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15/12/2022 | FRANCE | N°20MA03058

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 15 décembre 2022, 20MA03058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Médis Santé a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014, 2015 et 2016, des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur les véhicules de société auxquels el

le a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Médis Santé a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014, 2015 et 2016, des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur les véhicules de société auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1804597 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2020, la SAS Médis Santé, représentée par Me André, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 mars 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et cotisations sur la valeur ajoutée en litige ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules de société sur la période du 1er août 2012 au 30 septembre 2016 établies sur les résultats des exercices clos au 31 juillet des années 2013 à 2016, et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de dénaturation ;

- les premiers juges n'ont pas analysé le mémoire en défense ;

- ils n'ont pas réclamé les documents complémentaires nécessaires à leur jugement ;

- elle a été privée de la garantie d'un rendez-vous avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ;

- elle est éligible au taux réduit d'imposition de 15 % à hauteur d'une assiette de 38 120 euros prévu par les dispositions du b du I de l'article 219 du code général des impôts ;

- les frais kilométriques déduits de ses résultats des exercices clos les 31 juillet 2014 à 2016 sont justifiés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2020 et le 21 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par lettre du 18 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 avril 2018 portant rejet de la réclamation préalable de la société Médis Santé dès lors que les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure contentieuse d'imposition et ne peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales.

Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 30 novembre 2022 pour la société Médis Santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Médis Santé a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er août 2012 au 31 juillet 2016, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi qu'à des rappels de taxe sur les véhicules de société. Ladite société relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 30 novembre 2020, postérieure à l'introduction de la requête, l'administratrice générale de la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer a prononcé le dégrèvement de la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Médis Santé a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2013. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Médis Santé à hauteur du montant de ce dégrèvement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2018 rejetant la réclamation préalable de la société Médis Santé :

3. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure contentieuse d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de l'appelante tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a rejeté sa réclamation préalable sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un mémoire en défense se limitant à la réfutation des moyens présentés par le requérant peut être régulièrement visé et analysé par l'indication synthétique que ce mémoire fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé. Dès lors, le tribunal administratif pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, viser le mémoire en défense, produit par l'administration fiscale, en se bornant, sur ce point, à relever que le défendeur concluait au rejet de la requête, sans être tenu d'analyser chacun de ses moyens de défense. Ainsi, le jugement attaqué satisfait aux dispositions précitées.

5. En deuxième lieu, il appartient au contribuable qui soutient avoir adressé un courrier à l'administration d'en apporter la preuve. Si la société Medis Santé soutenait avoir adressé une réponse à la une proposition de rectification qui lui avait été adressée, il lui appartenait de l'établir, cette circonstance étant contestée par l'administration fiscale. Il n'appartenait ainsi pas au tribunal administratif de réclamer quelque document que ce soit. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu leur pouvoir de direction de l'instruction doit être écarté.

6. En troisième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Si la société requérante soutient qu'en relevant qu'elle n'avait formulé aucune observation dans le délai de trente jours à la proposition de rectification dont elle a été destinataire, le jugement attaqué est entaché d'une erreur de motivation, un tel moyen tend en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de l'irrégularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (...) sont opposables à l'administration. ". La charte des droits et obligations du contribuable indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). " La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par ce passage de la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées, dans l'hypothèse où un désaccord subsiste entre eux.

8. D'autre part, en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".

9. Si la SAS Médis Santé soutient avoir présenté des observations à la proposition de rectification du 3 mai 2017 portant notamment sur les rehaussements de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, elle ne l'établit pas davantage en appel que devant les premiers juges, alors que cela est contesté par l'administration fiscale. Dans ces conditions, elle est réputée avoir accepté tacitement ces rehaussements. Faute d'un différend persistant avec le vérificateur, elle ne pouvait donc prétendre saisir son supérieur hiérarchique. Elle ne peut dès lors utilement soutenir qu'elle aurait été privée de cette garantie.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A dans sa rédaction applicable : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables (...) en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée (...), une copie des fichiers des écritures comptables (...) / III. (...) d. - L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non, au choix de ce dernier, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, la copie des fichiers (...). ". Ces dispositions interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions afin de garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de destruction de ces fichiers est donc susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent, mais demeure sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. C'est donc inutilement que la société requérante s'en prévaut dans le cadre de la présente instance.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1. / Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : (...) / b. Par exception au deuxième alinéa du présent I (...), pour les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, le taux de l'impôt applicable au bénéfice imposable est fixé, dans la limite de 38 120 euros de bénéfice imposable par période de douze mois, à 25 % pour les exercices ouverts en 2001 et à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002. / Pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, le chiffre d'affaires est apprécié en faisant la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent b doit être entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que le capital de la SAS Médis Santé est détenu pour 66,67 % par la société Perspective, détenue à 100 % par des personnes physiques, et pour 33,33 %, par la SA Euromédis Group. Elle ne satisfait dès lors pas, en tout état de cause, aux conditions de détention de capital fixées par les dispositions précitées du b du I de l'article 219 du code général des impôts. Ce seul motif justifiait la remise en cause par l'administration fiscale du taux réduit de 15 % prévus par ces dispositions précitées pour lui appliquer le taux normal de l'impôt sur les sociétés de 33,1/3 %.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il incombe toujours au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déduction de remboursement à son dirigeant de frais kilométriques liés à l'utilisation de deux véhicules personnels, pour des montants de 24 313 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2014, 26 557 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2015 et 29 540 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2016. Hormis la copie des certificats d'immatriculation de ces deux véhicules et deux factures d'entretien pour l'un d'entre eux produits en cours de contrôle, la société requérante n'apporte pas plus d'éléments de nature à justifier que ces remboursements de frais kilométriques exposés par son dirigeant avec ses véhicules privés correspondraient effectivement à des missions de caractère professionnel effectuées pour son compte.

15. En cinquième lieu, si la société requérante entend contester les cotisations supplémentaires de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, les rappels de taxe sur les véhicules de sociétés et les pénalités auxquels elle a été assujettie, elle ne soulève aucun moyen à leur encontre.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Médis Santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de la SAS Médis Santé à concurrence de la somme de 6 989 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Médis Santé est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS Médis Santé et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

2

N° 20MA03058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03058
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : ANDRE ANDRE et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-15;20ma03058 ?
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