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03/02/2023 | FRANCE | N°21MA00945

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 février 2023, 21MA00945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet opposée par la commune de Gignac-la-Nerthe à sa demande de mise en œuvre de la procédure d'incorporation au domaine public de la parcelle cadastrée section BE n° 241 située à Gignac-la-Nerthe, formée le 22 juillet 2019, ainsi que les décisions implicites de rejet de sa demande opposées respectivement par le préfet des Bouches-du-Rhône et le directeur du centre des impôts fonciers de Marseille.


Par un jugement n° 1909925 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet opposée par la commune de Gignac-la-Nerthe à sa demande de mise en œuvre de la procédure d'incorporation au domaine public de la parcelle cadastrée section BE n° 241 située à Gignac-la-Nerthe, formée le 22 juillet 2019, ainsi que les décisions implicites de rejet de sa demande opposées respectivement par le préfet des Bouches-du-Rhône et le directeur du centre des impôts fonciers de Marseille.

Par un jugement n° 1909925 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mars 2021 et 12 avril 2022, sous le n° 21MA00945, M. A..., représenté par Me Cecere, demande à la Cour :

1°) d'annuler les trois décisions implicites de rejet opposées par la commune de Gignac-la-Nerthe, le préfet des Bouches-du-Rhône et le directeur du centre des impôts fonciers à sa demande de mise en œuvre de la procédure d'incorporation au domaine public de la parcelle cadastrée section BE n° 241 située à Gignac-la-Nerthe, formée le 22 juillet 2019 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Gignac-la-Nerthe, au préfet des Bouches-du-Rhône et au directeur du centre des impôts fonciers de Marseille de mettre en œuvre la procédure d'acquisition de la parcelle cadastrée section BE n° 241 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Gignac-la-Nerthe la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la motivation du jugement attaqué est insuffisante ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de mise en œuvre des pouvoirs d'instruction du juge ;

- le propriétaire de la parcelle cadastrée section BE n° 241 était inconnu à la date de ses demandes ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait dès lors que, dès que la liquidation intervient, la personnalité morale de la société disparaît ;

- la parcelle cadastrée section BE n° 241 constitue un bien sans maître au sens des dispositions de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la SCI Les Bastides du Capeau ne doit pas être regardée comme la propriétaire actuelle de la parcelle cadastrée section BE n° 241 mais comme le dernier propriétaire connu de cette parcelle ;

- l'initiative de la procédure d'acquisition d'un bien vacant présumé sans maître au sens du 3° de l'article L. 1124-1 du code général de la propriété des personnes publiques appartient exclusivement au centre des impôts fonciers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, le directeur régional des finances publiques (DRFIP) de Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me D'Albenas, conclut au rejet de la requête de M. A... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Cecere, représentant M. A... et de Me Teles, représentant la commune de Gignac-la-Nerthe.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire de la parcelle cadastrée section BE n° 199 située sur le territoire de la commune de Gignac-la-Nerthe qu'il souhaite viabiliser au réseau d'eau et d'assainissement dont les conduites se situent en tréfonds de la parcelle cadastrée section BE n° 241. Par courriers du 22 juillet 2019 reçus le 24 juillet suivant, il a adressé à la commune de Gignac-la-Nerthe, au préfet des Bouches-du-Rhône et au directeur du centre des impôts fonciers de Marseille, une demande tendant à ce que soit mise en œuvre la procédure prévue à l'article L. 1123-4 du code de la propriété des personnes publiques s'agissant de cette parcelle cadastrée section BE n° 241 dénommée " Traverse du Mazet ". En l'absence de réponse, des décisions implicites de rejet sont nées le 24 septembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions implicites de rejet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements sont motivés.

3. M. A... qui se borne à soutenir que la motivation du jugement attaqué serait insuffisante ne permet pas à la Cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen qui ne peut ainsi qu'être écarté.

4. En second lieu, il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction.

5. Si M. A... soutient que le tribunal aurait dû, pour examiner le moyen tiré de ce que la parcelle cadastrée section BE n° 241 est un bien sans maître, ordonner notamment aux mandataires-liquidateurs de la société de Participation et de Réalisation de produire les éléments qu'il a tenté d'obtenir par ses propres moyens, il ressort des éléments versés au dossier de première instance par les parties que le tribunal pouvait former sa conviction au regard des allégations dont il était saisies, sans procéder à une telle mesure d'instruction. Ainsi, le tribunal administratif n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en ne procédant pas à cette mesure d'instruction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 1123-1 du code de la propriété des personnes publiques dans sa version applicable à la date des décisions contestées : " Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : (...) / 3° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu, qui ne sont pas assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour lesquels, depuis plus de trois ans, la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers. Le présent 3° ne fait pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription. ". Aux termes de l'article L. 1123-4 du même code : " L'acquisition des immeubles mentionnés au 3° de l'article L. 1123-1 est opérée selon les modalités suivantes. / Au 1er mars de chaque année, les centres des impôts fonciers signalent au représentant de l'Etat dans le département les immeubles satisfaisant aux conditions prévues au même 3°. Au plus tard le 1er juin de chaque année, le représentant de l'Etat dans le département arrête la liste de ces immeubles par commune et la transmet au maire de chaque commune concernée. Le représentant de l'Etat dans le département et le maire de chaque commune concernée procèdent à une publication et à un affichage de cet arrêté ainsi que, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Une notification est également adressée, si l'immeuble est habité ou exploité, à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui a acquitté les taxes foncières. / Le deuxième alinéa du présent article est applicable lorsque les taxes foncières font l'objet d'une exonération ou ne sont pas mises en recouvrement en application de l'article 1657 du code général des impôts. / Dans le cas où un propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à compter de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité mentionnées au deuxième alinéa du présent article, l'immeuble est présumé sans maître. Le représentant de l'Etat dans le département notifie cette présomption au maire de la commune dans laquelle est situé le bien. / La commune dans laquelle est situé ce bien peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. A défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la notification de la vacance présumée du bien, la propriété de celui-ci est attribuée à l'Etat. Toutefois, lorsque le bien est situé dans l'une des zones définies à l'article L. 322-1 du code de l'environnement, la propriété est transférée au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lorsqu'il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d'espaces naturels agréé au titre de l'article L. 414-11 du même code lorsqu'il en fait la demande. Le transfert du bien est constaté par un acte administratif. (...). ".

7. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1844-8 du code civil : " La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ". Cette règle est reprise à l'article L. 237-2 du code de commerce. En vertu du 7° de l'article 1844-7 du code civil, dans sa version antérieure au 1er juillet 2014, une société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire. Toutefois, la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.

8. Aux termes de l'article 2 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Aucune modification de la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation cadastrale, si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier. " L'article 28 du décret précité prévoit que : " Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : / 1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : / a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ; (...) ".

9. En premier lieu, il ressort d'un courriel du 21 août 2018 du centre des impôts fonciers d'Aix-en-Provence et d'un relevé de propriété visé par le contrôleur principal des finances publiques que la parcelle cadastrée section BE n° 241 qui ne génère aucun impôt appartient toujours à la SCI Les Bastides du Capeau. Les circonstances à les supposer établies que cette société aurait été officiellement radiée au 14 septembre 2012 et que la transmission universelle de son patrimoine aurait été actée au profit de la SARL Eric Cerato et partenaires, devenue ensuite la société de participation et de réalisations immobilières (SPRI), elle-même radiée le 16 décembre 2008 pour insuffisance d'actif, ne sont pas de nature à établir que le propriétaire de la parcelle cadastrée section BE n° 241 serait inconnu dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au 7, la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'acte de transmission de la SCI Les Bastides du Capeau aurait fait l'objet d'une publication au fichier immobilier tenu par le service de la publicité foncière (SPF) en application des articles 2 et 28 du décret du 4 janvier 1955. Cette transmission n'est dès lors pas opposable. Ainsi, en l'absence de cette publication et des mentions du relevé de propriété précité, la parcelle en litige reste la propriété de la SCI Les Bastides du Capeau. Dès lors, la parcelle cadastrée section BE n° 241 ne remplit pas la condition liée à l'absence de propriétaire connu prévue par le 3° de l'article L. 1123-1 du code de la propriété des personnes publiques. Par suite, le directeur du centre des impôts fonciers de Marseille a pu légalement et sans commettre d'erreur de fait, rejeter implicitement la demande de M. A... tendant à ce que cette parcelle soit considérée comme n'ayant pas de maître au sens des dispositions du 3° de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

10. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 9, ni la commune de Gignac-la-Nerthe ni le préfet des Bouches-du-Rhône ne devaient mettre en œuvre la procédure d'acquisition prévue par les dispositions de l'article L. 1123-4 du code général de la propriété des personnes publiques. Par suite, leurs décisions implicites de rejet ne sont entachées ni d'erreur de droit ni d'erreur de fait.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet contestées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Gignac-la-Nerthe qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Gignac-la-Nerthe et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la commune de Gignac-la-Nerthe.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2023.

2

N° 21MA00945

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00945
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-02-03-02-04 Domaine. - Domaine privé. - Contentieux. - Compétence de la juridiction judiciaire. - Contentieux de l'acquisition et de la propriété.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP LOGOS TOMAS-BEZER BLIEK-VEIDIG CECERE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-03;21ma00945 ?
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