Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 9 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur les requêtes de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et de la société ASB Distribution, tendant à l'annulation du jugement n° 1803873 du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le maire de Villeneuve-de-la-Raho a délivré à cette société un permis de construire en vue de l'édification d'une station-service sur un terrain situé avenue Salvador Dali, et imparti à la société ASB Distribution un délai de quatre mois afin de produire la mesure de régularisation nécessaire.
Par un mémoire commun aux deux instances, enregistré le 19 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Vigo, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le maire de Villeneuve-de-la-Raho a délivré un permis de construire de régularisation à la société ASB Distribution ;
2°) de rejeter les requêtes visées ci-dessus ;
3°) subsidiairement, en cas d'annulation du jugement attaqué, de ne pas faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-de-la-Raho et de la société ASB Distribution le versement d'une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le permis de construire de régularisation du 29 septembre 2022 a été délivré sous l'empire du plan local d'urbanisme dont la modification simplifiée, approuvée le 1er février 2021 pour permettre la délivrance de ce permis, est entachée d'un détournement de procédure ;
- ce permis de construire est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation applicable au secteur dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Akacha, substituant Me Manya, représentant la commune de Villeneuve-de-la-Raho.
Considérant ce qui suit :
1. Par l'arrêt avant dire droit du 9 juin 2022 visé ci-dessus, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir écarté les autres moyens et constaté que le projet litigieux méconnaît les dispositions de l'article UB 2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de Villeneuve-de-la-Raho, dans leur rédaction applicable à la date du permis de construire en litige du 26 juin 2018, a décidé, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer et d'impartir à la société ASB Distribution un délai de quatre mois, à compter de la notification de cet arrêt, afin de produire, le cas échéant, la mesure de régularisation de ce vice. La société ASB Distribution a produit, le 18 octobre 2022, l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le maire de Villeneuve-de-la-Raho lui a délivré le permis de construire de régularisation sollicité. M. B..., qui persiste dans ses précédentes conclusions, demande en outre à la cour d'annuler ce permis de régularisation.
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
3. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
4. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée dès lors que le permis modificatif ou de régularisation assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif ou de régularisation si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Un permis de régularisation délivré en vertu de l'article L. 600-5-1 peut revoir l'économie générale du projet, sous réserve de ne pas lui apporter un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
5. En premier lieu, M. B... soutient que le permis de construire de régularisation du 29 septembre 2022 est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation applicable au secteur dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet. Toutefois, la demande de permis de régularisation ne prévoit aucune modification des caractéristiques et de l'implantation du projet sur le terrain d'assiette, lequel était déjà classé en zone UB 2 du plan local d'urbanisme de Villeneuve-de-la-Raho et inclus dans le périmètre de l'orientation d'aménagement applicable à cette zone à la date de la délivrance du permis de construire initial. Dans ces conditions, eu égard aux droits que la société pétitionnaire tient du permis initial à compter de l'arrêt ayant eu recours à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ce moyen, pris en ses différentes branches, ne peut être utilement invoqué par M. B....
6. En second lieu, le point 3 de l'article UB 2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de Villeneuve-de-la-Raho prévoit, dans sa rédaction applicable à la date de la délivrance du permis de construire de régularisation en litige, que sont admises, dans la zone UB2, les " installations classées soumises à autorisation ou à déclaration, sous réserve qu'elles correspondent à une activité nécessaire au fonctionnement du quartier, telle que notamment, boulangeries, laveries, drogueries, dépôts de carburants, garages, stations-services... ".
7. D'une part, le permis de construire de régularisation du 29 septembre 2022 a été délivré sous l'empire des dispositions citées au point précédent de l'article UB 2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de Villeneuve-de-la-Raho, issues de la modification simplifiée n° 3 de ce plan approuvée le 1er février 2021. Si M. B... soutient, par la voie de l'exception d'illégalité, que cette modification simplifiée est entachée d'un " détournement de procédure " dès lors qu'elle aurait été, selon lui, approuvée uniquement pour permettre la réalisation du projet litigieux, il n'assortit pas ses allégations sur ce point de précisions suffisantes. Il n'est aucunement démontré que la modification de la rédaction de cet article UB 2-2, qui dresse désormais une liste au demeurant non limitative des installations classées susceptibles d'être implantées en zone UB 2, ne répondrait pas à un intérêt général. Par suite, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
8. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers que le permis délivré le 29 septembre 2022 à la société pétitionnaire respecte les dispositions citées ci-dessus de l'article UB 2-2 du règlement du plan local d'urbanisme de Villeneuve-de-la-Raho. Dans ces conditions, ce permis a régularisé le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article UB 2-2 en vigueur à la date de la délivrance du permis de construire du 26 juin 2018.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Villeneuve-de-la-Raho et la société ASB Distribution sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande d'annulation de M. B.... Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif de Montpellier.
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803873 du tribunal administratif de Montpellier du 13 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Villeneuve-de-la-Raho, à la société ASB Distribution et à M. C... B....
Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
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Nos 20MA00095, 20MA00116