d'éléments de nature à remettre en cause l'ensemble de ces éléments et n'invoque aucune disposition utile de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ni de son interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne dont elle se prévaut, les deux biens immobiliers cédés, achevés depuis moins de cinq ans, constituent des immeubles neufs au sens et pour l'application de l'article 257 du code général des impôts précité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a soumis ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
14. Il ne résulte de la doctrine fiscale invoquée par la SCI Tombolo Est aucune disposition utile de nature à remettre en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée aux cessions d'immeubles litigieuses.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré... ".
16. Eu égard, d'une part à la nature de son activité soumise à taxe sur la valeur ajoutée et d'autre part, au fait qu'elle déduisait cette taxe facturée par ses fournisseurs, la société appelante ne peut prétendre qu'elle ignorait faire une fausse déclaration en prétendant ne pas y être soumise. Par suite, l'administration fiscale était fondée à faire application de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
17. Compte tenu de tout ce qui précède, la SCI Tombolo Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête. Par suite, doivent être rejetées ses conclusions formulées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Tombolo Est est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Tombolo Est, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, où siégeaient :
- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2023.
N° 21MA03772 2