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22/11/2022 | FRANCE | N°20MA04649

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 novembre 2022, 20MA04649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Balci Insurance SE a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement le syndicat mixte de l'Argens et son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) Assurances, à lui verser la somme totale de

214 385 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017, date de la réception de sa demande par les services de ce syndicat.

Par un jugement n° 1704042 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon

a condamné solidairement le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances à verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Balci Insurance SE a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement le syndicat mixte de l'Argens et son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) Assurances, à lui verser la somme totale de

214 385 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017, date de la réception de sa demande par les services de ce syndicat.

Par un jugement n° 1704042 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné solidairement le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances à verser à la société Balcia Insurance SE la somme de 214 385 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2020 et le

12 septembre 2022, le syndicat mixte de l'Argens et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales et des associations, représentées par Me Fel, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 octobre 2020 en tant qu'il a déclaré le syndicat mixte entièrement responsable des dommages subis par le département du Var ;

2°) de rejeter la demande de la société Balcia Insurance SE ;

3°) de mettre à la charge de la société Balcia Insurance SE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité directe entre les dommages causés au pont dont le département du Var est le maître d'ouvrage et l'incendie causé par le feu allumé par les services techniques du syndicat n'est pas établi, la faute commise par le département en n'assurant pas l'entretien de son ouvrage ayant largement contribué à la survenance, à la propagation et à l'aggravation de l'incendie ;

- le département, propriétaire du pont, a manqué à son obligation annuelle d'entretien de l'ouvrage, qui découle de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière et des recommandations de la direction départementale des territoires, les feuillages et branchages coincés sous le pont étant très anciens ;

- cette faute justifie une diminution de l'indemnisation du préjudice subi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er novembre 2021 et le 20 septembre 2022, la société Balcia Insurance SE, société européenne de droit letton, représentée par Me Malan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de ses auteurs, solidairement, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en soutenant que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 septembre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au

23 septembre 2022, à 12 heures puis reportée au 30 septembre 2022 à 12 heures, par ordonnance du 21 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Fel, représentant le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances, et de Me Malan, représentant la société Balcia Insurance SE.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 avril 2012, dans le cadre de travaux d'entretien des berges de la rivière

La Nartuby, des agents du syndicat intercommunal d'aménagement de la Nartuby, intégré, par arrêté préfectoral du 3 octobre 2014, au syndicat mixte de l'Argens, ont allumé un feu, sous le pont de la Clappe, situé sur la route départementale (RD) n° 49, afin de brûler divers végétaux et détritus. Ce feu s'est propagé et a causé un incendie qui a endommagé le pont. Par un jugement du 16 octobre 2020, dont le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances, son assureur, relèvent appel, le tribunal administratif de Toulon les a condamnés solidairement à verser à la société Balcia Insurance SE, subrogée dans les droits du département du Var, son assuré, la somme de 214 385 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du

3 juillet 2017, au titre de l'indemnisation que cette société a accordée au département du Var en réparation des dommages occasionnés par cet incendie au pont de la Clappe.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public. L'entrepreneur dont la responsabilité est recherchée par la victime d'un dommage ne peut dégager celle-ci que s'il établit que le dommage résulte de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité de l'entrepreneur, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

Sur la responsabilité du syndicat mixte :

3. Les travaux réalisés par le syndicat mixte de l'Argens pour assurer l'entretien du cours d'eau La Nartuby et de ses berges, dans l'intérêt général, revêtent le caractère de travaux publics, à l'égard desquels le département du Var, qui a la maîtrise d'ouvrage de la voie départementale n° 49 et du pont de la Clappe qui en relit les parties séparées pour assurer la continuité du passage, a la qualité de tiers. Les dommages causés à ce pont, dans la mesure où ils sont la conséquence directe de l'exécution de ces travaux, sont donc de nature à engager la responsabilité sans faute du syndicat à l'égard du département du Var.

4. Il résulte de l'instruction et il n'est du reste pas contesté, que l'incendie qui a endommagé le 19 avril 2012 le pont de la Clappe, a été communiqué à l'ouvrage par des branchages et feuillages, accumulés sous le pont, qui se sont embrasés à la suite du feu allumé le même jour par des agents du syndicat mixte de l'Argens, sur l'une des berges du cours d'eau

La Nartuby, pour brûler divers végétaux et détritus évacués dans le cadre d'une opération de nettoyage et d'entretien des berges de cette rivière. Contrairement à ce que soutiennent le syndicat et son assureur, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des clichés photographiques joints au rapport préliminaire et d'information " Responsabilité civile ", établi le 11 octobre 2012 par un cabinet d'études à la demande de la SMACL, et faisant apparaître, au 29 mai 2012, " les restes de branchage non consumés après le sinistre ", que les dommages causés au pont par cet incendie constitueraient la conséquence normale de la présence depuis quelque deux années, sous le pont de la Clappe et à proximité du cours d'eau, de feuillages et branchages accumulés sous l'effet de fortes précipitations. Il existe donc un lien de causalité directe entre les travaux publics d'entretien des berges de la Nartuby, réalisés par le syndicat mixte, et les dommages causés au pont de la Clappe, dont le département était fondé à demander au syndicat la réparation. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont déclaré le syndicat mixte responsable de ces conséquences dommageables à l'égard du département et ont jugé fondée la demande de subrogation formée par son assureur contre le syndicat et l'assureur de celui-ci.

Sur la faute de la victime :

5. Aux termes de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département.". L'article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales dispose, dans sa rédaction également applicable aux faits de l'espèce que : " Sont obligatoires pour le département : (...) 16° Les dépenses d'entretien et construction de la voirie départementale ". En application de ces dispositions, le pont de la Clappe relève de la voirie départementale dont le département du Var a l'obligation d'assurer l'entretien.

6. Néanmoins, si pour demander à être exonérés au moins en partie de leur responsabilité, les appelants affirment que les dommages causés au pont de la Clappe trouvent leur origine dans la faute commise par le département, en ne respectant pas son obligation d'entretien annuel et en laissant ainsi s'accumuler feuillages et branchages sous son ouvrage, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la présence de ces végétaux ne peut être regardé comme ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage.

7. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des clichés photographiques accompagnant le rapport préliminaire et d'information " Responsabilité civile " du 11 octobre 2012, que les feuillages et branchages ayant pris feu le 19 avril 2012 se trouvaient aux abords immédiats d'une des piles du pont ou d'un autre de ses éléments constitutifs. Le syndicat, dont les statuts prévoient qu'il a pour mission la réparation et l'entretien des berges et du lit de la Nartuby, ni son assureur, ne sont ainsi fondés à soutenir qu'en ne remédiant pas à la présence de ces végétaux pendant plus deux années, le département du Var aurait commis une faute de nature à les exonérer même partiellement de leur responsabilité.

Sur le préjudice :

8. Enfin, en demandant à la Cour de prendre en compte, pour déterminer l'indemnité due au département du Var, dans les droits duquel est subrogée la société Balcia Insurance SE, en réparation des dommages matériels causés au pont de la Clappe, la vulnérabilité et la fragilité du pont, sans assortir leur argumentation de précisions quant aux causes et à l'étendue de ces caractéristiques ainsi prêtées à l'ouvrage, les appelants ne mettent pas le juge d'appel à même de se prononcer utilement sur le bien-fondé de leurs prétentions. En tout état de cause, aucun des rapports d'expertise réalisés à la demande des assureurs du syndicat et du département, non plus qu'aucune autre pièce du dossier, n'ont relevé des signes de vulnérabilité ou de fragilité du pont de la Clappe, de nature à exercer une influence sur l'évaluation du préjudice subi par le département, à la somme, non contestée, de 214 385 euros toutes taxes comprises.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon les a condamnés à verser cette somme à la société Balcia Insurance SE, subrogée dans les droits du département du Var, son assuré.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la société Balcia Insurance SE qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, au titre des frais exposés par le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL Assurances. En revanche, en application de ces dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat mixte et de la SMACL Assurances, solidairement, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Balcia Insurance SE et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat mixte de l'Argens et de la SMACL est rejetée.

Article 2 : Le syndicat mixte de l'Argens et la SMACL verseront solidairement à la société Balcia Insurance SE la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte de l'Argens, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales Assurances et à la société Balcia Insurance SE.

Copie en sera adressée au département du Var.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

N° 20MA046492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04649
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : FEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-22;20ma04649 ?
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