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05/12/2022 | FRANCE | N°20MA04721

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 05 décembre 2022, 20MA04721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cico Carrière a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Florent a refusé de lui délivrer un permis d'aménager une plateforme de stockage de matériaux inertes sur les parcelles cadastrées B 628 et B 626 au lieudit Chiovo Vescova.

Par ordonnance n° 2000808 du 19 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête, en application des dispositions de l'article R. 222-1 7° d

u code de justice administrative, comme ne comportant que des moyens inopérants.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cico Carrière a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Florent a refusé de lui délivrer un permis d'aménager une plateforme de stockage de matériaux inertes sur les parcelles cadastrées B 628 et B 626 au lieudit Chiovo Vescova.

Par ordonnance n° 2000808 du 19 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête, en application des dispositions de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative, comme ne comportant que des moyens inopérants.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 16 décembre 2020, 18 décembre 2020 et 20 mai 2021, la SARL Cico Carrière, représentée par Me Pennaforte, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia en date du 19 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saint-Florent du 20 février 2020 portant refus de permis d'aménager ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dès lors que sa requête de première instance devait être regardée comme dirigée également contre l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse du 2 janvier 2020 ;

- elle entend exciper de l'illégalité de l'avis conforme du préfet en date du 2 janvier 2020 ;

- le maire de la commune de Saint-Florent et le préfet de la Haute-Corse ont commis une erreur de droit et de fait quant à l'application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le maire de la commune de Saint-Florent et le préfet de la Haute-Corse ont commis une erreur de droit et de fait s'agissant de l'application des dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-4 7° du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle ne constitue ni un site naturel ni un site remarquable.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2021, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête de la SARL Cico Carrière.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

La requête a été communiquée à la commune de Saint-Florent qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bazin pour la SARL Cico Carrière.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Cico Carrière a présenté, le 18 décembre 2019, une demande de permis d'aménager un terrain cadastré sections B 626 et B 628 situé sur le territoire de la commune de Saint-Florent au lieudit Chiovo Vescova pour la création d'une plateforme de stockage de matériaux inertes. A la suite d'un avis conforme défavorable émis le 2 janvier 2020 par le préfet de la Haute-Corse, le maire de la commune de Saint-Florent a, par arrêté du 20 février 2020, rejeté la demande présentée par la société Cico Carrière. Cette dernière interjette appel de l'ordonnance du 19 octobre 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Bastia a, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa requête comme ne comportant que des moyens inopérants.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce dès lors que la commune de Saint-Florent n'est pas couverte, s'agissant des parcelles litigieuses, par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Il résulte desdites dispositions que le maire a compétence liée pour refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme en cas d'avis défavorable du préfet. Par suite, dès lors que la société Cico Carrière ne soulevait pas, dans ses écritures de première instance, l'exception d'illégalité de l'avis conforme du préfet du 2 janvier 2020, l'ensemble des moyens présentés à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Saint-Florent portant refus de permis d'aménager étaient, ainsi que l'a, à bon droit, jugé le président du tribunal administratif de Bastia, inopérants. Par suite, la requête pouvait être rejetée par ordonnance sur le fondement des dispositions de l'article R.222-1-7ème du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que cette dernière serait entachée d'irrégularité doit, dès lors, être écarté.

Sur l'exception d'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse :

3. En excipant, à l'encontre de la décision du maire portant refus de permis d'aménager, de l'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Haute-Corse du 2 janvier 2020, la requérante soulève un moyen tiré du défaut de base légale de la décision du maire. Par suite, cette exception d'illégalité constitue un moyen de légalité interne que la requérante est recevable à invoquer pour la première fois en appel dès lors qu'elle a invoqué en première instance des moyens fondés sur la même cause juridique.

4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis d'aménager ayant été déposée le 18 décembre 2019, les dispositions du V citées au point 4 sont applicables en l'espèce.

5. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

6. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.

7. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Le PADDUC prévoit par ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le terrain objet de la demande de permis d'aménager est situé à plus de 600 mètres du point le plus proche du village de Saint-Florent. Par ailleurs, si ledit terrain se situe à proximité d'un camping, d'un espace dédié au gardiennage des bateaux et d'une zone artisanale situés au Nord-Ouest, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il est situé au cœur d'une vaste zone naturelle s'étendant au Sud, à l'Est, à l'Ouest et au Nord-Est, l'extrémité Ouest du terrain étant d'ailleurs située dans la ZNIEFF de type 1 de l'Aliso et du Poggio. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de fait ou de droit que le préfet de la Haute-Corse a, par son avis du 2 janvier 2020, considéré que ce projet, qui ne peut, au regard de son environnement d'ensemble, être regardé comme se situant en continuité avec le village de Saint-Florent, n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.

9. En second lieu, à supposer que la SARL requérante ait également entendu se prévaloir des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 121-8 précité, il est, en tout état de cause, constant que le terrain n'est pas identifié par un schéma de cohérence territoriale ou le PADDUC, ni délimité par un plan local d'urbanisme. Au surplus, le terrain d'assiette du projet est situé non pas à l'intérieur d'un périmètre bâti existant mais en périphérie de celui-ci.

10. En dernier lieu, si la SARL Cico Carrière soutient que son terrain n'est situé ni dans un espace naturel ni dans un espace remarquable et que, par suite, son projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 121-4-7° du code de l'urbanisme aux termes desquelles : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement et des réserves naturelles instituées en application de l'article L. 332-1 du code de l'environnement (...) ", ce moyen est inopérant dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur un tel motif pour édicter son avis mais uniquement sur l'absence de conformité du projet aux dispositions de l'article L. 121-8 précitées du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la SARL Cico Carrière doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SARL Cico Carrière la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SARL Cico Carrière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cico Carrière, à la commune de Saint-Florent et au préfet de la Haute-Corse.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

N° 20MA04721 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04721
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-05;20ma04721 ?
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