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01/12/2022 | FRANCE | N°20MA02775

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 01 décembre 2022, 20MA02775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Saint-Lambert a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805544 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cou

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Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, la SELARL Pharmacie Saint-Lambert, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Saint-Lambert a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805544 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, la SELARL Pharmacie Saint-Lambert, représentée par Me Strella, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la provision pour dépréciation de son fonds de commerce ;

- l'existence d'une dépréciation du fonds de commerce n'est pas subordonnée à une baisse cumulée du chiffre d'affaires et du bénéfice ;

- le chiffre d'affaires de son officine a constamment et significativement baissé depuis son acquisition le 30 août 2006 et se trouve à l'origine des difficultés de la société ;

- elle a établi la dépréciation effective de son officine par l'observation de données internes et les études du cabinet d'expertise n'ont servi qu'à déterminer la valeur vénale du fonds de commerce de pharmacie ;

- la variation de la rémunération de l'associée gérante est en relation avec l'évolution du chiffre d'affaires ;

- la dépréciation significative est également démontrée par le test de dépréciation auquel elle a procédé, calculé en tenant compte d'un multiple de l'excédent brut d'exploitation et d'un multiple du chiffre d'affaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Saint-Lambert, qui exploite une officine pharmaceutique à Marseille, l'administration a remis en cause la déductibilité d'une provision pour dépréciation de son fonds de commerce. La SELARL Pharmacie Saint-Lambert relève appel du jugement du 1er avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Il appartient au contribuable, indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure, d'établir le bien-fondé et de justifier du montant d'une telle provision au regard des caractéristiques de l'exploitation au cours de la période en litige.

4. Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2005, le plan comptable général et notamment son article 322-5 impose aux entreprises d'apprécier, à chaque clôture des comptes et à chaque situation intermédiaire, s'il existe un indice quelconque montrant qu'un ou plusieurs de leurs actifs ont pu perdre de leur valeur. Lorsqu'un tel indice existe, un test de dépréciation consistant à comparer la valeur nette du bien considéré et sa valeur actuelle doit être effectué afin de confirmer ou non la perte de valeur. En présence d'une telle perte de valeur, l'entreprise peut, le cas échéant, déprécier l'actif concerné en fonction de sa valeur actuelle.

5. La SELARL Pharmacie Saint-Lambert a acquis le 30 août 2006 un fonds de commerce de pharmacie situé à Marseille, pour un prix de 1 245 000 euros dont 30 000 euros de matériel. Au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, la société a constitué une provision pour dépréciation de ce fonds de commerce pour un montant de 277 295 euros, correspondant à la prise en compte de l'indice " Interfimo " en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, lui-même déterminé par rapport à l'évolution des prix de cession d'officines pharmaceutiques en pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes et selon un calcul de l'excédent brut d'exploitation multiplié par un ratio. La société a ainsi appliqué à la valeur de son fonds de commerce telle qu'inscrite à l'actif de son bilan, soit 1 215 000 euros, un taux de 90 % correspondant au taux de transaction des officines sur le marché régional applicable au chiffre d'affaires hors taxes ainsi qu'un ratio établi à 8 correspondant au coefficient de l'excédent brut d'exploitation et, après avoir fait la moyenne des deux résultats obtenus, a valorisé son fonds de commerce à 937 668 euros, constatant une différence de valeur par rapport à la valeur d'origine de 277 295 euros.

5. Pour justifier la provision litigieuse, la SELARL Pharmacie Saint-Lambert fait valoir que son chiffre d'affaires a constamment et significativement baissé depuis son acquisition en 2006, à savoir de - 18 % au 30 septembre 2013, de - 12 % au 30 septembre 2014 et de - 15 % au 30 septembre 2015 et que la marge brute sur les achats hors taxes aurait régressé depuis l'acquisition du fonds, de 19 % au 30 septembre 2013, de 5 % au 30 septembre 2014 et de 13 % au 30 septembre 2015. Toutefois, l'administration fiscale fait valoir que si, en comparaison au chiffre d'affaires de référence qu'elle a elle-même calculé en tenant compte de la moyenne des chiffres d'affaires sur les trois années précédant l'acquisition du fonds, le chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013 a baissé de 1,86 %, il a cependant augmenté au cours des deux exercices suivants à hauteur, respectivement, de 8,45 % et de 3,32 %, établissant une augmentation moyenne de chiffre d'affaires sur les trois exercices à 3,30. L'administration fiscale a fait les mêmes constats s'agissant des bénéfices que la société a réalisés sur les trois exercices litigieux, établissant la variation de ses bénéfices à + 32,23 %. En tout état de cause, les taux de baisse que la société a obtenus par la mise en œuvre de sa propre méthode ne suffisent pas à établir une dépréciation significative de la valeur de son fonds de commerce. Par ailleurs, la société fait valoir que le maintien de la rentabilité de l'entreprise n'a été rendu possible que par la diminution de la rémunération de la gérante et par l'apport réalisé en compte courant d'un montant de 114 000 euros. Toutefois, si ladite rémunération a été réduite à 10 000 euros en 2013, elle a été fixée à 24 000 euros en 2014, puis à 12 000 euros en 2015 et il n'est pas justifié de la réalité de l'apport allégué. En outre, la société appelante ne saurait utilement se prévaloir, pour justifier la comptabilisation de la dépréciation litigieuse, des conclusions de l'étude réalisée en 2013 par la société financière Interfimo sur la situation des officines comparables situées dans la même région, s'agissant d'une donnée exogène à l'entreprise, ni, pour le même motif des prix de cession de trois officines situées à Marseille. Enfin, elle n'établit pas davantage l'existence d'une dépréciation significative de la valeur de son fonds de commerce en produisant une évaluation du prix de cession de l'officine à 900 000 euros réalisée par le cabinet Pharmacontact, le 10 mai 2013, obtenu en appliquant au chiffre d'affaires annuel un pourcentage, correspondant à une moyenne du prix de cession des officines au niveau national et dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans ces conditions, alors que ni les dispositions invoquées du plan comptable général ni l'avis n° 2002-7 du conseil national de la comptabilité ne divergent de l'interprétation qui est faite de la loi fiscale, c'est à juste titre que l'administration a estimé que la provision litigieuse n'était pas déductible des résultats de la SARL Pharmacie Saint-Lambert.

6. Il résulte de ce qui précède, que la SELARL Pharmacie Saint-Lambert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie Saint-Lambert est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Saint-Lambert et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

2

N° 20MA02775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02775
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP BBLM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-01;20ma02775 ?
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