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09/01/2023 | FRANCE | N°20MA02349

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 09 janvier 2023, 20MA02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Salsedo et Cie a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'annuler le titre exécutoire émis le 14 août 2018 à son encontre par la commune de Ramatuelle, d'annuler la demande tendant au paiement d'une redevance de 284 875 euros pour l'année 2018 ainsi que des frais d'huissier, d'annuler la lettre de relance émise par le comptable public et notifiée le 10 septembre 2018, et de la décharger du paiement de la somme de 284 875 euros.

Par un jugement n° 1803185 en date

du 20 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Salsedo et Cie a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'annuler le titre exécutoire émis le 14 août 2018 à son encontre par la commune de Ramatuelle, d'annuler la demande tendant au paiement d'une redevance de 284 875 euros pour l'année 2018 ainsi que des frais d'huissier, d'annuler la lettre de relance émise par le comptable public et notifiée le 10 septembre 2018, et de la décharger du paiement de la somme de 284 875 euros.

Par un jugement n° 1803185 en date du 20 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, et un mémoire enregistré le 26 juillet 2022, la société Salsedo et Cie, représentée par la société civile professionnelle August Debouzy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre exécutoire ainsi que les demandes de paiement faites par la commune ;

3°) d'annuler la lettre de relance notifiée le 10 septembre 2018 ;

4°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 284 875 euros et des frais d'huissier ;

5°) et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la Cour constatera l'effet suspensif de la présente requête ;

- la délégation de signature bénéficiant au signataire du titre exécutoire était imprécise ;

- la délégation de signature ne peut être consentie qu'aux personnes mentionnées à l'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, qui ne concerne pas les adjoints au maire ;

- le titre exécutoire ne précise pas suffisamment la qualité du signataire, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la commune n'a pas prouvé que la signature électronique de la certification du caractère exécutoire a bien été transmise avec la pièce justificative électronique, en sus du bordereau signé électroniquement, comme cela est requis par l'article 1.6 de la convention cadre nationale relative à la dématérialisation des documents de la chaîne comptable et financière des collectivités, établissements publics locaux et établissements publics de santé ;

- le titre exécutoire ne précise pas les bases de liquidation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 août 2020 et le 1er septembre 2022, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Salsedo et Cie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Ramatuelle soutient que les moyens présentés à l'appui de l'appel sont infondés.

Par une lettre en date du 22 juillet 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 septembre 2022 à midi.

Par ordonnance en date du 19 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- les observations de Me Billery pour la société Salsedo et Cie,

- et les observations de Me Duran-Stephan pour la commune de Ramatuelle.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er juin 2018, la société Salsedo et Cie a conclu avec la commune de Ramatuelle, concessionnaire du domaine public de l'Etat, une sous-concession de plage l'autorisant à exploiter, sur la plage de Pampelonne, un restaurant de plage sous l'enseigne " Bagatelle Beach ". Le 14 août 2018, un titre exécutoire a été émis à son encontre en vue du recouvrement de la redevance due au titre de l'année 2018. Le 17 août 2018, une sommation de payer lui a été notifiée par acte d'huissier. Enfin, le 10 septembre 2018, une lettre de relance du comptable public lui a été notifiée. La société a alors saisi le tribunal administratif d'une opposition à ces actes. Par le jugement attaqué, dont la société relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette opposition.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ".

3. Contrairement à ce que soutient la société Salsedo et Cie, cette disposition permet au maire de consentir une délégation de signature à ses adjoints.

4. En deuxième lieu, l'article 1er de l'arrêté en date du 27 septembre 2016 du maire de la commune de Ramatuelle, pris sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, délègue à M. A... B..., deuxième adjoint, " au titre de la délégation de fonction qui lui est attribuée (...) le suivi [dans le domaine des] finances communales ". L'article 2 du même arrêté prévoit que " M. A... B... aura délégation de signature pour tout ce qui relève de la compétence du maire et concerne les délégations précisées à l'article 1er, pendant la durée du mandat du maire, et en particulier pour (...) - l'émission des titres de recettes ".

5. Contrairement à ce que soutient la société, cette délégation de signature, qui portait sur l'ensemble des actes pris en matière de finances communales, était suffisamment précise. Dès lors que le périmètre de la délégation consentie par l'article 1er est suffisamment précis, la circonstance que l'article 2 se borne à mentionner les actes qui, " en particulier ", peuvent être signés par le délégataire, n'est pas de nature à faire regarder cette délégation comme imprécise et irrégulière.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 4° (...) En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

7. La mention " B... Patrick / L'adjoint délégué " figurant sur le titre exécutoire précise suffisamment la qualité du signataire de l'acte. Elle satisfait donc aux exigences résultant des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code des relations entre le public et l'administration.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales : " La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en chargé du budget, du bordereau récapitulant les titres de recettes emporte attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les recettes concernées et rend exécutoire les titres de recettes qui y sont joints conformément aux dispositions des articles L. 252 A du livre des procédures fiscales et des articles R. 2342-4 et D. 3342-11 du présent code ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté en date du 27 juin 2007 susvisé, pris pour l'application de cette disposition : " La signature électronique de l'ordonnateur est portée, selon les modalités prévues à l'article 4 du présent arrêté, soit sur chaque bordereau de mandats de dépenses et chaque bordereau de titres de recettes, soit sur le fichier contenant de tels bordereaux transmis au comptable public conformément au protocole d'échange standard dans sa version 2 ou dans une version ultérieure. La signature électronique emporte signature de tous les bordereaux de mandats, de tous les bordereaux de titres et les effets mentionnés par les alinéas 2 et 3 de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales. / En cas de signature électronique d'un fichier comportant à la fois de tels bordereaux et des pièces justificatives de mandats ou de titres, le signataire du fichier doit avoir compétence pour attester du caractère exécutoire de chacune de ces pièces. Dans le cas contraire, la signature de la certification du caractère exécutoire devra être transmise avec la pièce justificative électronique. / La transmission au comptable public par l'ordonnateur ou son représentant de fichiers aller recette et dépense, signés électroniquement dans les conditions fixées à l'article 4, conformément au protocole d'échange standard dans ses versions 2 et suivantes, dispense l'ordonnateur ou son représentant de produire les mandats de dépenses, les titres de recettes, les bordereaux de mandats et les bordereaux de titres sur support papier au comptable public. Dans le respect des dispositions du présent arrêté, ces données électroniques ont un caractère probant tant à l'égard du comptable public, que de la chambre régionale des comptes, d'autres juridictions ou des tiers ". Aux termes de l'article 1.6 de la convention cadre nationale relative à la dématérialisation des documents de la chaîne comptable et financière des collectivités, établissements publics locaux et établissements publics de santé : " S'agissant du caractère exécutoire prévu par ces dispositions, dès lors que le bordereau est signé par un délégataire, deux possibilités de certification du caractère exécutoire sont possibles : / - le signataire du bordereau de mandats ou de titres a compétence pour attester le caractère exécutoire : dans ce cas, la signature du bordereau vaut caractère exécutoire des pièces justificatives jointes, / - le signataire du bordereau de mandats ou de titres n'a pas compétence pour attester le caractère exécutoire : dans ce cas, la signature électronique de la certification du caractère exécutoire devra être transmise avec la pièce justificative électronique, en sus du bordereau signé ".

9. Si, comme le soutient la commune de Ramatuelle, la convention cadre invoquée est dépourvue de portée juridique, celle-ci se borne à reprendre, dans son point 1.6, les dispositions précitées de l'arrêté ministériel du 27 juin 2007. La société appelante doit donc être regardée comme invoquant la méconnaissance de ces dernières dispositions.

10. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Le caractère exécutoire du contrat conclu entre la commune et la société Salsedo et Cie n'est pas remis en cause. Dès lors, si la commune ne conteste pas le fait que la signature électronique de la certification du caractère exécutoire du contrat de sous-concession, qui constituait la pièce justifiant le titre de recette, n'a pas été transmise au comptable, cette irrégularité n'a pas été en l'espèce susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ni privé la société appelante d'une garantie.

12. En cinquième lieu, l'article 24 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ".

13. Le titre exécutoire auquel la société Salsedo et Cie fait opposition indique que la somme de 284 875 euros dont le recouvrement est poursuivi correspond à la " redevance année 2018 suivant article 14 de la délégation de service public lot 121, plage de Pampelonne, ets. Bagatelle Beach ". Le titre se référait ainsi au contrat de sous-concession signé le 1er juin 2018 par le cogérant de la société Salsedo et Cie, M. D... C..., et dont l'article 14 précisait que " le délégataire est redevable envers la commune au titre du présent contrat d'un montant fixé à : Deux cent quatre-vingt-quatre mille huit cent soixante-quinze euros ". Cette référence à l'obligation contractuelle souscrite par la société Salsedo et Cie constitue une indication suffisante des bases de liquidation. Le titre exécutoire n'avait pas à indiquer les raisons ayant déterminé le calcul de cette redevance, dès lors que la société Salsedo et Cie avait, en concluant le contrat, accepté de payer ce montant. La circonstance, à ce titre, que la société n'aurait pas eu connaissance de la délibération fixant le montant minimal des redevances attendues pour chaque lot est sans influence sur la régularité en la forme du titre exécutoire. Par suite, la société Salsedo et Cie n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire ne précise pas suffisamment ses bases de liquidation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Salsedo et Cie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

15. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Salsedo et Cie une somme de 1 500 euros à verser à la commune en remboursement des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Salsedo et Cie est rejetée.

Article 2 : La société Salsedo et Cie versera une somme de 1 500 euros à la commune de Ramatuelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Ramatuelle est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Salsedo et Cie et à la commune de Ramatuelle.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2023.

N° 20MA02349 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02349
Date de la décision : 09/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Recettes - Redevances.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP AUGUST et DEBOUZY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-09;20ma02349 ?
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