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06/01/2023 | FRANCE | N°21MA03180

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 janvier 2023, 21MA03180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1901755 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 juillet et le 4 novembre 2021, sous le n° 21MA03180, Mme C..., représentée par Me Sanseverino, demande à la Cour :
r>1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2021 ;

2°) d'annuler la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1901755 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 juillet et le 4 novembre 2021, sous le n° 21MA03180, Mme C..., représentée par Me Sanseverino, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail en date du 20 février 2019 ;

3°) d'ordonner la production de l'entier dossier concernant la demande d'autorisation de licenciement par l'administration ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la signataire de la décision ne justifie pas de sa compétence ;

- la procédure n'a pas été respectée dans la mesure où l'inspection du travail n'a pas reçu les informations et le procès-verbal de consultation du représentant des salariés ;

- la déclaration d'inaptitude d'un salarié empêche l'autorisation de son licenciement pour motif économique ;

- les obligations de l'employeur relatives au reclassement n'ont pas été respectées.

Par des mémoires enregistrés le 1er octobre, le 17 novembre et le 25 novembre 2021, la SELARL MJ Lefort, représentée par Me Gailhbaud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Gailhbaud, représentant la SELARL Lefort, liquidateur judiciaire de l'association Santé Service.

Considérant ce qui suit :

1. Me Yann Lefort, mandataire liquidateur de l'association Santé Service, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 22 janvier 2019, a demandé, par lettre du 31 janvier 2019, l'autorisation de licencier Mme A... C..., représentante des salariés dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, pour motif économique. Cette demande a fait l'objet d'une décision d'autorisation en date du 20 février 2019 par l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Ouest de l'unité départementale des Alpes-Maritimes.

2. Mme C... relève appel du jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 20 février 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le moyen tiré du vice d'incompétence de la signataire de la décision attaquée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 662-4 du code de commerce : " Tout licenciement envisagé par l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, du représentant des salariés mentionné aux articles L. 621-4 et L. 641-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été consultée, en tant que représentante des salariés et en l'absence de comité d'entreprise, sur le projet de licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;/ 2° Le nombre de licenciements envisagé ;/ 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; /4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées. "

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée vise le courrier du 31 janvier 2019 par lequel, le mandataire judiciaire a transmis à l'inspectrice du travail les informations et le procès-verbal de consultation du représentant des salariés. Ensuite, par courriers datés du 22 janvier 2019, Me Lefort informait l'inspecteur du travail de l'ouverture d'une procédure collective et lui transmettait la copie du jugement prononçant la liquidation judiciaire de l'association " Santé Service " ainsi que la procédure de licenciement pour motif économique envisagée. Puis, par courrier en date du 22 janvier 2019, Me Lefort a convoqué l'appelante à une réunion prévue le 31 janvier 2019 à 8 h 45 et ayant pour ordre du jour la " Consultation sur des mesures de licenciement envisagées en raison de la liquidation judiciaire de l'entreprise [...] " Ce courrier était accompagné d'une notice explicative relative au projet de licenciement, conformément aux dispositions de l'article L 1233-31 du code du travail. Mme C... a accusé réception de ce courrier le 24 janvier 2019. La réunion s'est déroulée le 31 janvier 2019 à 8 h 45 et a donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal signé par l'appelante. Par ailleurs, il ressort du courrier de Me Lefort du 31 janvier 2019 que ce dernier a transmis à l'inspecteur du travail les renseignements visés à l'article L 1233-31 du code du travail ainsi que le procès-verbal de la réunion en date du 31 janvier 2019. Dans son courrier daté du 5 février 2019 ainsi que dans sa décision du 20 février 2019, l'inspectrice du travail vise le courrier de Me Lefort du 31 janvier 2019. Enfin, il ressort de la liste des documents de la demande d'autorisation de licenciement établie par l'inspection du travail que le liquidateur lui a transmis la convocation en vue d'un licenciement collectif, la note explicative et le procès-verbal. Par suite, le moyen invoqué, qui relève de la légalité interne de la décision attaquée, doit être écarté comme non fondé.

7. En troisième lieu, l'article L. 2311-2 du code du travail précise que la mise en place d'un comité économique et social " n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins onze salariés est atteint pendant douze mois consécutifs " et renvoie à l'article L. 1111-2 pour les modalités de calcul des effectifs. D'autre part, l'article L. 1111-2 dudit code précise en son 3° que " Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. ".

8. Mme C... soutient, pour la première fois en appel, que la procédure de licenciement n'aurait pas été régulière en ce que l'association ne disposait pas d'institution représentative du personnel alors qu'elle comptait plus de 11 salariés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si l'attestation " Pôle Emploi " produite dans le contentieux prud'hommal indique un effectif de 12 personnes, au moins 4 salariés travaillaient à temps partiel dont trois au plus à mi-temps. Par suite, les effectifs pondérés de l'association n'étaient pas supérieurs à 11 et le moyen invoqué doit en tout état de cause être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques (...) 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. (...) ". Une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé pour un motif économique peut légalement être fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, sans que celle-ci doive être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé de maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du code de commerce, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise. Il incombe toutefois à l'inspecteur du travail de tenir compte, à la date à laquelle il se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui seraient de nature à faire obstacle au licenciement envisagé.

10. Mme C... soutient que la décision attaquée est illégale en ce que son état de santé réclamait un licenciement pour inaptitude dès lors que, par un avis du 25 avril 2018, le médecin du travail avait estimé que ledit état faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Saisie d'une demande d'autorisation fondée sur un licenciement économique, l'autorité administrative ne pouvait toutefois légalement modifier le terrain de la demande d'autorisation et se placer sur celui de l'inaptitude.

11. En outre, la liquidation judiciaire ne peut avoir légalement pour effet de faire échec à l'application des dispositions du code du travail relatives à la protection exceptionnelle dont bénéficient certains salariés. Dans de telles circonstances, il incombe à l'autorité administrative d'apprécier la réalité de la suppression des postes de travail et d'examiner le caractère éventuellement discriminatoire de la demande de licenciement.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de la requérante adressée à l'autorité administrative par le mandataire liquidateur de l'association Santé Service indiquait que le licenciement était envisagé à la suite de la cessation complète de l'activité de ladite association et une copie du jugement de liquidation judiciaire était jointe à cette demande d'autorisation. En présence de tels éléments qui caractérisent le motif économique de la demande d'autorisation de licenciement et la cessation d'activité de son employeur, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le seul licenciement réclamé par sa situation était un licenciement pour inaptitude.

13. En dernier lieu, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. La notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. En l'espèce, si la requérante soutient que son employeur, l'association Santé Service, appartenait à un groupe composé de différentes sociétés, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'association Santé Service aurait des liens capitalistiques avec les autres sociétés, ni que l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation de ces sociétés permettraient d'effectuer la permutation de son personnel. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que lesdites entreprises ont soit elles-mêmes fait l'objet d'une liquidation judiciaire, soit n'entretenaient plus d'activité au moment de la décision attaquée.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner à l'administration de produire l'entier dossier de demande d'autorisation de licenciement de l'appelante, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société MJ Lefort présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société MJ Lefort présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la SELARL MJ Lefort et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 janvier 2023.

N° 21MA03180 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03180
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP DELPLANCKE - LAGACHE - MARTY - POZZO DI BORGO - ROMETTI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-06;21ma03180 ?
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