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07/02/2023 | FRANCE | N°21MA00485

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 février 2023, 21MA00485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2019-06-06-006 du 17 octobre 2019 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre un blâme et une pénalité financière d'un montant de 2 500 euros.

Par un jugement n° 1904018 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :
>Par une requête, enregistrée le 4 février 2021, M. C..., représenté par le cabinet d'avocats Ladouc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2019-06-06-006 du 17 octobre 2019 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé à son encontre un blâme et une pénalité financière d'un montant de 2 500 euros.

Par un jugement n° 1904018 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2021, M. C..., représenté par le cabinet d'avocats Ladouce, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904018 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la délibération n° DD/CNAC/2019-06-06-006 du 17 octobre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commission nationale d'agrément et de contrôle la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle est illégale dès lors que la date indiquée est illisible ;

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure tiré de la composition irrégulière de la commission, en méconnaissance des articles R. 632-9 et R. 632-2 du code de la sécurité intérieure ;

- les infractions retenues sont fondées sur une appréciation erronée de la réalité ;

- la décision porte atteinte au principe de personnalité des peines ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le salarié contrôlé est employé en qualité de veilleur de nuit et non de gardien de sécurité ; si la Cour devait estimer le contraire, les conséquences supplanteraient celles des seules sanctions financières encourues devant la commission, avec un enjeu départemental voire national pour tous les campings ;

- la décision est intervenue en méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie ;

- elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à la sécurité juridique et méconnait l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 368 du code de procédure pénale, l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques, l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et l'article 54 de la convention d'application de l'accord Schengen ; il ne pouvait être sanctionné à raison des mêmes faits que ceux retenus à l'encontre de Mme C... et de la société ELC ; dès lors, l'application du principe " non bis in idem " ne peut être contestée ;

- cette décision porte une atteinte grave au principe de proportionnalité et méconnaît l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Brière, substituant Me Claisse, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. La société ELC, dont M. C... est le directeur général et président du conseil d'administration, exploite un camping sur le territoire de la commune de Hyères-les-Palmiers. A la suite d'une visite de contrôle diligentée par les agents de la direction territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité le 22 août 2017, suivie d'un contrôle sur pièces réalisé le 8 novembre 2017, la commission locale d'agrément et de contrôle Sud (CLAC) a décidé, par délibération du 10 décembre 2018, de prononcer une interdiction d'exercer toute activité privée de sécurité pour une durée de six mois à l'encontre de M. C... et de lui infliger une pénalité d'un montant de 2 500 euros. L'intéressé a alors saisi la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité d'un recours administratif préalable obligatoire. Par délibération du 17 octobre 2019, la CNAC a substitué la sanction du blâme à celle de l'interdiction temporaire d'exercer une activité privée de sécurité, et lui a infligé une pénalité financière d'un montant de 2 500 euros. Dans la présente instance, M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le requérant reprend en cause d'appel le moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que la délibération attaquée serait entachée d'une illégalité résultant du caractère illisible de sa date, ce qui impacterait nécessairement le principe de sécurité juridique. Toutefois, une telle circonstance est dépourvue de toute incidence sur la légalité de la délibération attaquée et ne saurait, par elle-même, apporter une restriction au droit au recours de l'intéressé de nature à caractériser une méconnaissance du principe de sécurité juridique. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, si M. C... persiste à soutenir que la délibération de la CNAC est entachée d'un vice de procédure résultant d'une composition irrégulière lors de la séance qui s'est tenue le 6 juin 2019, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement, dès lors que leur réponse est suffisante et que, M. C... n'apportant pas d'éléments nouveaux en cause d'appel, cette réponse n'appelle pas de nouvelles précisions par la Cour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) / 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat et, s'il utilise un chien dans le cadre de son emploi ou de son affectation, de l'obtention d'une qualification définie en application de l'article L. 613-7. / Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article L. 612-9 dudit code : " L'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 est subordonné à une autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire. (...) ". L'article R. 631-15 du même code précise que : " Vérification de la capacité d'exercer. / Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions. / Ils s'assurent de l'adéquation des compétences aux missions confiées. ". Aux termes de l'article L. 612-25 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige : " Sans préjudice des dispositions prévues par des lois spéciales, l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 612-2, L. 612-3, L. 612-6 à L. 612-8 et L. 612-15. ". Enfin, l'article R. 612-7 de ce même code précise les pièces que doit comporter le dossier de demande d'autorisation administrative présentée par les entreprises mentionnées à l'article L. 612-25.

5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la nécessité d'obtenir une autorisation pour l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité de sécurité privée s'apprécie en considération de la nature de l'activité. Il est dès lors indifférent que les salariés affectés à cette activité de sécurité interne soient polyvalents. Il en résulte, d'autre part, que, s'agissant de la nécessité d'emploi de salariés titulaires d'une carte professionnelle, les textes applicables ne distinguent pas selon que les salariés participent exclusivement ou non à l'activité de sécurité privée définie à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.

6. Il ressort des constatations faites lors du contrôle effectué par les agents de la direction territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité que la société ELC faisait réaliser une mission de surveillance et de filtrage à plusieurs de ses salariés affectés en " service de nuit ". Selon le compte-rendu final de contrôle dressé le 29 décembre 2017, il est apparu à l'analyse du planning intitulé " planning des gardiens " de la saison 2017 qu'il portait la mention " Le personnel de sécurité " en marge de l'espace dédié à leur signature. Ces agents étaient par ailleurs présents à l'entrée de l'établissement, dont l'accès nocturne est restreint, et effectuaient des rondes intérieures permanentes au cours de l'été 2017, ainsi d'ailleurs que cela ressort clairement de plusieurs avis de clients rédigés sur des sites internet dédiés, et des réponses formulées par le représentant du camping, ce dernier faisant expressément référence et sans aucune ambiguïté à la présence d'un service de sécurité réalisant des rondes toute la nuit. Au demeurant, il est constant que le responsable d'équipe était détenteur d'une carte professionnelle autorisant l'activité de surveillance humaine valide jusqu'au 7 avril 2016. Dans ces conditions, indépendamment de la circonstance selon laquelle ces agents étaient titulaires d'un contrat de travail en qualité de simples veilleurs de nuit également chargés d'une mission d'accueil des touristes arrivant en dehors des heures d'ouverture du camping, ils doivent être regardés comme ayant exercé une activité de surveillance et de sécurité au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, dans le cadre d'un service interne de sécurité. Il est par ailleurs constant que la société ELC n'a pas été autorisée à exercer une telle activité et que les salariés du service de sécurité ne disposaient pas de la carte professionnelle requise. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. ".

8. Pour prendre la sanction du blâme assortie d'une pénalité financière à l'encontre de M. C..., la CNAC a estimé que la société qu'il dirige avait méconnu les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure en employant des salariés pour effectuer des missions relevant d'activités privées de sécurité sans autorisation ni délivrance préalable d'une carte professionnelle, ainsi que les dispositions de l'article R. 613-1 du même code relatives à l'obligation de détention d'un insigne distinctif pour chaque agent concerné, les dispositions de l'article R. 613-3 du code en l'absence de remise du code de déontologie aux intéressés, et les dispositions de l'article R. 631-4 du même code en l'absence de versement de la contribution sur les activités privées de sécurité en application de l'article 1609 quinquies du code général des impôts.

9. D'une part, en se bornant à soutenir que la société ELC s'est conformée à la convention collective applicable dans son domaine d'activité, et que la qualification à laquelle la CNAC a procédé aurait des conséquences financières pour tous les campings sur le plan départemental voire national, le requérant n'établit nullement que la sanction qui lui a été infligée serait intervenue en méconnaissance du principe de proportionnalité.

10. D'autre part, et compte tenu de ce qui précède, en sanctionnant M. C..., la CNAC, qui a ainsi fait usage de son pouvoir disciplinaire, dans les conditions et pour les motifs prévus par les textes législatifs et réglementaires applicables, n'a pas porté atteinte à la liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie de l'intéressé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Enfin, il résulte de ce que vient d'être dit que M. C..., en sa qualité de dirigeant de la société ELC, a méconnu les dispositions du code de la sécurité intérieure. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le Conseil national des activités privées de sécurité, en lui infligeant les sanctions en litige, aurait méconnu le principe de personnalité des peines.

12. En cinquième et dernier lieu, M. C..., qui se prévaut d'une violation du principe de sécurité juridique et d'une méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 368 du code de procédure pénale, de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du Pacte international des droits civils et politiques, de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de l'article 54 de la convention d'application de l'accord Schengen, soutient qu'il ne pouvait être sanctionné à raison des mêmes faits que ceux retenus à l'encontre de la société ELC et de Mme C... épouse B..., de sorte que la CNAC a méconnu le principe " non bis in idem ". Il résulte toutefois des dispositions citées au point 7 de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure qu'en cas de manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques relatifs aux activités privées de sécurité, la commission nationale d'agrément et de contrôle peut infliger une sanction disciplinaire et une pénalité financière non seulement à une personne physique mais également à une personne morale. Ainsi, le législateur a expressément exprimé sa volonté d'instituer un cumul de sanctions pour la société et son dirigeant. Par suite, en sanctionnant la société ELC, son directeur général et sa directrice déléguée, à raison des mêmes faits, la commission nationale d'agrément et de contrôle n'a pas méconnu le principe " non bis in idem ".

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 17 octobre 2019 par laquelle la CNAC du Conseil national des activités privées de sécurité a prononcé un blâme à son encontre et lui a infligé une pénalité financière d'un montant de 2 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 500 euros à verser au Conseil national des activités privées de sécurité au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera la somme de 500 euros au Conseil national des activités privées de sécurité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.

2

N° 21MA00485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00485
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LADOUCE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-07;21ma00485 ?
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