La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2023 | FRANCE | N°21MA00413

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 09 janvier 2023, 21MA00413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Corntrace Limited et la SA Earthquest Limited ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle la commune d'Antibes a rejeté leur demande indemnitaire préalable et de la condamner à leur verser la somme de 6 000 000 d'euros, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1802231 - 1802232 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes, comme irrecevables.

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête, enregistrée le 29 janvier 2021, la SA Corntrace Limited et la SA Earthquest Limi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Corntrace Limited et la SA Earthquest Limited ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle la commune d'Antibes a rejeté leur demande indemnitaire préalable et de la condamner à leur verser la somme de 6 000 000 d'euros, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1802231 - 1802232 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes, comme irrecevables.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, la SA Corntrace Limited et la SA Earthquest Limited, représentées par Me Bechtold, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle la commune d'Antibes a rejeté leur demande indemnitaire préalable et de condamner la commune d'Antibes à leur verser la somme de 6 000 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête d'appel est recevable, alors notamment qu'elles bénéficient des délais de distance ;

- elles ne sont pas associées de la société d'économie mixte de gestion du port Vauban (SAEM) mais sont associées de la SA International Yacht Club d'Antibes (IYCA) qui est fiscalement transparente et est contractuellement liée à la commune d'Antibes et à la SAEM par une concession tripartite du 11 septembre 1986 et une convention particulière bipartite de gestion du bassin de grande plaisance du 1er juillet 1988 ; elles sont donc parties au contrat de concession confiant à la SA IYCA la création d'un port de très grande plaisance de dix-neuf places en contrepartie de l'attribution d'une garantie d'amarrage pour dix-neuf postes à quai, concession qui a été résiliée de façon anticipée pour un motif d'intérêt général ; c'est donc à tort que le tribunal a rejeté leurs demandes, comme irrecevables ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- elles ont subi un préjudice anormal et spécial lié en premier lieu, à la perte de valeur des actions de la SA IYCA, en deuxième lieu, au manque à gagner résultant de la perte des loyers des anneaux d'amarrage pour les cinq années à venir, et en troisième lieu à la perte d'une chance de céder les actions de la SA IYCA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2021, la commune d'Antibes, représentée par Me Zago, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 1er avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juin 2022 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Larbre, représentant la commune d'Antibes.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Antibes, devenue compétente pour la gestion de ses ports de plaisance, a conclu avec la société International Yacht Club d'Antibes (IYCA) une convention de concession le 11 septembre 1986 la chargeant de la première phase de restructuration et d'extension du port Vauban d'Antibes. Ce contrat, qui venait à terme le 31 décembre 2021, prévoyait notamment que les dix-neuf actionnaires de la société IYCA bénéficiaient en contrepartie de leur participation aux travaux d'une autorisation d'occupation des postes d'amarrage pour dix-neuf bateaux de plaisance de grande dimension ainsi que d'une garantie de postes à quai pour l'accostage de bateaux de grande dimension dans l'avant-port, outre un " droit de jouissance " sur environ 300 m2 de locaux à aménager sur l'emplacement autrefois amodié à la société du chantier naval. Par délibération du 5 février 2016, la commune d'Antibes a toutefois décidé de résilier de manière anticipée la concession la liant à la société IYCA en application de l'article 7 de cette convention. Par ailleurs, le 29 décembre 1987, la commune d'Antibes a confié par un contrat de concession à la société d'économie mixte de gestion du port Vauban (SAEM) la gestion et l'exploitation du port Vauban jusqu'au 31 décembre 2021. Ce contrat a toutefois également été résilié par délibération du 29 décembre 1987. C'est dans ce contexte que les sociétés Corntrace Limited et Earthquest Limited, actionnaires de la société IYCA, ont, par courrier du 7 février 2018, reçu le 9 février 2018, adressé à la commune d'Antibes une demande préalable visant à les indemniser des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait de la résiliation anticipée le 5 février 2016 du contrat liant la commune d'Antibes et la société IYCA. Par un jugement du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes, comme irrecevables. C'est le jugement dont les sociétés requérantes relèvent appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter comme irrecevables les demandes des sociétés requérantes, le tribunal a d'abord rappelé que seules les parties au contrat sont recevables à former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la décision de le résilier et à demander la reprise des relations contractuelles ainsi que d'ouvrir droit à une indemnité. Puis, il a estimé que les sociétés requérantes n'avaient pas la qualité de partie au contrat conclu entre la SAEM et la commune d'Antibes et en a déduit que leurs conclusions en annulation et indemnitaires fondées sur la résiliation du contrat conclu le 29 décembre 1987 entre la SAEM et la commune d'Antibes étaient irrecevables.

3. Ce faisant, le tribunal s'est mépris sur le contrat sur lequel les sociétés requérantes fondaient leur demande indemnitaire qui n'était pas celui conclu entre la SAEM et la commune d'Antibes, ainsi qu'il a été dit au point 1, mais celui conclu entre la commune d'Antibes et la société International Yacht Club d'Antibes (IYCA).

4. Les sociétés requérantes sont par suite fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leurs demandes indemnitaires, comme irrecevables. Le jugement étant irrégulier les sociétés sont donc fondées à en demander l'annulation. Et il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les demandes présentées par devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Les sociétés requérantes demandent à la Cour de condamner la commune d'Antibes à leur verser la somme de 6 000 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait de la résiliation anticipée du 5 février 2016 de la convention conclue le 11 décembre 1986 avec la société IYCA. Elles se fondent, à titre principal sur la responsabilité contractuelle de la commune qui a résilié la convention la liant à la société IYCA de manière anticipée, et, à titre subsidiaire sur l'existence d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.

6. Toutefois l'actionnaire d'une société à l'égard de laquelle une personne publique a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ne peut prétendre à une indemnisation que s'il justifie d'un préjudice personnel, distinct du préjudice dont la société pourrait obtenir réparation et directement imputable à la faute commise. Et en se bornant à soutenir qu'elles auraient subi un préjudice tiré en premier lieu de la perte de la valeur des actions de la société IYCA qui bénéficiait d'une garantie d'amarrage sur deux postes à quai de très grande dimension, en deuxième lieu, du manque à gagner lié à la perte de la possibilité de louer les anneaux d'amarrage à des usagers de passage pendant la durée de la convention restant à courir, et en troisième lieu de la perte d'une chance de céder les actions de la société IYCA, les sociétés requérantes ne justifient pas d'un préjudice direct distinct de celui subi par la société IYCA. De même, la responsabilité sans faute de la personne publique ne saurait être engagée à l'égard de l'actionnaire d'une société que s'il justifie d'un préjudice distinct de celui de cette société, ce qui n'est pas le cas des sociétés requérantes.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes qu'elles demandent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802231 - 1802232 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande des sociétés Corntrace Limited et Earthquest Limited devant le tribunal et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Antibes formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Corntrace Limited, à la société Earthquest Limited et à la commune d'Antibes.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2023.

2

N° 21MA00413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00413
Date de la décision : 09/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : LLC et ASSOCIES LAWTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-09;21ma00413 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award