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02/02/2023 | FRANCE | N°22MA00192

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 02 février 2023, 22MA00192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... F... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date du 21 septembre 2021 leur refusant la délivrance d'une attestation de demande d'asile, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de leur destination.

Par deux jugements n° 2105322 et n° 2105323 du 22 novembre 2021 la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.
r>Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... F... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date du 21 septembre 2021 leur refusant la délivrance d'une attestation de demande d'asile, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de leur destination.

Par deux jugements n° 2105322 et n° 2105323 du 22 novembre 2021 la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Roilette, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2105322 du 22 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que:

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu les dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'étant estimé à tort en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant ;

- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des article 1 et 33 de la convention de Genève et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle quant à ses craintes en cas de retour vers son pays de nationalité .

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.

II°) Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, Mme F... épouse B..., représentée par Me Roilette, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2105323 du 22 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que:

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu les dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'étant estimé à tort en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante ;

- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des article 1 et 33 de la convention de Genève et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle quant à ses craintes en cas de retour vers son pays de nationalité .

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.

Les demandes d'aide juridictionnelle de M. B... et de Mme F... épouse B... ont été rejetées par deux décisions du 24 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme F... épouse B..., tous deux de nationalité russe, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date du 21 septembre 2021 leur refusant la délivrance d'une attestation de demande d'asile, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de leur destination.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes visées ci-dessus présentent les mêmes moyens et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Dans les arrêtés du 21 septembre 2021 contestés, le préfet des Alpes-Martimes indique que M. B... et Mme F... épouse B... n'établissent pas être exposés à des risques en cas de retour dans leurs pays d'origine, que les époux n'apportent pas la preuve de contribuer à l'entretien ou à l'éducation de leur enfant ni ne démontrent avoir établi une vie stable et continue ensemble, ni avoir fixé durablement le centre de leurs vies privée et familiales ou avoir constitué des liens personnels et familiaux à la fois intenses, anciens et stables en France.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du permis de résidence polonais produit pour la première fois en cause d'appel et valable jusqu'au 1er décembre 2023, que M. B... a obtenu le statut de réfugié en Pologne et ne peut dès lors être renvoyé vers son pays de nationalité, la Russie, alors que l'arrêté attaqué mentionne que les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ne sont pas avérés. En outre, à la date des arrêtés attaqués, M. B... et Mme F... épouse B... avaient deux enfants à charge, nés sur le territoire français le 4 septembre 2015 et le 2 septembre 2020. Mme F... épouse B... est arrivée en France pour y rejoindre son époux le 6 mars 2014 et rien ne permet d'établir que leur communauté de vie aurait été rompue, comme en atteste notamment l'attestation d'hébergement du 15 mars 2016 de la Fondation Patronnage Saint Pierre et les différents avis d'imposition communs produits. Dans ces conditions, les décisions attaquées sont entachées d'erreurs de fait. Il ressort également des arrêtés attaqués qu'en raison de ces erreurs de fait, le préfet n'a pas procédé à un examen complet de leurs demandes. Les décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé la délivrance d'attestation de demande d'asile, a fait obligation aux requérants de quitter le territoire français et a fixé la Russie comme pays de leur destination sont ainsi entachées d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation des jugements attaqués ainsi que des arrêtés en litige.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre aux requérants une autorisation provisoire de séjour et procède au réexamen de leurs situations administratives au regard des motifs de la présente décision dans un délai de 2 mois à compter de la notification de celle-ci. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

7. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'aide juridictionnelle de M. B... et de Mme F... épouse B... ont été rejetées par deux décisions du 24 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille. Dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 1500 euros au titre des frais exposés par M. B... et Mme F... épouse B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements n°s 2105322 et 2105323 du tribunal administratif de Nice sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes du 21 septembre 2021 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... et à Mme F... épouse B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de leurs situations administratives au regard des motifs de la présente décision dans un délai de 2 mois à compter de la notification de celle-ci.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... et à Mme F... épouse B... la somme totale de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., à Mme E... F... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Roilette.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

N°s 22MA00192 22MA00193

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00192
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS;CABINET DGR AVOCATS;CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-02;22ma00192 ?
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