Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société ELC a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2019-06-06-005 du 26 septembre 2019 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre une interdiction temporaire d'exercer d'une durée de six mois et une pénalité financière d'un montant de 5 000 euros.
Par un jugement n° 1903968 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société ELC.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2021, la société ELC, représentée par le cabinet d'avocats Ladouce, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903968 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2019-06-06-005 du 26 septembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commission nationale d'agrément et de contrôle la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les infractions retenues sont fondées sur une appréciation erronée de la réalité ;
- la décision porte atteinte au principe de personnalité des peines ;
- la décision est entachée d'erreurs de droit au regard de la réglementation applicable aux campings, de l'inadéquation entre l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure et l'obligation de surveillance de l'exploitant, de l'incompatibilité entre différentes dispositions législatives, de la circonstance que le salarié contrôlé est employé en qualité de veilleur de nuit et non de gardien de sécurité ; si la Cour devait estimer le contraire, les conséquences supplanteraient celles des seules sanctions financières encourues devant la commission, avec un enjeu départemental voire national pour tous les campings ;
- la décision est intervenue en méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie ;
- cette décision porte une atteinte grave au principe de proportionnalité et méconnaît l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société ELC ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Brière, substituant Me Claisse, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. La société ELC exploite un camping sur le territoire de la commune de Hyères-les-Palmiers. A la suite d'une visite de contrôle diligentée par les agents de la direction territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité le 22 août 2017, suivie d'un contrôle sur pièces réalisé le 8 novembre 2017, la commission locale d'agrément et de contrôle Sud (CLAC) a décidé, par délibération du 10 décembre 2018, de prononcer une interdiction d'exercer toute activité privée de sécurité pour une durée de six mois à l'encontre de la société ELC et de lui infliger une pénalité d'un montant de 10 000 euros. L'intéressée a alors saisi la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité d'un recours administratif préalable obligatoire. Par délibération du 26 septembre 2019, la CNAC a confirmé l'interdiction d'exercer pour une durée de six mois, et lui a infligé une pénalité financière d'un montant ramené à 5 000 euros. Dans la présente instance, la société ELC relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) / 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat et, s'il utilise un chien dans le cadre de son emploi ou de son affectation, de l'obtention d'une qualification définie en application de l'article L. 613-7. / Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article L. 612-9 dudit code : " L'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 est subordonné à une autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire. (...) ". L'article R. 631-15 du même code précise que : " Vérification de la capacité d'exercer. / Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions. / Ils s'assurent de l'adéquation des compétences aux missions confiées. ". Aux termes de l'article L. 612-25 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Sans préjudice des dispositions prévues par des lois spéciales, l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 612-2, L. 612-3, L. 612-6 à L. 612-8 et L. 612-15. ". Enfin, l'article R. 612-7 de ce même code précise les pièces que doit comporter le dossier de demande d'autorisation administrative présentée par les entreprises mentionnées à l'article L. 612-25.
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la nécessité d'obtenir une autorisation pour l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité de sécurité privée s'apprécie en considération de la nature de l'activité. Il est dès lors indifférent que les salariés affectés à cette activité de sécurité interne soient polyvalents. Il en résulte, d'autre part, que, s'agissant de la nécessité d'emploi de salariés titulaires d'une carte professionnelle, les textes applicables ne distinguent pas selon que les salariés participent exclusivement ou non à l'activité de sécurité privée définie à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.
4. D'une part, il ressort des constatations faites lors du contrôle effectué par les agents de la direction territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité que la société ELC faisait réaliser une mission de surveillance et de filtrage à plusieurs de ses salariés affectés en " service de nuit ". Selon le compte-rendu final de contrôle dressé le 29 décembre 2017, il est apparu à l'analyse du planning intitulé " planning des gardiens " de la saison 2017 qu'il portait la mention " Le personnel de sécurité " en marge de l'espace dédié à leur signature. Ces agents étaient par ailleurs présents à l'entrée de l'établissement, dont l'accès nocturne est restreint, et effectuaient des rondes intérieures permanentes au cours de l'été 2017, ainsi d'ailleurs que cela ressort clairement de plusieurs avis de clients rédigés sur des sites internet dédiés, et des réponses formulées par le représentant du camping, ce dernier faisant expressément référence et sans aucune ambiguïté à la présence d'un service de sécurité réalisant des rondes toute la nuit. Au demeurant, il est constant que le responsable d'équipe était détenteur d'une carte professionnelle autorisant l'activité de surveillance humaine valide jusqu'au 7 avril 2016. Dans ces conditions, indépendamment de la circonstance selon laquelle ces agents étaient titulaires d'un contrat de travail en qualité de simples veilleurs de nuit également chargés d'une mission d'accueil des touristes arrivant en dehors des heures d'ouverture du camping, ils doivent être regardés comme ayant exercé une activité de surveillance et de sécurité au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, dans le cadre d'un service interne de sécurité. Il est par ailleurs constant que la société ELC n'a pas été autorisée à exercer une telle activité et que les salariés du service de sécurité ne disposaient pas de la carte professionnelle requise.
5. D'autre part, indépendamment des dispositions du règlement intérieur type applicables aux campings ou des normes de classement de ces installations telles qu'elles sont définies par arrêté ministériel, il ressort clairement des dispositions citées au point 2 que les entreprises qui n'exercent pas, à titre principal, une activité de sécurité privée, peuvent néanmoins être soumises à certaines dispositions du livre VI du code de la sécurité intérieure, dès lors qu'elles disposent d'un service interne chargé d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 de ce code. De plus, si une entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1, n'est pas soumise aux dispositions d'articles limitativement énumérés par l'article L. 612-25 du code de la sécurité intérieure, ce dernier n'exclue pas l'application des dispositions des articles L. 612-9 et L. 612-20 dudit code. Ainsi, bien que l'activité de la société requérante ne soit pas exclusivement la fourniture de services de surveillance, elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure dès lors, ainsi qu'il a été dit au point précédent, qu'elle emploie des agents exerçant une activité de surveillance et de sécurité au sens de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.
6. Enfin, la requérante, qui reprend en cause d'appel le moyen tiré de l'incompatibilité entre les articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de la sécurité intérieure, n'apporte pas davantage de précisions qu'en première instance permettant d'apprécier tant la portée que le bien-fondé.
7. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur de fait et des erreurs de droit entachant la délibération en litige doivent être écartés.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. ".
9. Pour prendre la sanction d'interdiction d'exercer pendant six mois assortie d'une pénalité financière à l'encontre de la société ELC, la CNAC a estimé que celle-ci avait méconnu les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure en employant des salariés pour effectuer des missions relevant d'activités privées de sécurité sans autorisation ni délivrance préalable d'une carte professionnelle, ainsi que les dispositions de l'article R. 613-1 du même code relatives à l'obligation de détention d'un insigne distinctif pour chaque agent concerné, les dispositions de l'article R. 613-3 du code en l'absence de remise du code de déontologie aux intéressés, et les dispositions de l'article R. 631-4 du même code en l'absence de versement de la contribution sur les activités privées de sécurité en application de l'article 1609 quinquies du code général des impôts.
10. D'une part, en se bornant à soutenir qu'elle s'est conformée à la convention collective applicable dans son domaine d'activité, et que la qualification à laquelle la CNAC a procédé aurait des conséquences financières pour tous les campings sur le plan départemental voire national, la requérante n'établit nullement que la sanction qui lui a été infligée serait intervenue en méconnaissance du principe de proportionnalité.
11. D'autre part, et compte tenu de ce qui précède, en sanctionnant la société ELC, la CNAC, qui a ainsi fait usage de son pouvoir disciplinaire, dans les conditions et pour les motifs prévus par les textes législatifs et réglementaires applicables, n'a pas porté atteinte à la liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie de l'intéressée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Enfin, il résulte de ce que vient d'être dit que la société ELC a méconnu les dispositions du code de la sécurité intérieure. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le Conseil national des activités privées de sécurité, en lui infligeant les sanctions en litige, aurait méconnu le principe de personnalité des peines.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société ELC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 26 septembre 2019 par laquelle la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé une interdiction temporaire d'exercer d'une durée de six mois à son encontre et lui a infligé une pénalité financière d'un montant de 5 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société ELC la somme de 500 euros à verser au Conseil national des activités privées de sécurité au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société ELC est rejetée.
Article 2 : La société ELC versera la somme de 500 euros au Conseil national des activités privées de sécurité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ELC et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
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N° 21MA00486