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19/01/2023 | FRANCE | N°22MA02008

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 janvier 2023, 22MA02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", révélée par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 28 juillet 2020 au 27 juillet 2021.

Par une ordonnance n° 2101058 du 6 avril 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a

constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", révélée par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 28 juillet 2020 au 27 juillet 2021.

Par une ordonnance n° 2101058 du 6 avril 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 6 avril 2022 ;

2°) d'annuler cette décision implicite de refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation de séjour lui permettant de travailler dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 6 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif n'était pas privée d'objet dès lors que le titre de séjour travailleur temporaire ne peut être regardé comme satisfaisant à sa demande qui portait sur un titre portant la mention " vie privée et familiale " dont le régime est plus favorable ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Une mise en demeure a été adressée le 29 septembre 2022 au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", révélée par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 28 juillet 2020 au 27 juillet 2021. Il relève appel de l'ordonnance du 6 avril 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) Les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 3° constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ; (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 4 septembre 2001, qui avait été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Val d'Oise puis à celui des Bouches-du-Rhône à compter du 21 août 2018 et qui était titulaire d'un contrat d'apprentissage valable du 5 juin 2018 au 31 juillet 2020, a demandé le 17 septembre 2019, en qualité de jeune majeur, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet des Bouches-du-Rhône lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant - élève " valable du 28 juillet 2020 au 27 juillet 2021. Au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Marseille portant sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", révélée par la délivrance de ce titre, le préfet a, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 1er décembre 2021, informé la juridiction que le requérant avait présenté, le 9 juin 2021, une demande de changement de son statut d'étudiant et qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 30 juin 2021 au 29 juin 2022 lui avait été délivrée. Le préfet a conclu au non-lieu à statuer sur la demande de M. A... qui avait reçu satisfaction selon lui.

5. M. A... produit copie de la carte de séjour temporaire valable du 30 juin 2021 au 29 juin 2022 qui lui a été délivrée et qui porte en réalité la mention " travailleur temporaire ". Dans la mesure notamment où les droits sociaux résultant de la délivrance d'un titre portant cette dernière mention ainsi que les conditions de son renouvellement sont moins favorables pour leur destinataire que les droits ouverts par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", c'est à tort que le premier juge a estimé que le requérant avait obtenu satisfaction. Par suite, c'est à tort qu'il a estimé que cette demande était devenue sans objet et qu'il a constaté qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer. L'ordonnance du 6 avril 2022 doit, dès lors, être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 4 septembre 2001, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance des Bouches-du-Rhône à compter du 28 août 2017. Il justifie de son inscription au centre de formation d'apprentis BTP de Marseille à compter du mois de septembre 2018 en vue de suivre une formation de 24 mois préparant au certificat d'aptitude professionnelle spécialité installateur sanitaire et de la conclusion d'un contrat d'apprentissage. Il a produit, outre une attestation de son employeur témoignant du sérieux de son travail, ses bulletins de note, qui en dépit de certaines absences non justifiées, mentionnent tous les efforts réalisés dans les deux matières dans lesquelles il rencontrait des difficultés, la moyenne générale du troisième semestre étant de 10,60. Il a d'ailleurs été admis à la session d'examen organisée en juin 2020. Selon le rapport social établi le 18 octobre 2019, les parents du requérant sont décédés en 2004 et 2008 et son frère réside en Guinée. Ce rapport fait état, en particulier, d'une bonne intégration professionnelle et scolaire, et des efforts effectués pour se perfectionner en français à l'écrit et de manière générale, d'un comportement respectueux et volontaire. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., celui-ci est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 7, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, le présent arrêt implique pour le préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer au requérant une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale ". Il y a donc lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens, en lui impartissant, dans les circonstances de l'espèce, un délai d'un mois pour s'exécuter, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonhardt, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leonhardt de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 6 avril 2022 et la décision implicite par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Leonhardt une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leonhardt renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus de conclusions de la demande de première instance et de la requête d'appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Leonhardt.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

N° 22MA02008 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02008
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Octroi du titre de séjour - Délivrance de plein droit.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-19;22ma02008 ?
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