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10/02/2023 | FRANCE | N°21MA01188

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 février 2023, 21MA01188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Aghione a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 570 278 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900423 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Bastia a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande à hauteur de la somme de 149 750 euros, a partiellement fait droit à sa demande en admettant au bénéfice

du crédit d'impôt sur les sociétés trois factures de 3 000 euros hors taxes, 3 612,74...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Aghione a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 570 278 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900423 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Bastia a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande à hauteur de la somme de 149 750 euros, a partiellement fait droit à sa demande en admettant au bénéfice du crédit d'impôt sur les sociétés trois factures de 3 000 euros hors taxes, 3 612,74 euros hors taxes et 2 300 euros hors taxes et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 mars 2021, 16 décembre 2021 et 4 avril 2022, la SAS Aghione, représentée par Me Galvez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement de la créance de crédit d'impôt pour investissements en Corse dont elle estime disposer à hauteur de 378 125,78 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 37 885,40 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dépenses d'un montant de 4 545,24 euros correspondant à des frais bancaires relevant de la ligne de crédit C2 ne sont plus à prendre en compte au titre du crédit d'impôt sollicité ;

- les dépenses facturées par la banque Landesbank Saar au titre d'un contrat de prêt, et les frais annexes au contrat de prêt, sont éligibles au crédit d'impôt pour investissements en Corse ; les coûts d'emprunts qui financent la production d'une immobilisation peuvent être compris dans le coût d'origine de l'immobilisation ou du stock, comme le prévoient les dispositions de l'article 38 undecies de l'annexe III au code général des impôts ainsi que les paragraphes n° 40, n° 110, n° 300 et n° 320 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-20-10 ;

- le financement souscrit par la société Aghione auprès de la banque est spécifiquement et directement souscrit dans le seul objectif de financer le coût de la construction de la centrale photovoltaïque ;

- elle a droit au bénéfice du crédit d'impôt en ce qui concerne la seconde échéance du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage d'un montant de 719 000 euros ; l'ensemble des prestations se rattache exclusivement à la phase de construction de la centrale ; le paragraphe n° 200 de l'instruction BOI-BIC-BASE-20-10 justifie la prise en compte de ces dépenses ;

- la dépense de 72 741,66 euros correspondant aux intérêts du compte-courant d'associés est éligible au crédit d'impôt, comme le confirment le paragraphe n° 40 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-20-10 et le paragraphe n° 200 de l'instruction BOI-BIC-BASE-20-10 ;

- les frais de conseil exposés à hauteur de 2 500 euros ont été directement engagés en vue de l'obtention du contrat de financement de la construction de la centrale et sont dès lors éligibles au crédit d'impôt.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2021, 14 février 2022 et 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 20 088 euros prononcé en cours d'instance et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Galvez, représentant la SAS Aghione.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Aghione, qui a pour objet le développement, la construction et l'exploitation d'infrastructures de production d'énergie photovoltaïque, a réalisé au cours de l'année 2017 des investissements pour la construction et la mise en service d'une centrale photovoltaïque sur la commune d'Aghione. Elle a demandé le bénéfice d'un crédit d'impôt pour investissements en Corse prévu par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts pour un montant de 3 724 767 euros représentant 30 % des investissements réalisés. L'administration fiscale a partiellement fait droit à sa demande en accordant un crédit d'impôt de 3 154 489 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal administratif de Bastia a admis l'éligibilité au bénéfice de ce crédit d'impôt des dépenses d'un montant total de 8 912,74 euros hors taxes, correspondant à des factures des bureaux d'études Greensolver et KiloWattsol. La SAS Aghione relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué qui a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, par deux décisions du 30 juin 2021 et du 17 janvier 2022, intervenues en cours d'instance, le directeur départemental des finances publiques de Haute-Corse a accordé, au vu des justificatifs produits, à la SAS Aghione un crédit d'impôt complémentaire d'un montant total de 20 088 euros au titre des investissements réalisés en Corse en 2017. La SAS Aghione a pris acte de ces dégrèvements dans ses mémoires enregistrés les 16 décembre 2021 et 4 avril 2022 et a renoncé dans cette mesure à ses conclusions. Elle doit être ainsi regardée comme s'étant désistée purement et simplement de ces conclusions dans cette mesure. Il y a lieu, par suite, de lui en donner acte.

3. D'autre part, dans le dernier état de ses écritures, la SAS Aghione déclare qu'elle abandonne sa demande tendant à la prise en compte, au titre du crédit d'impôt pour investissements en Corse, des dépenses d'un montant de 4 545,24 euros correspondant à des frais bancaires relevant de la ligne de crédit C2 du contrat de prêt souscrit auprès de la banque Landesbank Saar. Il y a lieu de prendre acte de ce désistement partiel de conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Si la SAS Aghione a indiqué, dans un mémoire en réplique n° 3 enregistré devant le tribunal le 3 avril 2020, qu'elle renonçait à réclamer à l'Etat le paiement de frais non compris dans les dépens, celle-ci a, en tout état de cause, maintenu sa demande dans les conclusions présentées dans ce mémoire puis sollicité à nouveau, dans un mémoire en réplique n° 4 enregistré le 27 avril suivant, qu'une somme de 13 812,50 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais du litige, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient l'Etat, statué au-delà des conclusions dont il était saisi.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. D'une part, aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa version applicable au litige: " I.-1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2016 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) ; 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A (...) 3° bis Le taux mentionné au premier alinéa du 3° est porté à 30 % pour les entreprises qui ont employé moins de onze salariés et ont réalisé soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 2 millions d'euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené le cas échéant à douze mois en cours lors de la réalisation des investissements éligibles, soit un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros (...) ". Aux termes de l'article 39 A du même code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif (...) ". Aux termes, enfin, de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif (...) les immobilisations acquises ou fabriquées par elles (...) et énumérées ci-après : / Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies (...) d. Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. Les coûts administratifs sont exclus du coût d'acquisition et du coût de production définis ci-dessus, à l'exception du coût des structures dédiées (...) ". Aux termes de l'article 38 undecies de la même annexe : " Les coûts d'emprunt engagés pour l'acquisition ou la production d'une immobilisation, corporelle ou incorporelle, ou d'un élément inscrit en stock ou en encours, peuvent être, au choix de l'entreprise, soit compris dans le coût d'origine de l'immobilisation ou du stock, soit déduits en charge au titre de l'exercice au cours duquel les intérêts sont courus. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux coûts d'emprunt attribuables aux éléments d'actif et engagés jusqu'à la date d'acquisition ou de réception définitive du bien qui exigent une période de préparation ou de construction en principe supérieure à douze mois avant de pouvoir être utilisés ou cédés (...) ".

7. En application de l'article 244 quater E du code général des impôts, les investissements susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt pour investissements en Corse sont notamment les biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif, entrant dans l'une des catégories énumérées à l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts. La réalisation d'un investissement éligible au crédit d'impôt pour investissements en Corse résulte, en principe, soit de l'acquisition du bien correspondant auprès d'un tiers soit de la création de ce bien par l'entreprise elle-même ou avec l'aide d'autres entreprises. Dans les deux cas, la réalisation de l'investissement se traduit par l'inscription du bien à l'actif immobilisé de l'entreprise au titre de l'exercice ou de la période d'imposition en cours lors du transfert de propriété du bien en cause ou de son achèvement. La valeur d'origine servant de référence à l'inscription en immobilisation d'un bien acquis à titre onéreux est constituée du prix d'achat, le cas échéant majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies de l'annexe II au code général des impôts.

S'agissant des coûts d'emprunt et les frais annexes :

8. L'administration fiscale a remis en cause, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 38 undecies de l'annexe III au code général des impôts, le caractère éligible d'une partie des coûts d'emprunt et des frais annexes, pour un montant restant en litige de 466 145,39 euros.

9. La société requérante se prévaut de ce que l'intégralité de ces dépenses a été engagée en vue de financer le coût de la centrale photovoltaïque. Cependant, il résulte des éléments qui précèdent que le coût d'acquisition d'une immobilisation corporelle doit s'entendre notamment de son prix d'achat et de tous les coûts directement attribuables engagés pour mettre l'actif en place et en état de fonctionner selon l'utilisation prévue par l'entreprise. Or, le contrat de prêt souscrit par la société requérante auprès de la banque Landesbank Saar révèle que le prêt consenti de 13,74 millions d'euros prévoit un financement du projet selon l'octroi et la mise à disposition de quatre lignes de crédit dont une seule, la ligne de crédit A, est dédiée au financement de la phase de construction, à hauteur de 7,6 millions d'euros. La ligne de crédit B, d'un montant de 2,45 millions d'euros, vise à financer la taxe sur la valeur ajoutée, alors que la ligne de crédit C, d'un montant de 7,6 millions d'euros, a pour effet de refinancer à long terme la ligne de crédit A à l'issue de la phase de construction et après la mise en service de l'ouvrage Enfin, la ligne de crédit E a pour objet de préfinancer le crédit d'impôt pour investissements en Corse à hauteur de 3,69 millions d'euros. Dans ces conditions, et alors qu'aucune des dispositions invoquées du plan comptable général ne diverge de la loi fiscale applicable, il n'est pas établi que l'intégralité des coûts de souscription de cet emprunt bancaire serait exclusivement et directement lié au financement de la construction de la centrale et devrait, par suite, être incorporé dans le coût d'origine de cet actif et être ainsi éligible au crédit d'impôt pour investissements en Corse.

10. A cet égard, si la requérante sollicite, parmi ces coûts d'emprunt, la prise en compte d'une dépense de 2 500 euros correspondant au versement d'une commission à l'établissement bancaire Landesbank Saar, il n'est pas établi que cette somme aurait été directement engagée pour la construction de la centrale, l'article 15 de la convention de prêt prévoyant qu'il s'agit d'une commission de " suivi de projet " et qu'elle est débitée chaque année du compte bancaire " projet " à compter du 1er janvier 2017, y compris au cours de la phase d'exploitation de la centrale. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande de prise en compte de cette dépense.

11. En revanche, la société requérante justifie que la dépense de 80 000 euros correspond au montant d'une commission versée à l'établissement bancaire au titre de la phase relative à la construction de la centrale. Le versement de cette commission est prévu à l'article 15 de la convention de prêt qui prévoit expressément un débit à partir du compte bancaire affecté uniquement à la phase de construction de l'ouvrage. Le courrier du 26 janvier 2017 adressé par la banque à la SAS Aghione montre au demeurant que cette somme a été débitée avant la mise en service de l'ouvrage survenue le 30 juin 2017. Dès lors, cette dépense doit être regardée comme étant éligible au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

12. Enfin, la société requérante soutient que les dépenses de 19 700 euros hors taxes et de 281 000 euros au bénéfice de la société Corsica Sole Invest, ainsi que celles de 10 098,99 euros hors taxes au be´ne´fice du cabinet d'avocats DLA Piper, de 30 000 euros hors taxes au be´ne´fice du cabinet d'avocats LPA-CGR et de 42 131,82 euros hors taxes au be´ne´fice de l'e´tude notariale Lasaygues, sont liées au financement bancaire du projet et éligibles au crédit d'impôt litigieux. Cependant, et alors qu'il n'est pas justifié que les coûts d'emprunt exposés au point 9 seraient exclusivement et directement affectés au financement de la construction de la centrale, les seules factures, au demeurant partiellement produites et particulièrement succinctes sur l'objet des prestations, ne suffisent pas à démontrer l'éligibilité de ces dépenses au crédit d'impôt.

S'agissant de la seconde échéance du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage :

13. Il résulte de l'instruction que la convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclue le 18 janvier 2017 avec la SAS Corsica Sole prévoit notamment que cette société fournit une assistance administrative et technique pour l'ensemble de la phase correspondant à la construction de la centrale photovoltaïque jusqu'à sa mise en exploitation. Cependant, la convention prévoit également un ensemble de prestations particulières, notamment en matière foncière, où la SAS Corsica Sole est chargée, d'une part, d'assister la SAS Aghione pour la conclusion d'un bail emphytéotique et de toute autre convention foncière en vue de l'implantation de la centrale, d'autre part, d'assurer le suivi des autorisations d'urbanisme dont bénéficie la société requérante. Il n'est pas contesté que les prestations en lien avec l'obtention d'un bail emphytéotique, concernant une immobilisation non amortissable, ne sont pas éligibles par nature au crédit d'impôt litigieux. Par ailleurs, la convention prévoit que la SAS Corsica Sole doit également assister le maître d'ouvrage à rechercher des financements extérieurs, destinés à financer non seulement la construction mais aussi l'exploitation de la centrale photovoltaïque, et à développer une méthodologie permettant de connaître la maîtrise des performances de la centrale photovoltaïque lorsque celle-ci sera exploitée. Ces dépenses ne peuvent ainsi être regardées comme ayant exclusivement et directement pour objet la mise en état et la construction du bien mais apparaissent comme ayant été principalement engagées en vue de son exploitation. La société requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments permettant de connaître le détail de ces dépenses alors que la rémunération de la SAS Corsica Sole est versée, selon l'article 2 de la convention, au vu des factures transmises par la SAS Corsica Sole, et selon un premier versement de 200 000 euros hors taxes puis un second versement, correspondant au solde en litige, de 719 000 euros hors taxes. Par suite, la SAS Aghione, qui se borne à invoquer la conclusion d'une convention portant spécifiquement sur l'exploitation de la centrale et la gestion de ses actifs, n'est pas fonde´e a` demander le be´ne´fice du cre´dit d'impo^t au titre de la seconde e´che´ance de la prestation d'assistance a` mai^trise d'ouvrage d'un montant de 719 000 euros.

S'agissant des intérêts du compte courant d'associés :

14. Il résulte de l'instruction que la SAS Aghione a décidé d'inclure, dans le prix de revient de la centrale photovoltaïque, les intérêts intercalaires, calculés au 30 juin 2017 à hauteur de 72 741,66 euros, du compte courant d'associé détenu par la SAS Corsica Sole Invest, associée de la SAS Aghione à hauteur de 20 %. La société requérante soutient que ces intérêts correspondent à une avance de 2 147 406 euros consentie par la SAS Aghione pour financer la phase de construction de la centrale. Cependant, la convention de compte courant d'associé conclue le 18 janvier 2017 entre la SAS Aghione et la SAS Corsica Sole Invest se borne à exposer que le financement sous forme d'avances en compte courant d'associé est accordé " notamment pendant la phase de construction de la centrale ", et pour une durée de quinze ans, laquelle couvre nécessairement et principalement la période d'exploitation du bien. Par ailleurs, cette convention ne précise ni le montant de l'avance ni celui de sa rémunération. Le seul tableau produit par la requérante, qui n'est ni une facture ni un document comptable, n'est pas davantage probant pour expliciter le montant de l'avance et des intérêts. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas, par ces seuls éléments, que cette dépense exposée à hauteur de 72 741,66 euros correspondrait à un coût d'emprunt directement attribuable à la construction de la centrale au sens des dispositions précitées de l'article 38 undecies de l'annexe III au code général des impôts. Par suite, elle n'est pas fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater E du CGI à raison de ces dépenses.

S'agissant des frais de conseil :

15. La société requérante demande la prise en compte d'une somme de 2 500 euros qui ressort d'une facture du 13 février 2017 de la société Willis, correspondant à des frais de conseils dispensés dans le cadre de la mise en place du programme d'assurances pour la construction et l'exploitation de la centrale. Toutefois, cette seule facture, dépourvue de toute précision sur la nature exacte des prestations, est insuffisante pour établir que la dépense en cause serait exclusivement et directement affectée au financement de la construction de la centrale. Si la requérante se prévaut de ce que ces dépenses ont été engagées en vue de l'obtention du contrat de prêt souscrit auprès de la banque Landesbank Saar, il n'est pas établi, au vu des éléments exposés précédemment, que l'intégralité des coûts liés à la souscription de cet emprunt bancaire serait exclusivement et directement liée au financement de la construction de la centrale. L'article 6 du contrat prévoit en outre que la mise à disposition des fonds est subordonnée à la fourniture des documents d'assurances concernant tant la construction du bien que son exploitation. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, cette facture ne saurait être éligible au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

16. La garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration fiscale. Ainsi, la société requérante ne peut se prévaloir des paragraphes n° 40, n° 110, n° 300 et n° 320 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-20-10 et du paragraphe 200 de l'instruction BOI-BIC-BASE-20-10 pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Aghione est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à admettre au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts ses dépenses réalisées à hauteur de 80 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS Aghione présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de la SAS Aghione à hauteur des montants précisés aux point 2 et 3 ci-dessus.

Article 2 : La somme de 80 000 euros est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 3 : Il est accordé à la SAS Aghione au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos en 2017 le bénéfice du crédit d'impôt pour investissements en Corse correspondant à la prise en compte de la somme mentionnée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement n° 1900423 du tribunal administratif de Bastia du 4 février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Aghione et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Taormina, président assesseur,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2023.

2

N° 21MA01188

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01188
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-10;21ma01188 ?
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