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30/01/2023 | FRANCE | N°22MA01946

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 30 janvier 2023, 22MA01946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision implicite, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours gracieux qu'il a introduit à l'encontre de l'arrêté du 2 novembre 2021.

Par un jugement n° 2201574 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Youchenko, demande à la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision implicite, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours gracieux qu'il a introduit à l'encontre de l'arrêté du 2 novembre 2021.

Par un jugement n° 2201574 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Youchenko, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201574 du 3 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 novembre 2021 portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision implicite de refus de retrait de l'arrêt du 2 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur sa demande de titre de séjour " étudiant " :

- le jugement qui écarte de manière expéditive les moyens tirés du défaut de base légale, de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence, de l'absence d'examen de sa demande en qualité d'étudiant et de l'erreur manifeste d'appréciation est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien mention étudiant ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen de sa situation dès lors que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- en examinant sa demande de titre de séjour sur le seul fondement de sa vie privée et familiale, le préfet a entaché sa décision d'un défaut de de base légale et a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- c'est à tort que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait usage de son pouvoir exceptionnel de régularisation ;

Sur sa demande de titre de séjour " vie privée et familiale " :

- le préfet a porté une atteinte manifestement disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et commis une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, né le 24 juillet 2002, est entré en France le 19 août 2016, sous couvert d'un visa Schengen de quatre-vingt-dix jours. Il a sollicité, le 15 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours suivant sa notification. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que de la décision implicite, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours gracieux qu'il a introduit à l'encontre de l'arrêté du 2 novembre 2021. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. A..., les premiers juges ont apporté une réponse suffisante aux moyens tirés du défaut de base légale, de la méconnaissance par le préfet des Bouches-du-Rhône de l'étendue de sa compétence, de l'absence d'examen de sa demande en qualité d'étudiant et de l'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement en litige serait insuffisamment motivé et, pour ce motif, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 17 mars 2021 que le requérant justifie avoir produit aux services de la préfecture à l'appui de sa demande tendant à la régularisation de sa situation, qu'à titre principal, il sollicitait la délivrance d'un certificat de résidence mention " vie privée et familiale ", en application du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, à titre subsidiaire, un certificat de résidence en qualité d'étudiant.

En ce qui concerne le rejet de sa demande de titre de séjour en application du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...] / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; [...] ".

5. Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. M. A... soutient qu'il est entré en France le 19 août 2016, alors âgé de quatorze ans, et qu'il dispose de nombreuses attaches familiales en France. Or il ressort des pièces du dossier que ni son père ni sa mère ne sont titulaires d'un titre de séjour. Ils sont donc en situation irrégulière sur le territoire français, quand bien même ils n'auraient pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Dans ces conditions, la circonstance, au demeurant non établie, que sa mère serait bien intégrée au sein de la société française et que ses frère et sœur poursuivent leur scolarité en France ne saurait suffire à établir la réalité des liens qui attachent M. A... au territoire français. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie par lui-même d'aucune insertion professionnelle ni sociale significative. Ainsi, l'arrêté par lequel le préfet a refusé à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé.

En ce qui concerne la demande de titre de séjour en qualité d'" étudiant " :

7. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'a pas examiné la demande subsidiaire de M. A... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant. La circonstance que M. A... n'établissait pas être entré en France sous couvert d'un visa de long séjour, si elle pouvait justifier légalement le refus de délivrance d'un tel titre, sous réserve du pouvoir de régularisation dont dispose le préfet y compris pour admettre un étranger au séjour sur ce fondement, ne saurait, en tout état de cause, justifier que le préfet n'examine pas cette demande en tant que telle. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté du 2 novembre 2021 doit être annulé en tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

9. Faute d'avoir examiné la demande de titre de séjour dont il était saisi sur l'ensemble de ces fondements, le préfet ne pouvait obliger l'intéressé à quitter le territoire français, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux, en tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant et, par voie de conséquence, en tant qu'il est obligé de quitter le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

12. Eu égard aux motifs retenus par le présent arrêt et seuls susceptibles de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la demande de M. A... en qualité d'étudiant. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Youchenko, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Youchenko de la somme de 1 200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 juin 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 novembre 2021 et la décision implicite rejetant son recours gracieux sont annulés en tant qu'il n'a pas été statué sur la demande de M. A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant et en tant qu'il est obligé de quitter le territoire français.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Youchenko une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Youchenko renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Youchenko.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2023.

2

No 22MA01946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01946
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-30;22ma01946 ?
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