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07/12/2022 | FRANCE | N°21MA02233

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2022, 21MA02233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône

a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de

trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et, d'autre part d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de

résidence d'un an mention " vie privée et familiale

" dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astrein...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône

a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de

trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et, d'autre part d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de

résidence d'un an mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de

réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et dans cette attente, de lui délivrer une

autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler.

Par un jugement n° 2007957 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juin 2021 et les 20 septembre et

16 novembre 2022, Mme B..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 pris en tous ses objets ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de

réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et dans cette attente, de lui délivrer une

autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de Me Ant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil au bénéfice de la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'arrêté de refus a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration ne comporte que deux des trois signatures des médecins qui le composent, que ces signatures ne sont que des fac-similés numérisés de signatures manuscrites et qu'ainsi le caractère collégial de cet avis n'est pas établi, la privant d'une garantie ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté de refus a été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisque le traitement par hémodialyse n'est pas le traitement médical approprié préconisé par le corps médical qui se prononce en faveur de la transplantation rénale, laquelle est un traitement curatif et non simplement palliatif comme l'hémodialyse, avec laquelle elle n'est donc pas interchangeable, alors que les autres conditions posées par ce texte sont remplies et que l'un des médicaments utilisés pour les séances d'hémodialyse n'est pas disponible en Albanie ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale, du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête et les deux premiers mémoires complémentaires de Mme B... ont été communiqués au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2022 à 12 heures, par ordonnance du 31 octobre 2022.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1983 et de nationalité albanaise, est entrée en France le

15 décembre 2018 et a déposé le 21 mai 2019 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 novembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 25 janvier 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris en ses trois objets.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L.313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office

français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant de statuer sur la demande de titre de séjour de Mme B..., le préfet des Bouches-du-Rhône a recueilli le 28 août 2019 l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel mentionne les noms et prénoms des trois médecins s'étant ainsi prononcés, et précise qu'il a été rendu après délibération du collège. Si cet avis ne comporte pas la signature d'un des trois médecins du collège, alors que les identités de ceux-ci mentionnées dans l'avis et dans le bordereau de son envoi, daté du même jour, sont identiques, une telle omission résulte d'une erreur purement matérielle qui s'avère sans incidence sur la réalité du caractère collégial de la mesure. En outre, compte tenu des mentions portées sur l'avis, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, la circonstance que les deux signatures de médecins du collège qui y sont apposées soient des fac-similés de leurs signatures numérisées n'est pas de nature à remettre en cause leur authenticité et partant la réalité de la délibération du collège et la collégialité de l'avis. Ainsi le moyen tiré par Mme B... de ce que le caractère non collégial de l'avis médical rendu le

28 août 2019 l'a privée d'une garantie procédurale ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, le collège des médecins de l'OFII, consulté sur la demande de titre de séjour de Mme B... qui souffre à la date de l'arrêté en litige d'une insuffisance rénale terminale de stade cinq, a considéré, dans son avis du 28 août 2019, dont le préfet s'est approprié les conclusions, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins existant en Albanie, dont elle a la nationalité, elle pourrait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Les pièces médicales versées au dossier d'instance montrent que son affection nécessite trois séances hebdomadaires d'hémodialyse, de quatre heures chacune, que ce traitement avait été entamé quelque quatre années avant son entrée sur le territoire français et qu'il requiert, entre chaque séance, la prise de médicaments, dont une molécule destinée à prévenir l'hyperkaliémie.

5. Contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne résulte d'aucun des certificats médicaux dont elle se prévaut, pas même celui qui a été établi le 10 juin 2020 par le médecin néphrologue qui la suit à la date de l'arrêté en litige et selon lequel elle pourra bénéficier d'un bilan pré-greffe rénale si sa situation administrative est régularisée, que le traitement préconisé par les spécialistes de son affection et adapté à son état de santé consisterait en réalité exclusivement en une transplantation rénale, ni que, ce dernier traitement pouvant être privilégié ainsi que le précise son médecin néphrologue le 28 juin 2021, une hémodialyse ne constituerait pas un traitement approprié à son état de santé comme le relève l'ensemble des pièces médicales produites au dossier d'instance. Aucun des documents médicaux produits par Mme B..., relatifs à sa propre situation médicale, n'indique que l'hémodialyse présenterait pour elle des risques de complication et des causes de morbidité. Si ces mêmes documents démontrent que la fistule artérioveineuse dont elle avait été chirurgicalement dotée en Albanie pour assurer la réalisation de l'hémodialyse a dû donner lieu en France à trois interventions chirurgicales destinées à la remplacer, ni ces pièces ni aucun autre élément du dossier, faute de dater précisément ces opérations, ne permettent d'établir que l'arrêté en litige a fait obstacle à la mise en œuvre d'un protocole chirurgical indispensable à l'état de santé de la requérante. En se prévalant de deux attestations, non datées et imprécises, établies par des pharmaciens exerçant à Tirana, et déclarant en des termes identiques que " manque " en Albanie le rézikali, traitement médicamenteux indispensable à la pratique des hémodialyses dans le cas de Mme B...,

celle-ci, qui ne critique pas la disponibilité de cette suppléance rénale dans son pays d'origine, dont elle a pu bénéficier pendant quatre années environ avant son entrée sur le territoire français, ne conteste pas efficacement qu'elle pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, ainsi que l'a considéré le préfet dans sa décision de refus, au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

6. En troisième lieu, si Mme B... se prévaut de la présence en France de son fils aîné, né en 2001, qui y travaille suivant un contrat conclu en 2021, mais qui n'est pas en situation régulière, et de sa fille cadette née en 2003 qui y est scolarisée depuis l'année 2019-2020, ainsi que de sa sœur, titulaire d'une carte de séjour, elle ne réside en France que depuis le

15 décembre 2018, soit moins d'une année à la date de l'arrêté attaqué. Eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme B..., le refus de titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Il doit en aller de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet aurait commise dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 novembre 2019 en tant qu'il lui refuse un titre de séjour.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte tenu des motifs énoncés aux points 4 à 6, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour soulevée par Mme B... contre l'obligation qui lui est faite par l'arrêté en litige de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ne peut qu'être écartée.

9. En deuxième lieu, eu égard aux motifs énoncés aux points 4 et 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement litigieuse aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent que puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français " l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

10. En dernier lieu, et dans la mesure où pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, Mme B... renvoie à ses développements relatifs à la légalité du refus de titre de séjour, il y a lieu d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 6.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., qui n'articule aucun moyen au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement querellé, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que ladite décision.

12. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Ant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

N° 21MA022332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02233
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-07;21ma02233 ?
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