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01/12/2022 | FRANCE | N°21MA04904

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 01 décembre 2022, 21MA04904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2102237 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Bra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2102237 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Braccini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte, en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler durant ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du même code et il remplit les critères fixés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du même code, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision relative au délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant philippin né en 1968 et déclarant être entré en France au cours du mois de septembre 2011, a sollicité, le 17 décembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par un arrêté du 25 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 21 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, si M. C... invoque la méconnaissance des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit pas ses allégations sur ce point de précisions suffisantes. Il suit de là que ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

5. D'une part, M. C... se prévaut des critères énoncés dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et relatifs aux demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, présentées sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne détenant aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans cette circulaire pour l'exercice de ce pouvoir.

6. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. M. C... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit au point 7 du jugement attaqué.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En vertu des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Si M. C... indique qu'il réside habituellement en France depuis le mois de septembre 2011, il n'établit ni même n'allègue y disposer d'attaches familiales, alors que son épouse et leurs deux enfants résident dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. L'intéressé ne démontre pas davantage, par les seules attestations - peu circonstanciées pour la plupart - qu'il produit, avoir tissé des liens amicaux intenses et stables sur le territoire français. Dans ces circonstances, et en dépit des efforts d'insertion sociale et professionnelle de M. C... qui a travaillé en qualité d'employé de maison à temps partiel à compter de l'année 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en édictant la décision de refus de titre de séjour en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M. C....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte des dispositions alors en vigueur du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure d'éloignement se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision rejetant la demande de titre de séjour de M. C... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement en litige ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, la mesure d'éloignement en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, M. C... ne pouvant, ainsi qu'il a été dit, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Sur la légalité de la décision relative au délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

14. Lorsque l'autorité administrative accorde un délai de départ volontaire de trente jours, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant à l'octroi d'un délai de départ plus long. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours à M. C... ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes raisons que celles exposées au point 9. Par ailleurs, M. C... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester cette décision lui accordant un délai de départ volontaire, des dispositions alors en vigueur du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles sont relatives à la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Braccini.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

2

N° 21MA04904

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04904
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BRACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;21ma04904 ?
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