Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2009837 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2021 sous le n° 21MA03137, et un mémoire, enregistré le 1er décembre 2022, Mme B... épouse A..., représentée par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut, d'instruire à nouveau sa demande dans le même délai et sous la même astreinte, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle démontre son insertion professionnelle ;
- les dispositions de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 relatives aux parents d'enfants scolarisés n'ont pas été respectées ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur à trente jours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et se réfère à ses écritures produites en première instance.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2021 sous le n° 21MA03139 et un mémoire, enregistré le 1er décembre 2022, Mme B... épouse A..., représentée par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2009837 du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête au fond, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond, visés ci-dessus, présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... épouse A... ne sont pas fondés.
Mme B... épouse A... a été admise, pour les deux instances, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Guarneri, substituant Me Cauchon-Riondet, représentant Mme B... épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., ressortissante albanaise, née le 28 octobre 1990, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 25 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 29 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle demande, par requête distincte, le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21MA03137 et 21MA03139 sont dirigées contre le même jugement et le même arrêté préfectoral, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 21MA03137 :
3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de Mme B... épouse A..., qui sont repris en appel en des termes identiques et sans élément nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux point 3 et 4 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Mme B... épouse A... fait valoir qu'elle réside habituellement en France depuis 2014 avec son époux et leurs deux enfants, nés pour l'aîné en juin 2011 en Albanie, et pour le second, en janvier 2016 en France, qui y sont scolarisés et qu'ayant conclu un contrat à durée indéterminée depuis juin 2021, elle est insérée professionnellement. Si la requérante justifie par les pièces produites d'une telle présence en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 5 juin 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 novembre 2014 et qu'elle a déjà fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 29 octobre 2015, qui n'a pas été exécuté. En outre, son époux est également en situation irrégulière et la double circonstance que Mme B... épouse A... a suivi une formation afin d'apprendre le français et qu'elle est impliquée dans la scolarité de ses enfants n'est pas suffisante pour justifier qu'elle aurait fixé, avec son époux, le centre de leur vie privée et familiale en France. La requérante n'invoque aucune circonstance qui serait susceptible de faire obstacle à une reconstitution de sa cellule familiale en Albanie, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et dont son époux et leurs enfants sont également ressortissants. Enfin, l'intéressée n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, pays dans lequel résident toujours ses parents selon ses déclarations en préfecture. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de Mme B... épouse A... au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par l'arrêté attaqué. Il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, dès lors que Mme B... épouse A... ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, elle ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de la garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
7. En quatrième lieu, les conditions du séjour en France de l'appelante, telles qu'analysées au point 5, ne font pas apparaître de circonstance exceptionnelle ou de motif humanitaire justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme B... épouse A... au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant la décision contestée, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
8. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'arrêté contesté n'a pas pour effet de séparer Mme B... épouse A... de ses deux enfants mineurs, dès lors qu'il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France. Il n'est, par ailleurs, pas établi que les enfants de l'intéressée ne pourraient poursuivre en Albanie leur scolarité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. En sixième lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée en n'octroyant pas un délai de retour supérieur à trente jours. Si la requérante fait valoir que ses enfants sont scolarisés, elle ne justifie pas d'éléments suffisamment précis de nature à regarder le délai de trente jours prévu par la décision attaquée comme n'étant pas approprié à sa situation personnelle, alors que l'exécution de la mesure d'éloignement pouvait s'effectuer en période de vacances scolaires. Au demeurant, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme B... épouse A... aurait demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation du délai accordé pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 21MA03139 :
14. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement présentées par Mme B... épouse A..., dans sa requête enregistrée sous le n° 21MA03139, sont donc devenues sans objet.
15. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées, également dans cette requête, à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 29 mars 2021 présentées dans la requête n° 21MA03139.
Article 2 : La requête n° 21MA03137 de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21MA03139 est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à Me Cauchon-Riondet et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.
2
N° 21MA03137, 21MA03139