Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le maire de Laye a accordé à la société civile immobilière (SCI) Alix un permis de construire portant sur l'extension d'une maison d'habitation, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000575 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin et 24 novembre 2022, la SCI Alix, représentée par Me Dumont-Scognamiglio, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme B... ;
- le projet litigieux ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Ben Hadj Younes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Alix la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Alix ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 4 décembre 2022, présenté pour Mme B..., n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Dupont, substituant Me Dupont représentant la SCI Alix, et de Me Djermoune, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Alix demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a, sur demande de Mme B..., d'une part, annulé l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le maire de Laye a accordé à la SCI Alix un permis de construire portant sur l'extension d'une maison d'habitation.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Contrairement à ce que soutient la SCI Alix, il n'appartient pas au requérant formant un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager d'apporter la preuve certaine de ce que les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien seront affectées par le projet litigieux, mais seulement de faire état d'éléments suffisamment précis et étayés permettant de forger la conviction du juge sur ce point. Mme B..., qui est propriétaire d'un chalet construit sur la parcelle cadastrée ZE n° 96, laquelle jouxte le terrain d'assiette du projet contesté, cadastré ZE n° 97, est voisine immédiate de ce projet. Elle se prévaut de nuisances engendrées par les travaux qui amèneront des engins de chantier à passer sur l'emprise de son terrain, mais également, une fois les travaux finis, de ce que la construction envisagée, située en limite de sa propriété, entraînerait pour elle des pertes de vue et d'ensoleillement et une dévaluation de la valeur vénale de son bien, outre des vues directes sur la nouvelle construction qui entraîneront une baisse de la qualité de son cadre de vie. Mme B... fait ainsi état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. Elle justifie ainsi en sa qualité de voisin immédiat d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis de construire attaqué. Dans ces conditions, la SCI Alix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de Mme B....
Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2019 :
5. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Il résulte de ces dispositions, notamment, qu'elles permettent l'extension limitée des constructions existantes situées en dehors des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, mais qu'elles ne subordonnent pas la réalisation d'une telle extension à son caractère limité lorsqu'elle porte sur une construction située au sein ou en continuité de ces bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions.
6. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est implanté sur la parcelle cadastrée section ZE n° 97 au cœur de la station de Laye. Ce terrain, qui est entouré au nord, à l'est et au sud de nombreuses constructions à usage d'habitation et qui est séparé des espaces naturels situés à l'ouest par une route, se situe donc au sein d'un bourg. Dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que l'extension de la construction existante prévue par le projet ne présenterait pas un caractère limité est sans incidence sur la légalité du permis de construire contesté au regard des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour annuler l'arrêté du maire de Laye du 29 juillet 2019.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant la Cour et le tribunal administratif de Marseille.
8. Aux termes de l'article UB 1 du règlement du PLU de la commune de Laye, accessible tant au juge qu'aux parties sur le site internet public Geoportail : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol ci-après : / - les constructions destinées à l'industrie, / - les constructions destinées à la fonction d'entrepôt, / - les constructions destinées à l'exploitation agricole et forestière, / - les installations classées, à l'exception de celles visées à l'article UA2 ". Aux termes de l'article UB 2 de ce règlement : " Sont autorisées sous conditions : / - pour les logements individuels, sous réserve du respect des autres articles de la zone UB : / les abris d'entrée (...), / les annexes en superstructures (...), / les garages totalement enterrés (...), / les pièces sous plateformes de stationnement et uniquement en aval de la voirie de desserte de la construction principale (...), / - les constructions destinées à l'artisanat (...), / - les installations classées (...), / - les affouillements et les exhaussements du sol (...) ". L'article UB 9 de ce règlement, relatif à l'emprise au sol, dispose : " Dans les sous-secteurs UBa et UBb : / Les constructions, autres que les abris d'entrée, les annexes en superstructure, les garages enterrés et les pièces sous plateformes de stationnement, doivent s'implanter dans les polygones d'emprise prévus au plan de zonage. / Pour les constructions autorisées en dehors des polygones d'emprise figurant au plan de zonage : / - les saillies telles que les balcons ou les escaliers peuvent dépasser des polygones d'emprise prévus au plan de zonage de 2m maximum, / - les abris d'entrée ont une façade limitée à 8m2 et doivent être entièrement implantés à moins de 2,5m de la façade de l'entrée, / - les annexes en superstructures peuvent être accolées ou non au bâtiment principal et ne doivent pas dépasser 15m2 au sol ; elles peuvent être prises partiellement ou en totalité en dehors du périmètre d'emprise, / - il en est de même pour les garages enterrés ou les pièces sous plateformes de stationnement (qui ne peuvent dépasser 18m2 de surface utile). / Dans le sous-secteur UBc : / Non réglementé ".
9. Il résulte du rapport de présentation du PLU de la commune de Laye, accessible tant au juge qu'aux parties sur le site internet Géoportail, que les auteurs de ce plan ont entendu maintenir ces polygones d'emprise sur les parcelles non bâties afin de " garder la logique initiale de plan masse sur laquelle la station s'est construite ", laquelle correspond aux sous-secteurs UBa et UBb. Il en résulte aussi qu'en n'instaurant pas de polygones d'emprises sur les parcelles déjà bâties, les auteurs de ce plan ont entendu exclure l'extension des constructions existantes pour maintenir cette logique initiale. Si les extensions de constructions existantes ne sont donc au nombre, au sein de la zone UB, ni des constructions interdites énumérées à l'article UB 1 du même règlement, ni des constructions autorisées sous conditions énumérées à l'article UB 2, elles ne sont pas, en revanche, de celles dont l'article UB9 autorise l'implantation en dehors des polygones d'emprise prévus au plan de zonage. Il ressort du règlement graphique de ce PLU que celui-ci n'a prévu aucun polygone d'emprise sur le terrain d'assiette du projet d'extension litigieux, situé en sous-secteur UBb. Dans ces conditions, ce projet méconnaît les dispositions précitées de l'article UB 9 du règlement du PLU de la commune de Laye.
10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen de première instance ou d'appel n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du maire de Laye du 29 juillet 2019.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Alix n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire de Laye du 29 juillet 2019.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI Alix demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Alix une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Alix est rejetée.
Article 2 : La SCI Alix versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Alix et à Mme A... B....
Copie en sera adressée à la commune de Laye.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
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N° 22MA01646
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