Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Cabanon Bleu a demandé au tribunal administratif de Bastia :
- en premier lieu, d'annuler les trois titres de perception émis par la responsable des recettes du centre de services partagés de la direction nationale d'interventions domaniales les 22 et 24 mai 2019 pour le paiement des sommes respectives de 10 966 euros, 11 048 euros et 10 227 euros correspondant à une indemnité d'occupation sans titre du domaine public pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2018, du 1er janvier au 31 décembre 2016 et du 1er janvier au 31 décembre 2017 ;
- en second lieu, d'annuler le titre de perception émis par la responsable des recettes du centre de services partagés de la direction nationale d'interventions domaniales le 1er juillet 2020 pour le paiement de la somme de 14 899 euros correspondant à une indemnité d'occupation sans titre du domaine public pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019.
Par un jugement n° 2000540, 2100266 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2022 sous le n° 22MA00993 et un mémoire enregistré le 7 juillet 2022, la SARL Cabanon Bleu, représentée par Me Leandri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000540, 2100266 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler les quatre titres de perception émis par la responsable des recettes du centre de services partagés de la direction nationale d'interventions domaniales les 22 et 24 mai 2019, et 1er juillet 2020.
Elle soutient que :
- la requête de 1ère instance n° 2000540 n'est pas tardive ;
- les procédures utilisées ne respectent pas les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- les photographies de presse produites ne pouvaient servir de fondement au jugement contesté ;
- en l'absence de production par la DRFIP du procès-verbal de constat de l'occupation privative du domaine public maritime, le TA ne pouvait valider le titre de perception du 1er juillet 2020 ;
- le préfet n'a pas procédé à une délimitation du domaine public maritime avant la fin de l'année 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la SARL Cabanon bleu ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Prieto,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cabanon bleu, qui exploite un restaurant situé sur la plage de Trottel à Ajaccio, a fait l'objet d'un procès-verbal de constat d'occupation sans titre du domaine public maritime le 15 février 2018 par les services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse-du-Sud pour une emprise totale de 237 m². Le 22 puis le 24 mai 2019, la responsable des recettes du centre de services partagés de la direction nationale d'interventions domaniales a émis trois titres de perception, objet la requête n° 2000540 en 1ère instance, pour obtenir le paiement des sommes respectives de 10 966 euros, 11 048 euros et 10 227 euros correspondant à une indemnité d'occupation sans titre du domaine public pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2018, du 1er janvier au 31 décembre 2016 et du 1er janvier au 31 décembre 2017. Le 7 août 2019, la société requérante a formé une réclamation à l'encontre de ces titres, reçue le 10 septembre suivant. Un nouveau titre de perception, objet de la requête n° 2100266 en 1ère instance, a été émis par la même responsable des recettes le 1er juillet 2020 pour avoir le paiement de la somme de 14 899 euros correspondant à une indemnité d'occupation sans titre du domaine public pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019. Le 11 août 2020, la société requérante a formé une réclamation préalable à l'encontre de ce titre, reçue le 13 août suivant. La société Cabanon Bleu relève appel du jugement n° 2000540, 2100266 du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces titres de perception.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. ".
3. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.
4. Il résulte de l'instruction que la réclamation dirigée contre les titres de perception contestés des 22 et 24 mai 2019 a été expressément rejetée par une décision du 26 novembre 2019 comportant la mention des voies et délais de recours, du directeur régional des finances publiques de Corse et du département de la Corse-du-Sud. Le directeur régional a produit une copie de l'avis de réception à l'adresse de la SARL Cabanon bleu portant la date manuscrite de présentation du 29 novembre 2019, une étiquette adhésive indiquant que le pli a été mis en instance au bureau de poste Berthault à Ajaccio ainsi qu'un cachet " non réclamé retour à l'envoyeur ". De telles mentions permettent ainsi d'établir que la décision rejetant la réclamation préalable de la société Cabanon bleu lui a été régulièrement notifiée le 29 novembre 2019. Dès lors, la requête qui a été introduite le 12 juin 2020 l'a été après l'expiration du délai de recours de deux mois prévu à l'article 118 du décret du 7 novembre 2012. Enfin, le délai de recours contentieux ayant expiré le 30 janvier 2020, avant la période de l'état d'urgence sanitaire qui a débuté le 12 mars 2020, la société Cabanon bleu n'est pas utilement fondée à invoquer les dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête n° 2000540.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques aux termes desquelles une redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation, la société Cabanon bleu n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation motivée portée par le tribunal administratif de Bastia sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 de leur jugement.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) ".
7. Il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites par le directeur régional des finances publiques devant le tribunal, que la mer peut recouvrir la totalité de la bande de sable immédiatement attenante au restaurant en dur exploité par la société Cabanon bleu sur la plage de Trottel à Ajaccio. Si cette dernière soutient que ces photographies auraient été prises lors d'une tempête, ces seules allégations, qui ne sont étayées par aucune pièce versée au dossier, ne suffisent pas à démontrer que les photographies en cause auraient été prises lors de perturbations météorologiques exceptionnelles alors, au demeurant, qu'il résulte de l'instruction qu'elles ont été effectuées à des dates différentes en 2016 et 2017. Dans ces conditions, l'implantation du restaurant exploité par la société Cabanon bleu doit être regardée comme une occupation privative, par cette société, du domaine public maritime.
8. Par ailleurs, il résulte des écritures produites par le directeur régional des finances publiques en première instance dans la requête n° 2000540 qu'un constat d'occupation sans titre dressé le 15 février 2018 par deux agents assermentés de la DDTM a bien été versé au dossier et soumis au débat contradictoire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de production dudit procès-verbal manque en fait.
9. En dernier lieu, lorsqu'il se prononce sur l'appartenance d'un bien au domaine public, le juge n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime. L'appartenance d'une dépendance au domaine public ne peut résulter de l'application d'un tel arrêté, dont les constatations ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge et il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'acte administratif délimitant ledit domaine, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire la solution d'une question préjudicielle lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres de propriété dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Par suite, la société Cabanon bleu ne peut utilement invoquer, pour contester le bien-fondé des redevances et des titres litigieux l'absence de délimitation du domaine public naturel.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cabanon bleu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des 4 titres de perception en cause.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Cabanon bleu est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cabanon bleu, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de la Corse et du département de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 17 février 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2023.
N° 22MA00993 2
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