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17/02/2023 | FRANCE | N°22MA01249

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 17 février 2023, 22MA01249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) unipersonnelle Garage Auto Sauvebonne, a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 19 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article R. 8253-4 du code du travail pour un montant de 17 700 euros, ensemble la décision du 13 août 2018 rejetant son recours gracieux ainsi que cel

le du 16 septembre 2019 par laquelle il a rejeté son recours gracieux tendant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) unipersonnelle Garage Auto Sauvebonne, a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 19 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article R. 8253-4 du code du travail pour un montant de 17 700 euros, ensemble la décision du 13 août 2018 rejetant son recours gracieux ainsi que celle du 16 septembre 2019 par laquelle il a rejeté son recours gracieux tendant à la contestation des titres de perception émis pour le recouvrement de la contribution spéciale mise à sa charge et, d'autre part, à titre principal, de le décharger du paiement de cette somme ou, à titre subsidiaire de la ramener à la somme de 3 540 euros.

Par un jugement n° 1904073 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2022 sous le n° 22MA01249, la société à responsabilité limitée (SARL) Garage Auto Sauvebonne représentée par Me Massuco, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904073 du tribunal administratif de Toulon du 24 février 2022 ;

2°) d'annuler les décisions de l'OFII des 19 juin 2018, 13 août 2018 et 16 septembre 2019 prises à son encontre ;

3°) à titre principal, de la décharger du paiement de cette somme ou, à titre subsidiaire de la ramener à la somme de 3 540 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les recours formés contre les décisions des 19 juin et 13 août 2018 sont recevables ;

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le procès-verbal établi le 2 juin 2017 sur le fondement duquel a été prise la décision contestée ne lui a pas été communiqué et que les dispositions de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues dans la mesure où il ne lui a jamais été indiqué qu'elle pouvait demander la communication de ce procès-verbal ;

- elle a été de bonne foi et la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

- le montant de la contribution spéciale ne saurait excéder la somme de 3 540 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Garage Auto Sauvebonne la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Garage Auto Sauvebonne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Massuco représentant la SARL Garage Auto Sauvebonne.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite d'un contrôle effectué le 2 juin 2017 au garage de la société requérante qui a révélé que M. C..., employé par la SARL Garage Auto Sauvebonne, était ressortissant marocain, titulaire d'un titre de séjour italien qui ne l'autorisait pas à travailler en France, non déclaré, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, auquel le procès-verbal d'infraction avait été transmis, a estimé que la SARL Garage Auto Sauvebonne avait employé un étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire national. Après avoir recueilli les observations de l'employeur, le directeur de l'office précité a, par la décision contestée du 19 juin 2018, mis à sa charge la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article R. 8253-4 du code du travail pour un montant de 17 700 euros. Par une décision, également contestée, du 13 août 2018, il a rejeté le recours gracieux formé par la société requérante. Enfin, par une décision du 16 septembre 2019, il a rejeté son recours gracieux tendant à la contestation des titres de perception émis pour le recouvrement de la contribution spéciale mise à sa charge. La SARL Garage Auto Sauvebonne relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande et sollicite, d'une part, l'annulation des décisions des 19 juin 2018, 13 août 2018 et 16 septembre 2019 prises à son encontre et, d'autre part, à titre principal, de la décharger du paiement de cette somme ou, à titre subsidiaire de la ramener à la somme de 3 540 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que les deux premières décisions contestées, à savoir la décision initiale du 19 juin 2018 et, celle du 13 août 2018 rejetant le recours gracieux contre la première décision, qui comportent la mention des voies et délais de recours, ont été notifiées à la SARL Garage Auto Sauvebonne les 21 juin 2018 et 16 août 2018 ainsi qu'en attestent les avis de réception versés à l'instance par l'OFII. Si la société requérante a formé de nouveaux recours gracieux les 10 octobre 2018, 30 janvier 2019 et 9 septembre 2019, ces recours n'ont pas pour effet de proroger une nouvelle fois le délai de recours contentieux. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre ces décisions sont tardives et doivent être rejetées pour ce motif comme irrecevables, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en tant que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité en raison de leur tardiveté les conclusions dirigées contre les décisions des 19 juin et 13 août 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Enfin, l'article R. 8253-4 de ce code dispose : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. ".

4. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.

5. Le destinataire d'un ordre de versement est, par ailleurs, recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, pour les dépenses de l'Etat, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ou, pour les dépenses des collectivités locales, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, les vices propres de la décision initiale, tels que les vices de forme ou de procédure, sont sans incidence sur la légalité de l'état exécutoire. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la requérante les contributions spéciale et forfaitaire en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la société requérante n'a pas été informée de la possibilité de consulter son dossier, en particulier le procès-verbal de constat des infractions ne se rattache pas à une contestation du bien-fondé des créances. Par suite, il doit être écarté comme inopérant.

6. En outre, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire, ou en décharger l'employeur.

7. En l'espèce, comme l'ont jugé les premiers juges, si la société requérante soutient qu'elle était de bonne foi, l'employé ayant présenté un titre de séjour italien, M. A..., gérant de la SARL Garage Auto Sauvebonne, a néanmoins, lors de son audition, déclaré que M. C... était le cousin de sa femme dont il ne pouvait alors ignorer la nationalité. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la SARL Garage Auto Sauvebonne ne peut utilement se prévaloir de sa bonne foi.

8. La SARL Garage Auto Sauvebonne soutient, par ailleurs, que la somme demandée au titre de la contribution spéciale ne pouvait excéder la somme de 3 540 euros dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites, qu'elle n'a commis aucun cumul d'infractions et qu'elle a régulièrement déclaré M. C.... Toutefois, la matérialité des faits ressort clairement de l'enquête de flagrance réalisée par la gendarmerie nationale et produite à l'instance et la société requérante ne conteste pas avoir employé M. C.... En outre, il ressort du procès-verbal d'infraction transmis au directeur de l'OFII que deux infractions, exécution d'un travail dissimulé et emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, ont été relevées à l'égard de la SARL Garage Auto Sauvebonne. Enfin, la déclaration préalable à l'embauche a été enregistrée auprès de l'URSSAF seulement le 2 juin 2017 à 9h08 soit après le contrôle ayant donné lieu à la mise en œuvre de la contribution spéciale qui s'est tenue le même jour à 7h45. Ainsi, la SARL Garage Auto Sauvebonne n'est pas fondée à soutenir que le montant de la contribution spéciale mis à sa charge serait erroné, la contribution spéciale étant due dès lors que l'infraction est matériellement constatée ni que la sanction prononcée serait disproportionnée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Garage Auto Sauvebonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SARL Garage Auto Sauvebonne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Garage Auto Sauvebonne une somme quelconque au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Garage Auto Sauvebonne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Garage Auto Sauvebonne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 3 février 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.

N° 22MA01249 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01249
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-032-01 Travail et emploi. - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs. - Emploi des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MASSUCO AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-17;22ma01249 ?
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