La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2023 | FRANCE | N°21MA04888

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 17 février 2023, 21MA04888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Terremer, agissant sous l'enseigne " La Joie de Vivre ", a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle la commune de Névache a refusé de rétablir la circulation sur l'ensemble du chemin de Saint-Laurent et d'enjoindre à la commune de Névache de rétablir la libre circulation sur l'assiette actuelle du chemin de Saint-Laurent, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d

e 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1910823 du 28 octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Terremer, agissant sous l'enseigne " La Joie de Vivre ", a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle la commune de Névache a refusé de rétablir la circulation sur l'ensemble du chemin de Saint-Laurent et d'enjoindre à la commune de Névache de rétablir la libre circulation sur l'assiette actuelle du chemin de Saint-Laurent, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1910823 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2021 sous le n° 21MA04888, la société civile immobilière Terremer, représentée par Me Dessinges, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1910823 du 28 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 28 juin 2019 du maire de la commune de Névache ;

3°) d'enjoindre à la commune de Névache de rétablir la libre circulation sur l'assiette actuelle du chemin de Saint-Laurent, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Névache la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le chemin de Saint-Laurent, qui a fait l'objet d'un classement en voie communale pour la partie située entre la VC n° 15 et ses parcelles, constitue, non un chemin d'exploitation mais un chemin rural dans sa partie non classée, dès lors qu'il est utilisé comme voie de passage et est affecté à l'usage de tous ;

- en refusant de faire usage de ses pouvoirs de police sur le chemin de Saint-Laurent, le maire a, par sa décision de refus du 28 juin 2019, manqué à ses obligations de conservation du domaine privé communal ;

- il convient d'enjoindre au maire de Névache de rétablir la libre circulation sur l'assiette du chemin de Saint-Laurent, tant sur sa partie " voie communale " que sur sa partie " chemin rural ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2022, la commune de Névache, représentée par Me Rouanet, conclut au rejet de la requête de la SCI Terremer et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- à titre principal, la requête est irrecevable, en raison de sa tardiveté ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SCI Terremer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Dessinges, représentant la SCI Terremer.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Terremer, propriétaire des parcelles cadastrées C 1345, C 1347 et C 912, situées sur le territoire de la commune de Névache, a, par un courrier du 11 juin 2019, réceptionné le 17 juin suivant, demandé au maire de la commune de faire usage de ses pouvoirs de police pour rétablir d'urgence la circulation sur l'assiette du chemin de Saint-Laurent. Par une décision du 28 juin 2019, le maire a rejeté sa demande au motif que ledit chemin constituait non un chemin rural mais un chemin d'exploitation. Par la requête susvisée, la SCI Terremer demande l'annulation de cette dernière décision et qu'il soit enjoint au maire de rétablir la libre circulation sur l'assiette actuelle du chemin de Saint-Laurent.

2. La SCI Terremer relève appel du jugement n° 1910823 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 par laquelle le maire de la commune de Névache a refusé de rétablir la circulation sur l'ensemble du chemin de Saint-Laurent.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales. (...) ". Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Aux termes de l'article L. 161-3 dudit code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ". Aux termes de l'article L. 161-5 de ce code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ". Aux termes de son article L. 162-1 : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public. ". Enfin aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui ".

4. Il résulte des dispositions combinées précitées des articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime qu'un chemin revêt un caractère rural s'il est affecté à l'usage du public et que cette affectation est présumée soit, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage, soit par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. Lorsqu'il existe un obstacle à la circulation sur un chemin rural, le maire est tenu, en application des dispositions précitées, de prendre les mesures appropriées pour le rétablissement de celui-ci. Par ailleurs, le maire est également tenu d'enlever les obstacles qui s'opposeraient à l'exercice, par le public, de son droit à l'usage des voies publiques.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la partie du chemin de Saint-Laurent comprise entre la voie communale n° 15 (VC 15) et la parcelle cadastrée section C 1340 a été classée sur une longueur de 35 mètres et une largeur de 3 mètres, comme voie communale n° 18 (VC 18) par une délibération du 18 juin 2013 portant approbation du plan local d'urbanisme de la commune de Névache, Si, pour cette partie du chemin, qui relève du domaine public communal, la commune a l'obligation d'exercer son pouvoir de police, la SCI n'établit toutefois pas que la libre circulation sur cette portion de voie communale serait entravée par la présence de déblais déposés par les propriétaires de la parcelle C 918 ou par le stationnement de véhicules, ni que les véhicules de secours ne pourraient accéder au chalet situé sur les parcelles C 918 et C 919 en période hivernale. Dans ces conditions, la SCI Terremer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'autorité municipale a refusé de faire usage des pouvoirs de police dont elle disposait, afin de rétablir la circulation normale sur la portion du chemin de Saint-Laurent classé comme voie communale.

6. En second lieu, s'agissant de la partie du chemin de Saint-Laurent située au-delà de la parcelle C 1340, qui n'a pas été classée comme voie communale, la SCI soutient qu'il s'agit d'un chemin rural, au motif que ce chemin serait utilisé comme voie de passage, qu'il ne sert pas exclusivement à la desserte des fonds riverains et qu'il serait emprunté par des randonneurs. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce secteur, que la commune de Névache qualifie de chemin d'exploitation, serait utilisé comme voie de passage au sens des dispositions précitées de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime. En outre, cette partie du chemin, qui présente un aspect rocailleux et enherbé et qui se termine en impasse au niveau de la parcelle C 913 appartenant à M. B..., sert exclusivement à la communication des différents fonds qui en sont riverains ou à leur exploitation. L'appelante n'établit pas davantage que la commune de Névache aurait accompli des actes réitérés de surveillance ou de voirie sur cette partie du chemin. Par ailleurs, son affectation à l'usage du public, qui ne peut, dans ces conditions, être présumée en application de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime cité, n'est établie par aucune pièce du dossier. Dans ces conditions, en l'absence d'une telle affectation à l'usage du public, l'appartenance de ce chemin au domaine privé de la commune de Névache ne saurait davantage être présumée en application de l'article L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime précité. Enfin, la matérialisation du chemin sur le plan cadastral et l'absence de numéro de cadastre ne suffisent pas davantage à établir qu'il est la propriété de la commune.

7. Dans ces conditions, la partie du chemin de Saint-Laurent qui n'a pas été classée en voie communale ne peut être regardée comme ayant le caractère d'un chemin rural sur lequel l'autorité municipale devrait, en application des dispositions précitées de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime, exercer son pouvoir de police de la conservation des chemins ruraux. Par suite, ainsi que l'ont à bon droit jugé les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'autorité municipale se serait abstenue à tort de faire usage des pouvoirs de police dont elle disposait, afin d'y rétablir la circulation normale, en application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la SCI Terremer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2019 par laquelle la commune de Névache a refusé de rétablir la circulation sur l'ensemble du chemin de Saint-Laurent. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions à fin d'injonction formulées par la SCI Terremer.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Névache, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI Terremer demande au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Terremer la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Névache sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Terremer est rejetée.

Article 2 : La SCI Terremer versera à la commune de Névache la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Terremer et à la commune de Névache.

Délibéré après l'audience du 3 février 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.

N° 21MA04888 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04888
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale.

Voirie - Composition et consistance - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP TOMASI GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-17;21ma04888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award