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28/11/2022 | FRANCE | N°20MA03068

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 novembre 2022, 20MA03068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Corte a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la société Isola et son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à lui verser la somme de 281 795,17 euros en réparation du préjudice lié au défaut d'étanchéité du parking Tufelli de Corte, de condamner M. A... C... à lui verser la somme de 60 384,68 euros en réparation du même préjudice, de condamner la société Apave SudEurope à lui verser la somme de 60 384,68 euros en

réparation du même préjudice.

Par un jugement n° 1800009 du 25 juin 2020, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Corte a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la société Isola et son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à lui verser la somme de 281 795,17 euros en réparation du préjudice lié au défaut d'étanchéité du parking Tufelli de Corte, de condamner M. A... C... à lui verser la somme de 60 384,68 euros en réparation du même préjudice, de condamner la société Apave SudEurope à lui verser la somme de 60 384,68 euros en réparation du même préjudice.

Par un jugement n° 1800009 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 août 2020 et 7 mars 2021, la commune de Corte, représentée par Me Santini-Giovannangeli et Me Giovannangeli, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 25 juin 2020 ;

2°) de condamner la société Isola à lui verser la somme de 281 795,17 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi, de condamner M. A... C... à lui verser la somme de 60 384,68 euros en réparation du même préjudice, de condamner la société Apave SudEurope à lui verser la somme de 60 384,68 euros en réparation de ce même préjudice ;

3°) de désigner un expert afin d'actualiser le montant des travaux d'étanchéité préconisés par l'expert judiciaire et d'en fixer le coût réel à compter du prononcé de l'arrêt ;

4°) de condamner les sociétés Isola, Apave SudEurope et M. A... C... au paiement des frais et honoraires d'expertise à hauteur, respectivement, de 70 %, 15 % et 15 % ;

5°) de mettre à la charge des sociétés Isola, Apave SudEurope et de M. A... C... la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son action sur le fondement des dispositions des articles 1762 et suivants du code civil était irrecevable, faute pour elle de produire le procès-verbal de réception du 27 septembre 2017, mentionné à tort par l'expert chargé par le président du tribunal administratif de Bastia d'apprécier l'étendue des désordres qu'elle a subis à la suite des travaux d'étanchéité pour la construction d'un parking souterrain ;

- l'action en responsabilité décennale des constructeurs n'est pas prescrite quel que soit le point de département retenu, en raison notamment de la suspension de la prescription par l'intervention de deux expertises ;

- la société Isola s'est vu confier pour la construction du parking souterrain dénommé " Tufelli " le lot n° 02 " étanchéité " par acte d'engagement du 3 novembre 2005 ;

- un premier expert a été désigné par le président du tribunal administratif de Bastia et a rendu un rapport le 7 septembre 2010 ; un second expert a été désigné et a rendu son rapport le 14 avril 2017 ; selon les dires du second expert, les désordres constatés, de type généralisés sans qu'ils nécessitent la réfection intégrale du revêtement d'étanchéité, sont dus principalement à un défaut d'étanchéité, la société Isola est responsable à hauteur de 70 % pour ne pas s'être conformée aux stipulations du marché et n'avoir pas respecté les règles de l'art et rempli son obligation de résultat, le maître d'œuvre, M. C... à hauteur de 15 % et la société Apave SudEurope, chargée du contrôle technique à hauteur de 15 % ;

- ce même expert ayant estimé le montant total des dommages à hauteur de 402 564,63 euros correspondant au coût des travaux devant être réalisés pour une parfaite mise hors d'eau du complexe de la toiture terrasse accessible, il y a lieu de condamner les trois responsables à réparer ces dommages à due concurrence du pourcentage évalué par l'expert ;

- et en outre, compte tenu, du fait qu'il s'est écoulé un délai de quatre ans, depuis le dépôt du rapport de l'expert, le 14 avril 2017, elle sollicite la désignation d'un expert avec pour mission de réactualiser le coût du montant des travaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2020, 19 novembre 2020 et 8 avril 2021, la société Apave SudEurope, venant aux droits de la société Cete Apave SudEurope, représentée par Me Marié, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et demande à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner à la garantir de toute condamnation, le maître d'œuvre, la société Bet Berim, la société Isola et la société Petroni et en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Corte et de tous succombants la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le rapport de M. Marquis a été établi sans respect du contradictoire ;

- à titre subsidiaire, elle est fondée à appeler en garantie les intervenants dont la responsabilité est incontestablement engagée, dès lors que le contrôleur technique n'a aucun pouvoir coercitif et qu'il n'est tenu, vis-à-vis des constructeurs, de supporter la réparation des dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge, l'expert s'étant trompé dans la répartition des parts de responsabilité des différents intervenants ;

- le coût des travaux estimé par l'expert est sans commune mesure avec les désordres constatés, alors même que les travaux à entreprendre, et le coût de ces travaux n'ont pas été débattus contradictoirement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la société Isola, représentée par Me Guenot, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner la société Petroni à la garantir de toute condamnation et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Corte la somme de 32 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la nullité du rapport d'expertise de M. Marquis doit être prononcée en raison de l'absence du respect du contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, la société Petroni, représentée par Me Gasquet-Seatelli, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel en garantie de la société Isola et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Isola la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et qu'elle doit être mise hors de cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2020, la société SMABTP, représentée par Me Gasquet-Seatelli, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Corte la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2021, M. A... C..., représenté par Me Vaccarezza, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner à le garantir de toute condamnation la société Apave SudEurope, la société Petroni, le cabinet Berim et la société Isola, et en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Corte la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de tout succombant la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et à titre subsidiaire, il est fondé à appeler en garantie les intervenants et notamment la société Isola et le cabinet Berim, réels responsables du sinistre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, la société Berim, représentée par Me Lacroix, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause, à titre infiniment subsidiaire, à ce que les conclusions indemnitaires de la commune de Corte soient ramenées à de plus justes proportions et demande à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner à la garantir de toute condamnation la société Isola, la société Petroni, M. C... et la société Apave SudEurope, et en tout état de cause, de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner tout succombant aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le jugement du tribunal administratif de Bastia doit être confirmé ;

- à titre subsidiaire, la validité du rapport de M. Marquis doit également être confirmée ;

- aucune responsabilité ne saurait être retenue à son encontre dès lors qu'il s'agit d'un problème d'exécution dont seule la société Isola est responsable ;

- à titre infiniment subsidiaire, le montant du préjudice évalué par l'expert doit être ramené à des plus justes proportions.

Par ordonnance du 28 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Santini Giovannangeli, représentant la commune de Corte, de Me Redding, représentant la société Isola, de Me Labaudre, représentant la société Apave SudEurope, et de Me Xavier, substituant Me Lacroix, représentant la société Berim.

Connaissance prise de la note en délibéré produite pour la commune de Corte, enregistrée au greffe le 18 novembre 2022, et de son rectificatif, enregistré le même jour.

Considérant ce qui suit :

1. En 2004, la commune de Corte a souhaité procéder à la construction d'un parking souterrain dénommé " parking Tufelli " composé de deux niveaux surmontés d'une esplanade ouverte au public. Elle a confié la maîtrise d'œuvre de ce projet à un groupement conjoint constitué de M. A... C..., architecte, et de la société Berim. La société Apave SudEurope est intervenue en qualité de contrôleur technique. La société Isola, assurée par la SMABTP, s'est vu confier le lot n° 02 " étanchéité " tandis que la société SNT Petroni était titulaire du lot n° 01 " gros œuvre / VRD ". Une demande de référé expertise a conduit par ordonnance du 26 avril 2010 à la désignation de M. E..., qui a rendu son rapport le 7 septembre 2010. À la suite d'un évènement pluvieux survenu dans le courant de l'année 2016, une seconde expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal par ordonnance du 17 mai 2016. Le second expert désigné, M. Marquis a remis son rapport le 14 avril 2017. La commune de Corte a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la condamnation des différents constructeurs en cause, ainsi que l'assureur de la société Isola, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des désordres affectant le parking Tufelli. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La commune de Corte fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si la commune de Corte entend remettre en cause la régularité du jugement attaqué en se fondant sur ce que le tribunal n'a pas évoqué la circonstance que son action en responsabilité décennale des constructeurs n'était pas prescrite, un tel moyen tend en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement. Il en va de même de son moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les travaux en cause n'avaient pas fait l'objet d'une réception.

3. En second lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

4. La société Apave SudEurope ne saurait utilement remettre en cause le caractère contradictoire du rapport remis par M. Marquis en se bornant à soutenir que les conclusions de l'expert ont été établies sur certains avis et rapports produits par la commune elle-même, mais qui ne lui auraient été communiqués que postérieurement au dépôt du rapport sans plus de précisions utiles mettant à même la Cour d'apprécier le bien-fondé de son argumentation. La société Isola ne saurait davantage remettre en cause le caractère contradictoire de ce même rapport en se fondant sur la circonstance que le devis qu'elle a établi sur sollicitation de l'expert n'aurait pas été discuté par les parties alors qu'en tout état de cause, il ressort des termes mêmes d'un courrier qu'elle a adressé à l'expert en novembre 2016 que le devis a été diffusé par ce dernier aux parties. Dans ces conditions, il ne peut être reproché aux premiers juges d'avoir pris en compte les dires de l'expert M. Marquis dans le rapport qu'il a remis le 14 avril 2017. Le jugement ne peut donc être regardé comme étant entaché de l'irrégularité alléguée.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

6. En premier lieu, d'une part, l'article 41 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable relatif à la réception stipule que : " 41.1. L'entrepreneur avise à la fois la personne responsable du marché et le maître d'œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. / Le maître d'œuvre procède, l'entrepreneur ayant été convoqué, aux opérations préalables aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui, sauf stipulation différente du C.C.A.P., est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux si cette dernière date est postérieure. / La personne responsable du marché, avisée par le maître d'œuvre de la date de ces opérations, peut y assister ou s'y faire représenter. Le procès-verbal prévu au 2 du présent article mentionne, soit la présence de la personne responsable du marché ou de son représentant, soit, en son absence, le fait que le maître d'œuvre l'avait dûment avisée. / En cas d'absence de l'entrepreneur à ces opérations, il en est fait mention audit procès-verbal et ce procès-verbal lui est alors notifié. / 41.2. Les opérations préalables à la réception comportent : / La reconnaissance des ouvrages exécutés ; / Les épreuves éventuellement prévues par le C.C.A.P. ; / La constatation éventuelle de l'inexécution de prestations prévues au marché ; / La constatation éventuelle d'imperfections ou malfaçons ; / Sauf stipulation différente du C.C.A.P. prévue au 11 de l'article 19, la constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et des lieux ; / Les constatations relatives à l'achèvement des travaux. / Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par l'entrepreneur ; si ce dernier refuse de le signer, il en est fait mention. / Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal, le maître d'oeuvre fait connaître à l'entrepreneur s'il a ou non proposé à la personne responsable du marché de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. ".

7. D'autre part, l'article 46 du cahier des clauses administratives générales applicable relatif à la résiliation stipule que : " [...] 46.2. En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations. / L'établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché au 32 de l'article 13. ".

8. Il résulte de l'instruction qu'en août 2007, la société Isola a été mise en demeure par la commune de Corte de réaliser des travaux d'étanchéité en conformité avec le cahier des charges du marché. A la suite d'une réunion de chantier qui s'est tenue le 11 septembre 2017, un procès-verbal a été établi pour constater la non-conformité des travaux. Dans une note de synthèse du 25 septembre 2007, le maître d'œuvre a indiqué à la commune de Corte que les propositions de reprise de la société Isola ne permettaient pas d'envisager une réception des travaux. Dans ce contexte, la commune de Corte a initié une procédure en vue de résilier le marché, avant d'y renoncer, ainsi que l'attestent les termes du protocole transactionnel signé le 27 février 2009 avec la société Isola. Entretemps, un procès-verbal dénommé " procès-verbal de constat contradictoire conformément à l'article 46.2 du CCAG " avait été dressé le 28 novembre 2007. Mais, ce procès-verbal, pris sur le fondement des stipulations de l'article 46.2 du CCAG, ne saurait constituer une décision de réception des ouvrages au sens de l'article 41 du CCAG travaux alors qu'au demeurant, il n'a été signé que par le seul maître d'œuvre sans mention de l'éventuel refus qu'aurait opposé l'entreprise, contrairement à ce que prévoient les stipulations mentionnées au point 6. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si un procès-verbal du 27 septembre 2007 a été présenté par le premier expert comme étant un procès-verbal de réception, il s'agit en fait d'un procès-verbal établi par huissier de justice lequel se bornait à constater des désordres affectant l'ouvrage et ne saurait valoir procès-verbal de réception des ouvrages au sens de l'article 41 du CCAG Travaux.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Corte a, selon ses propres dires, pris possession de l'ouvrage après " achèvement des travaux ", l'a mis en service en février 2010 et qu'elle a soldé, au cours du même mois, le compte de la société Isola. Il résulte également de l'instruction que le mois précédent, la commune avait fait constater par procès-verbal d'huissier de justice du 7 janvier 2010 d'importants désordres d'étanchéité qui sont apparus et ont affecté l'ouvrage à la suite d'évènements pluvieux conséquents. Dans ces conditions, bien qu'elle ait pris possession de l'ouvrage et se soit acquittée du solde du marché, compte tenu notamment de l'ampleur des désordres alors révélés et donc, de l'ampleur des reprises de malfaçons qui restaient à exécuter, les parties ne peuvent être regardées comme ayant eu la commune intention de procéder à la date du règlement du solde faisant suite à la mise en service de ce parking à une réception tacite.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les travaux en cause n'ont pas été réceptionnés. Aucune réception n'étant intervenue, la responsabilité des constructeurs ne pouvait être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 1792-1 du code civil. Il s'ensuit que la commune de Corte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a jugé que le marché en cause n'avait pas fait l'objet d'une réception et qu'elle n'était pas recevable à invoquer la responsabilité décennale du titulaire du lot n° 02 " Étanchéité ", du maître d'œuvre et du contrôleur technique, faute de réception définitive des travaux mais elle est seulement fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de ses cocontractants.

Sur les appels en garantie :

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la commune de Corte n'étant pas recevable à rechercher la responsabilité décennale des sociétés Isola et Apave SudEurope et de M. C..., il ne saurait être faire droit aux appels en garantie que ces derniers ont introduits. De même, l'appel en garantie formé par le cabinet Berim, membre du groupement de maîtrise d'œuvre avec M. C... et l'appel en garantie formé par la société Petroni, titulaire du lot " Gros œuvres et VRD " ne peuvent qu'être rejetés.

Sur les dépens :

12. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Corte, partie perdante. Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Apave SudEurope et la société Berim sur ce même fondement.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Corte est rejetée.

Article 2 : Les appels en garantie présentés par la société Isola, la société Apave SudEurope, M. C..., la société Berim et la société Petroni sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Apave SudEurope et la société Berim au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Isola, la société Apave SudEurope, M. C..., la société Berim, la société Petroni et la société SMABTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Corte, à la société Apave SudEurope, à M. A... C..., à la société Isola, à la société Berim, à la société SNT Petroni, à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la société Schindler et à la SARL MDL Menuiserie.

Copie en sera transmise à M. B... Marquis et à M. D... E..., experts.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2022.

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No 20MA03068


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