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09/01/2023 | FRANCE | N°21MA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 09 janvier 2023, 21MA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'université d'Aix-Marseille à lui verser une somme totale de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1802656 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2021 et le 3 juin 2022, Mme B..., représentée par Me de Laubier, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2020 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'université d'Aix-Marseille à lui verser une somme totale de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1802656 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2021 et le 3 juin 2022, Mme B..., représentée par Me de Laubier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2020 ;

2°) de condamner l'université d'Aix-Marseille à lui verser une somme de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de ses carences et illégalités fautives ;

3°) de mettre à la charge de l'université d'Aix-Marseille la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel qui a été enregistrée dans les délais de recours contentieux est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté l'existence d'une faute de l'université qui n'a pas aménagé de manière appropriée son poste de travail au regard de son handicap ;

- le tribunal a visé le décret n° 2007-632 du 27 avril 2007 relatif à l'administration du poste de travail de certains personnels enseignants, d'éducation et d'orientation qui n'était plus en vigueur ;

- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas admis que l'université d'Aix-Marseille n'avait pas respecté les garanties procédurales associées à son changement d'affectation ;

- elle fait l'objet d'une discrimination tenant à son statut de travailleur handicapé ;

- c'est aussi à tort que le tribunal n'a pas admis qu'elle avait fait l'objet d'une sanction déguisée et fait l'objet d'harcèlement professionnel ;

- l'absence d'aménagement de poste lui a causé un préjudice moral qu'elle chiffre à 18 000 euros (3 000 euros par an pendant six ans) et un pretium doloris qu'elle chiffre à la somme globale de 20 000 euros pour les années 2011 à 2017 ;

- la méconnaissance des garanties procédurales lors de son changement d'affectation lui a causé, d'une part, un préjudice moral complémentaire qui devra être indemnisé à hauteur de 10 000 euros, outre une somme de 10 000 euros, son préjudice moral étant aggravé par le fait qu'elle souffrait déjà depuis septembre 2013 de troubles anxio-dépressifs ; d'autre part, son pretium doloris à ce titre pour l'année 2017 est évalué à 15 000 euros ;

- le préjudice moral lié à la discrimination tenant à son statut de travailleur handicapé est évalué à 20 000 euros ;

- enfin, le préjudice moral lié à l'existence d'une sanction déguisée est évalué à 5 000 euros pour le premier trimestre 2017 et celui lié au harcèlement depuis 2011 est chiffré à 12 000 euros pour l'ensemble de la période.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, l'université d'Aix-Marseille, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la demande qui porte sur des questions déjà tranchées par la juridiction administrative est irrecevable et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 8 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2022 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me de Laubier, représentant Mme B..., et de Me Seisson substituant Me Beauvillard, représentant l'université d'Aix-Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui était agent contractuel de l'université d'Aix-Marseille, relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université à lui verser la somme de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des carences et fautes qu'aurait commises selon elle son employeur qui, en premier lieu, n'a pas aménagé de manière appropriée son poste de travail, en deuxième lieu, n'a pas respecté les garanties procédurales associées à son changement d'affectation, en troisième lieu, l'a discriminée en tant que travailleuse handicapée et, en quatrième et dernier lieu, lui a infligé une sanction déguisée et lui a fait subir un harcèlement professionnel.

Sur la régularité du jugement :

2. Les motifs du jugement au point 4 permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles le tribunal a estimé que Mme B... ne pouvait bénéficier d'un aménagement de son poste de travail ou d'une affectation dans un poste adapté sur le fondement de l'article R. 911-12 du code de l'éducation. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'autorité de la chose jugée :

3. Par un arrêt n° 15MA01937 du 29 novembre 2016 devenu définitif, la Cour a rejeté l'action indemnitaire de Mme B... dirigée contre l'université d'Aix-Marseille en raison du préjudice moral qu'elle prétendait avoir subi, compte tenu des manquements allégués de son employeur qui n'avait pas aménagé son poste de travail en méconnaissance de l'article 27 II de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat, qui renvoie à l'article 6 sexies du titre Ier du statut général des fonctionnaires, et ce à compter du 9 décembre 2010, date à laquelle elle a été reconnue travailleuse handicapée. Les conclusions de la requérante qui visent à obtenir la condamnation de l'université d'Aix-Marseille en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la carence de l'établissement public pour l'aménagement approprié de son poste de travail au regard de son handicap, concernent les mêmes parties, ont le même objet et la même cause juridique et ne peuvent par suite qu'être rejetées, en tant qu'elles concernent la période courant du 9 décembre 2010 au 29 novembre 2016.

4. En revanche, l'université n'est pas fondée à opposer l'exception de la chose jugée à la demande de l'intéressée fondée sur le préjudice moral qui aurait perduré depuis novembre 2016 en raison de l'absence d'aménagement de son poste ainsi que des douleurs que cette carence alléguée aurait induites, ces demandes n'ayant pas le même objet que celui du précédent litige. Et l'université n'est pas davantage fondée à opposer l'exception de la chose jugée à la demande invoquant d'autres fautes de l'administration, tirées de la méconnaissance des garanties procédurales associées à son changement d'affectation, de l'existence d'une discrimination en tant que travailleuse handicapée et de ce que l'université lui aurait infligé une sanction déguisée et l'aurait harcelée professionnellement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

Quant à la faute tirée de l'absence d'aménagement de poste à compter de novembre 2016 :

5. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur, applicable aux agents non-titulaires en vertu du II de l'article 32 alors applicable de cette loi : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. ". L'administration est tenue de prendre, conformément à ces dispositions, les règlements spécifiques et les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la requérante est seulement fondée à invoquer l'absence d'aménagement de son poste à compter de novembre 2016. Il est constant qu'elle était en congé de grave maladie jusqu'au 1er février 2017 mais, en tout état de cause, il résulte cependant de l'instruction, et notamment du courrier du défenseur des droits du 28 avril 2014, qu'ayant été informée que Mme B... avait été reconnue travailleuse handicapée à compter du 9 décembre 2010, l'université a pris différentes mesures afin d'aménager son poste de travail sur le site de Saint-Charles. A compter du 31 janvier 2017, Mme B... a été affectée sur le site de La Timone en mi-temps thérapeutique. Ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, par un certificat du 31 janvier 2017, le médecin de prévention de l'université a indiqué que ce nouveau poste de travail devait être doté d'un fauteuil avec soutien lombaire et cervical, d'un repose pieds et d'un pupitre porte-documents. Ayant pris connaissance de ce certificat médical, la directrice du service commun d'action sociale et culturelle de l'université dans lequel l'intéressée était affectée a, dès le 31 janvier 2017, précisé que l'emploi du temps aménagé de Mme B... serait arrêté dès sa reprise, qu'elle serait dispensée du port de charges et des manipulations qui étaient nécessaires essentiellement le jour de la manifestation de l'arbre de Noël, et proposait de contacter la direction des ressources humaines pour commander le matériel de bureau nécessaire en s'interrogeant sur la procédure à suivre. En réponse, le 1er février 2017, le médecin de la prévention indiquait que la prescription d'un fauteuil adapté nécessitait une étude ergonomique auprès du correspondant handicap de l'université afin de déterminer les besoins précis de l'intéressée, étude qui a d'ailleurs été réalisée comme l'admet la requérante. Il précisait aussi les journées qu'il convenait de laisser libres dans l'emploi du temps aménagé de Mme B.... A la demande de l'intéressée, le 28 février 2017, le directeur général des services lui proposait le 3 mars 2017 de convenir d'une date pour un entretien avec la responsable de la direction des ressources humaines du campus de La Timone afin d'" évoquer sa situation " et " le cadre de [sa] reprise de travail ". Il résulte toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un mail du directeur général des services du 9 mars 2017 que Mme B... ne s'est pas présentée à l'entretien prévu le 9 mars 2017. Elle a ensuite été placée en congé maladie du 26 avril 2017 au 15 juillet 2017. Et il résulte du courriel du service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) des Bouches-du-Rhône du 21 septembre 2017 que ce service a été sollicité par l'université pour procéder à l'aménagement du poste de travail, qu'il a contacté Mme B... le 6 avril 2017 mais que les deux rendez-vous prévus en mai 2017 ont été annulés en raison de son congé maladie, que l'intéressée n'a pas répondu aux sollicitations postérieures du SAMETH par courriel et messagerie téléphonique, et que son dossier a donc finalement été clôturé. Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas que l'université aurait commis une faute en s'abstenant d'aménager son poste de travail sur le site de La Timone.

7. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir du fait que le tribunal a visé le décret du 27 avril 2007 relatif à l'administration du poste de travail de certains personnels enseignants qui n'était plus en vigueur alors que ce texte a en réalité été codifié dans le code de l'éducation, qui est aussi visé par le tribunal et auquel il se réfère d'ailleurs au point 4 de son jugement. Et Mme B... ne peut davantage utilement soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'article R. 911-12 du code de l'éducation ne lui était pas applicable alors que, comme elle le souligne d'ailleurs elle-même, ce texte est applicable au personnel enseignant, d'éducation et d'orientation et non au poste de catégorie C d'agent gestionnaire administrative de travail qu'elle occupe.

8. Enfin, Mme B... ne peut non plus utilement soutenir que le tribunal qui mentionne qu'elle a bénéficié d'un congé de longue maladie alors qu'il s'agissait d'un congé de grave maladie, seul applicable aux agents contractuels, aurait procédé à une appréciation erronée de sa situation, alors que le régime juridique de ces deux congés est similaire et que les premiers juges avaient relevé au point 1 qu'elle était agent contractuel de l'université.

Quant à la faute tirée de la méconnaissance des garanties procédurales lors de la nouvelle affectation :

9. Aux termes de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat alors en vigueur, auquel renvoie l'article 17 du même décret : " à l'issue d'un congé [...] de grave maladie " : " les agents physiquement aptes et qui remplissent toujours les conditions requises sont réemployés sur leur emploi ou occupation précédente dans la mesure permise par le service. Dans le cas contraire, ils disposent d'une priorité pour être réemployés sur un emploi ou occupation similaire assorti d'une rémunération équivalente. ". Lorsqu'un agent contractuel de l'Etat a bénéficié de l'un des congés mentionnés à l'article 32 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, l'autorité administrative doit, à l'issue de ce congé et sous réserve qu'il soit physiquement apte, qu'il remplisse toujours les conditions requises, affecter l'agent sur l'emploi qu'il occupait antérieurement, dès lors que les nécessités du service n'y font pas obstacle et, en particulier, que cet emploi n'a pas été supprimé dans le cadre d'une modification de l'organisation du service et n'a pas été pourvu par un fonctionnaire. A défaut, il revient à l'administration de le nommer par priorité sur un emploi similaire, vacant à la date à laquelle le congé a pris fin, assorti d'une rémunération équivalente, sous réserve là encore que les nécessités du service n'y fassent pas obstacle.

10. Il résulte de l'instruction que Mme B... avait demandé le 5 mai 2016 une reprise à mi-temps thérapeutique, que sa demande a fait l'objet d'un avis favorable du comité médical le 21 décembre 2016, et que la décision de l'université du 9 janvier 2017 de donner une suite favorable à cet avis lui a été notifiée le 12 janvier 2017. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le courrier du 31 janvier 2017 l'informant qu'elle serait affectée le 1er février 2017 sur le site de La Timone méconnaitrait les garanties prévues au point précédent, alors d'une part, qu'il ressort de la fiche de poste que cet emploi de gestionnaire administrative sur ce site devait être regardé comme similaire à celui qu'elle occupait et d'autre part, qu'à l'issue d'un congé de grave maladie l'affectation sur l'emploi qu'occupait l'agent contractuel antérieurement ne s'imposant que si cet emploi n'a pas été supprimé ou n'a pas été pourvu par un fonctionnaire, l'université fait valoir, sans être contestée, que le poste qui était antérieurement occupé par la requérante sur le site de Saint-Charles a été supprimé. L'existence d'une faute de l'université à ce titre n'est par suite pas établie, pas davantage d'ailleurs que celle, plus particulièrement invoquée, résultant de ce que Mme B... aurait été trop tardivement informée de sa nouvelle affectation.

Quant à la faute tirée d'un harcèlement professionnel, d'une discrimination en tant que travailleuse handicapée et d'une sanction déguisée :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux agents non-titulaires en vertu du II de l'article 32 de cette loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. Mme B... persiste en appel à soutenir qu'elle aurait subi un harcèlement en raison de son statut de travailleuse handicapée, et se plaint de l'absence d'aménagement spécifique de son poste de travail, de l'absence d'entretiens professionnels et du refus opposé par l'administration à sa demande de formation. Elle estime en outre que sa nouvelle affectation géographique lors de sa reprise le 1er février 2017 et ses nouvelles missions ne correspondraient pas à ses capacités, et se plaint d'avoir été affectée dans un bureau commun équipé avec du matériel désuet et de l'absence de tâches confiées.

13. Toutefois, il résulte tout d'abord de l'instruction ainsi qu'il a été dit au point 6, et notamment du courrier du défenseur des droits du 28 avril 2014 que l'université a pris différentes mesures afin d'aménager le poste de travail de l'intéressée sur le site de Saint-Charles, alors même que celle-ci était en congé de grave maladie jusqu'au 1er février 2017. Et les conditions d'aménagement du poste de travail sur le site de La Timone sur lequel Mme B... a été affectée à compter du 1er février 2017 telles que décrites au point 6 ne caractérisent pas une carence de l'aménagement de son poste.

14. Ensuite, en vertu de l'article 1-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les agents recrutés pour répondre à un besoin permanent par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à un an bénéficient chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu. L'application de ces dispositions est toutefois subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle.

15. Par suite, le fait que la requérante n'ait pas bénéficié d'entretien professionnel n'est pas, à lui seul, de nature à caractériser une situation de harcèlement alors notamment que l'intéressée a été placée en congé maladie à compter du 26 juillet 2013 jusqu'au 26 juillet 2016, que c'est seulement le 1er février 2017 qu'elle a repris une activité en mi-temps thérapeutique, qu'elle a de nouveau été mise en congé maladie de mai 2017 à juillet 2017 et qu'elle a finalement été licenciée en juillet 2018.

16. Et, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'un refus aurait été opposé à sa demande d'assister à une formation le 30 et 31 mars 2017, l'administration lui ayant seulement répondu que sa demande devait être étudiée au regard des contraintes de l'ensemble du service lors de la rencontre prévue le 10 mars 2017.

17. Par ailleurs, le moyen selon lequel l'administration aurait refusé de formaliser un mi-traitement n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

18. Enfin, les pièces produites et notamment les photographies dont elle se prévaut ne sont pas de nature à démontrer que la qualité de son matériel de travail serait vétuste par rapport à celui de ses autres collègues ou serait aménagé près des embranchements filaires de manière discriminatoire au regard de son statut de travailleuse handicapée. La requérante ne démontre pas non plus, par la seule production d'un courriel du 28 février 2017 ainsi que d'un courriel du 9 mars 2017, adressé en réponse à celui du directeur général des services lui faisant remarquer qu'elle ne s'était pas présentée à son entretien du 9 mars 2017, qu'elle serait écartée de toutes les réunions de service et qu'aucune tâche ne lui serait confiée. Et si elle justifie avoir porté plainte, elle ne précise pas les suites données à cette plainte. Par ailleurs, il ne résulte pas de la comparaison de sa fiche de poste sur le site de Saint-Charles et de celle du poste sur le site de La Timone que les tâches qui lui étaient confiées différaient sensiblement.

19. Dans ces conditions, la requérante ne soumet pas à la Cour des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement.

20. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 13 à 18, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle aurait subi des discriminations en raison de son statut de travailleuse handicapée, compte tenu de l'absence d'aménagement spécifique de son poste de travail, de l'absence d'entretiens professionnels, du refus opposé par l'administration à sa demande de formation, de sa nouvelle affectation géographique lors de sa reprise le 1er février 2017 avec une absence de tâches confiées ou des missions qui ne correspondraient pas à ses capacités, et du fait que son bureau commun aurait été équipé avec du matériel désuet.

21. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la situation professionnelle de Mme B... ne peut être regardée comme s'étant dégradée. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait pris des mesures ou se serait abstenue de prendre des mesures, dans le but de la sanctionner. La requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'une sanction déguisée.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne démontre pas que l'université d'Aix-Marseille ait commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité.

23. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'université d'Aix-Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande l'université d'Aix-Marseille au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université d'Aix-Marseille formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2023.

2

N° 21MA00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00277
Date de la décision : 09/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : DE LAUBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-09;21ma00277 ?
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