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07/12/2022 | FRANCE | N°21MA04448

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2022, 21MA04448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retourner en France pendant un an et d'autre part, la décision portant inscription au fichier " système d'information Schengen ".

Par un jugement n° 2104971 du 11 juin 2

021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retourner en France pendant un an et d'autre part, la décision portant inscription au fichier " système d'information Schengen ".

Par un jugement n° 2104971 du 11 juin 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour en France pour une durée d'un an ;

3°) d'annuler son signalement dans le système d'information Schengen

(SIS) pour la durée de l'interdiction de retour ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de la décision, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au bénéfice de Me Ant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil au bénéfice de la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la mesure d'éloignement en litige n'est pas suffisamment motivée en fait et ne procède pas d'un examen complet de sa situation ;

- cette mesure viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il pouvait se voir accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la promesse d'embauche sous contrat à durée indéterminée dont il dispose et de l'aide qu'il apporte à sa mère malade ;

- cette mesure est pour ces raisons entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est affectée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux avancés contre le refus de titre et la mesure d'éloignement ;

- l'interdiction de retour d'un an est illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette interdiction n'est pas suffisamment motivée et a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général des droits de la défense, faute pour le préfet de l'avoir averti que l'obligation de quitter le territoire était susceptible d'emporter interdiction de retour, et de la durée de celle-ci ;

- cette interdiction n'est ni nécessaire ni proportionnée, en méconnaissance de l'article L. 612-6 du code.

La requête M. C... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2022 à 12 heures, par ordonnance du 31 octobre 2022.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 1er octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né en 2001 et de nationalité albanaise, est entré en France le

15 décembre 2018 en compagnie de sa mère et de sa sœur et a déposé le 21 mai 2019 une demande d'asile, qu'a rejetée l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par décision du 20 mars 2019, contre laquelle le recours de M. C... a été rejeté par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 juillet 2019. Par une décision du 13 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a en conséquence refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un arrêté du

2 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, et interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an. Par un jugement du 11 juin 2021, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 juin 2021.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et de la décision fixant le pays de renvoi :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions législatives citées au point précédent et mentionne, dans ses motifs, que M. C... s'est vu notifier le 16 mai 2019 une décision refusant de l'admettre au séjour en France au titre de l'asile, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et qu'il ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre à la régularisation de sa situation administrative, ni ne rentre dans les catégories de délivrance de plein droit d'un titre de séjour définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi cet arrêté qui comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et permettant de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. C... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, est suffisamment motivé, alors même qu'il n'évoque ni l'état de santé de sa mère ni le contrat à durée déterminée dont il dispose depuis trois mois.

4. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que, du simple fait que l'arrêté litigieux ne mentionne pas l'état de santé de la mère de M. C... ni son emploi en contrat à durée déterminée, le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet et personnel de la situation de l'intéressé avant d'ordonner son éloignement.

5. En troisième lieu, M. C... ne peut utilement prétendre, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision prononçant son éloignement, pouvoir être admis au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit, dès lors qu'il est constant qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que par son arrêté, le préfet n'a pas procédé à un examen d'une éventuelle régularisation de sa situation à ce titre.

6. En quatrième lieu, compte tenu la faible durée de séjour en France de M. C... à la date de la mesure d'éloignement en litige, et de l'irrégularité du séjour de sa mère et de sa sœur, et eu égard au caractère récent et précaire de son activité professionnelle, le préfet n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale en France, en décidant son éloignement, une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il doit en aller ainsi également, pour les mêmes raisons, du moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet aurait commise dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai.

8. Faute d'articuler à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi d'autres moyens que l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement, les conclusions de M. C... contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées, en tout état de cause, par voie de conséquence des motifs énoncés ci-dessus.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". L'article L. 612-2 du même code précise que : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Enfin, selon l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)/ 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; /

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".

10. Il est constant qu'au cours de son audition par les services de police le 2 juin 2021, M. C..., qui s'était soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours qui avait été édictée à son encontre le 13 mai 2019 et qui lui avait été notifiée le 16 mai 2019, a déclaré vouloir se maintenir en France. Par suite, le préfet pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire pour la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français du 2 juin 2021. Si M. C... se prévaut du contrat à durée déterminée dont il est titulaire depuis mars 2021, d'une promesse d'embauche sous contrat à durée indéterminée ainsi que de la nécessité de sa présence auprès de sa mère malade, il ne fait pas valoir de la sorte des circonstances particulières, au sens des dispositions de l'article

L. 612-3, susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire.

11. Il suit de là que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que l'a considéré à bon droit le premier juge.

Sur la légalité de l'interdiction de retour en France d'une durée d'un an :

12. En premier lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 3 à 6, l'exception d'illégalité soulevée par M. C... contre l'obligation qui lui est faite par l'arrêté en litige de quitter le territoire français sans délai ne peut qu'être écartée.

13. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. C... pour la première fois en appel, l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'interdiction qui lui est faite de retour en France pour une durée d'un an. Son moyen de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

14. En troisième lieu et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et plus spécialement d'un procès-verbal d'audition du requérant par les services de police, établi le

2 juin 2021, qu'en répondant à la question relative au comportement qu'il entendait adopter dans l'hypothèse du prononcé à son encontre d'une obligation de quitter le territoire français assortie le cas échéant d'une interdiction de retour en France, M. C... a été mis à même, de manière utile et effective, d'exprimer son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et la perspective de son éloignement et de ses conséquences, ainsi que l'exige le droit d'être entendu, faisant partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ".

L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

16. Si d'une part, pour contester le principe de l'interdiction de retour litigieuse, lequel est impliqué par la décision du préfet de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, en application de l'article L. 612-6, M. C... a entendu se prévaloir de son emploi, selon un contrat à durée déterminée obtenu trois mois avant l'arrêté en litige, et de la présence en France de sa mère et de sa sœur, en situation irrégulière, de telles circonstances ne sont pas en l'espèce de nature à justifier, au titre des mêmes dispositions, que le préfet n'édicte pas d'interdiction de retour à son encontre.

17. D'autre part, compte tenu de la courte durée de son séjour en France, de la faiblesse de ses liens avec la France, et de ce qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en

mai 2019, M. C..., célibataire et sans enfant, dont la mère et la sœur ne disposent pas de titre de séjour en France et dont le père réside en Albanie, n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant à

un an la durée de son interdiction de retour, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur d'appréciation.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement querellé, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour en France d'un an.

19. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction, ses conclusions tendant à l'annulation de son signalement au fichier " Système d'information Schengen ", au soutien desquelles il n'articule aucun moyen, et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Ant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

N° 21MA044482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04448
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-07;21ma04448 ?
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