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27/02/2023 | FRANCE | N°22MA01722

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 février 2023, 22MA01722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association U Levante a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 du maire de Calenzana en tant qu'il accorde à M. A... B... un permis d'aménager un lotissement composé de 18 lots à bâtir, sur des terrains cadastrés section J n° 191 et n° 192 au lieudit Triginajo.

Par un jugement n°2100466 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande et annulé l'arrêté du 25 février 2021 du maire de Calenzana en tant qu'il acco

rde à M. A... B... un permis d'aménager.

Procédure devant la Cour :

I - Sous le n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association U Levante a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 du maire de Calenzana en tant qu'il accorde à M. A... B... un permis d'aménager un lotissement composé de 18 lots à bâtir, sur des terrains cadastrés section J n° 191 et n° 192 au lieudit Triginajo.

Par un jugement n°2100466 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande et annulé l'arrêté du 25 février 2021 du maire de Calenzana en tant qu'il accorde à M. A... B... un permis d'aménager.

Procédure devant la Cour :

I - Sous le n° 22MA01722, par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, M. A... B..., représenté par Me Poletti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association U Levante ;

3°) de mettre à la charge de l'association U Levante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il se situe en continuité du village de Calenzana ou, à tout le moins, d'une partie déjà urbanisée de la commune de Calenzana.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, l'association U Levante, représentée par Me Tomasi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge in solidum de M. B... et de la commune de Calenzana la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté contesté méconnaît également les dispositions de l'article AU1-3.9 du règlement du plan local d'urbanisme et celles de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée à la commune de Calenzana qui n'a pas produit d'observations.

II- Sous le n° 22MA01756, par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juin et 6 décembre 2022, la commune de Calenzana, représentée par Me Stuart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association U Levante ;

3°) de mettre à la charge de l'association U Levante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, l'association U Levante ne justifiant pas de son intérêt pour agir en l'absence de lien direct entre le projet contesté, dont il n'est pas établi qu'il porterait atteinte à l'environnement, et la généralité des objets statutaires de l'association ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il se situe en continuité directe de la zone agglomérée du centre du village ;

- le projet contesté ne méconnaît pas non plus les dispositions de l'article AU1-3.9 du règlement du plan local d'urbanisme ni celles de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, l'association U Levante, représentée par Me Tomasi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge in solidum de M. B... et de la commune de Calenzana la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté contesté méconnaît également les dispositions de l'article AU1-3.9 du règlement du plan local d'urbanisme et celles de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Poletti, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association U Levante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il se situe en continuité du village de Calenzana ou, à tout le moins, d'une partie déjà urbanisée de la commune de Calenzana.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Bronzani substituant Me Stuart pour la commune de Calenzana.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Calenzana a été enregistrée le 9 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 février 2021, le maire de Calenzana a délivré à M. A... B... un permis d'aménager un lotissement composé de 18 lots à bâtir, sur des terrains cadastrés section J n° 191 et n° 192 au lieudit Triginajo. M. A... B... et la commune de Calenzana relèvent appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de l'association U Levante, annulé cet arrêté.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 2 des statuts de l'association U Levante versés au dossier, cette dernière " exerce son action sur l'ensemble du territoire de la Corse " et a pour buts " de protéger les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales (...), les sols, les paysages et le cadre de vie (...), de veiller au respect de la légalité par les personnes publiques et privées dans le domaine de l'environnement (...), de promouvoir un aménagement du territoire harmonieux et équilibré (...) ainsi qu'un urbanisme maîtrisé et respectueux de l'environnement naturel, économe dans l'utilisation du sol (...), d'agir contre les décisions de l'administration de nature financière notamment (...) ayant des effets négatifs sur l'environnement ". Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement litigieux porte sur la création de 18 lots, pour une surface maximale de plancher de 4 500 m2, sur deux parcelles d'une superficie totale de 12 882 m2, vierges de toute construction, implantées dans un secteur majoritairement composé de terrains à l'état naturel ou agricoles. Eu égard, d'une part, à l'objet social de l'association intimée, qui a pour buts notamment la défense de l'environnement et en particulier des espaces naturels sur le territoire de la Corse, et d'autre part, à la portée de la mesure litigieuse, qui autorise une extension conséquente de l'urbanisation sur le territoire d'une commune littorale, cette association justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Calenzana, tirée de l'absence d'intérêt pour agir de l'association U Levante, doit être écartée.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la demande de permis de construire litigieuse : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".

5. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

6. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les secteurs déjà urbanisés ne constituant pas des agglomérations ou des villages, d'autoriser des constructions en dehors de la bande littorale des cent mètres et des espaces proches du rivage, sous réserve notamment que ces secteurs soient identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme. Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique prévoit, dans son paragraphe IV, que dans les communes de la collectivité de Corse n'appartenant pas au périmètre d'un schéma de cohérence territoriale en vigueur, le PADDUC peut se substituer à ce schéma.

7. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), approuvé le 2 octobre 2015 par l'Assemblée de Corse, précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales. Il prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Le PADDUC prévoit en outre que, pour s'inscrire en continuité de l'urbanisation existante, l'extension urbaine prévue doit être en contiguïté avec les fronts urbains de la forme qu'elle étend et ne peut donc en être séparée par une distance trop importante, ou par une coupure comme un espace agricole ou naturel, une voie importante ou un obstacle difficilement franchissable. A cet égard, il précise notamment qu'" au-delà d'une bande de 80 mètres d'espace naturel ou agricole, la continuité est difficile à établir " et qu'est également constitutif d'une rupture : " un espace agricole ou naturel, une voie importante (...), une rupture de la forme urbaine, du rythme parcellaire et bâti ". Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige est situé à plusieurs centaines de mètres du centre du village de Calenzana, dans un secteur majoritairement composé de terrains agricoles ou à l'état naturel et qu'à la date de délivrance du permis litigieux, si une vingtaine de constructions sont implantées sur des parcelles situées au Sud de ce terrain d'assiette, ces constructions sont elles-mêmes situées à une distance minimale de 70 mètres et une distance moyenne de plus d'une centaine de mètres des premières constructions du front urbain du village de Calenzana, dont elles sont en outre séparées par la route départementale D. 151A, principalement bordée de terrains non construits. Dans ces conditions, l'extension urbaine autorisée par le permis litigieux ne peut, eu égard à la rupture d'urbanisation existante entre le village de Calenzana et le terrain d'assiette du projet, être regardée comme située en continuité d'une agglomération ni d'un village au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.

9. Si M. B... fait valoir que le secteur où s'implante le projet constituerait un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier qu'un tel secteur soit identifié par le PADDUC ni délimité par le règlement du plan local d'urbanisme, de sorte que ces dispositions ne sauraient en l'espèce trouver à s'appliquer.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... et la commune de Calenzana ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 25 février 2021 du maire de Calenzana.

11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par M. B... et la commune de Calenzana au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de la commune de Calenzana une somme de 1 000 euros chacun à verser à l'association U Levante en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Calenzana est rejetée.

Article 3 : M. B... versera à l'association U Levante une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Calenzana versera à l'association U Levante une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Calenzana et à l'association U Levante.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 6 février 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2023.

N°s 22MA01722 - 22MA01756 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01722
Date de la décision : 27/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-27;22ma01722 ?
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