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21/11/2022 | FRANCE | N°21MA00899

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 21 novembre 2022, 21MA00899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et la SARL Finition Rénovation Bâtiment (FI.RE.BAT) ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement la commune de Laragne-Montéglin et le département des Hautes-Alpes à verser à M. B... la somme globale de 74 750,20 euros au principal et à la SARL FI.RE.BAT la somme globale de 10 611,47 euros au principal et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Laragne-Montéglin et au département des Hautes-Alpes de réaliser les travaux mettant fin aux dégradati

ons, dégâts et préjudices qu'ils subissent.

Par un jugement n°1709023 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et la SARL Finition Rénovation Bâtiment (FI.RE.BAT) ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement la commune de Laragne-Montéglin et le département des Hautes-Alpes à verser à M. B... la somme globale de 74 750,20 euros au principal et à la SARL FI.RE.BAT la somme globale de 10 611,47 euros au principal et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Laragne-Montéglin et au département des Hautes-Alpes de réaliser les travaux mettant fin aux dégradations, dégâts et préjudices qu'ils subissent.

Par un jugement n°1709023 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a condamné la commune de Laragne-Montéglin à verser à M. B... la somme de 2 488 euros au principal et a enjoint à la commune de Laragne-Montéglin de réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise du 3 août 2016, d'autre part, a prononcé la mise hors de cause du département des Hautes-Alpes, de la SARL Sud assistance voirie et de la SAS Edmond Polder et enfin a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 11 221,10 euros à la charge définitive de la commune de Laragne-Montéglin puis rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars 2021 et 29 avril 2022, M. A... B... et la SARL Finition Rénovation Bâtiment (FI.RE.BAT), représentés par Me Gaulmin, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2021 en tant qu'il a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la commune de Laragne-Montéglin ;

2°) de condamner la commune de Laragne-Montéglin à verser à M. A... B... la somme globale de 75 472 euros et à la SARL FI.RE.BAT la somme de 3 375 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2017 avec capitalisation des intérêts à compter du 18 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Laragne-Montéglin de supprimer le ralentisseur litigieux et de rétablir la configuration des voies d'origine ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Laragne-Montéglin la somme globale de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 3 000 euros en cause d'appel.

Ils soutiennent que :

- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, la responsabilité de la commune est engagée en sa qualité de maître de l'ouvrage à l'origine des dommages constatés sur la propriété de M. B... ;

- ces dommages ne se limitent pas aux fissures apparues sur les façades sud et nord du bâtiment, l'aggravation du vieillissement de la balustrade nord et aux dégâts des eaux ;

- l'ensemble des désordres trouve son origine dans la réalisation des travaux publics litigieux, notamment les fissures sur le carrelage de la terrasse et les infiltrations sous la terrasse, qui provoquent des dégâts des eaux et des nuisances olfactives ;

- aucun coefficient de vétusté ne saurait être appliqué en l'espèce, dès lors que les fissures n'étaient pas préexistantes aux travaux de voirie ;

- M. B... est fondé à solliciter les sommes de 4 020 euros (soit 2 680 euros pour la façade sud et 1 340 euros pour la façade nord) et 940 euros au titre des travaux de réparations des fissures affectant les façades et de la balustrade ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- il est également fondé à solliciter les sommes de 11 867 euros au titre de la remise en état du carrelage de la terrasse et de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la durée de ces travaux, les sommes de 29 278 euros au titre des réparations de la terrasse extérieure, de la rénovation des façades et du local atelier et chambre et de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance et des troubles dans les conditions d'existence résultant de ces désordres et de la durée des travaux nécessaires pour y remédier, la somme de 4 867 euros au titre des préjudices de dégâts sur véhicules depuis 2013 ;

- M. B... subit également, du fait de la présence de la rampe du ralentisseur au droit de sa propriété, des nuisances sonores et olfactives constitutives d'un préjudice anormal et spécial ; il est fondé à solliciter à ce titre la somme de 3 000 euros ;

- la SARL FI.RE. BAT, qui occupe le rez-de-chaussée de l'immeuble, au titre de son siège social et de ses entrepôts et ateliers, est fondée à solliciter la somme de 3 375 euros en réparation des travaux de réfection du trottoir qu'elle a dû entreprendre ;

- la persistance des nuisances subies par M. B... liées à la présence du ralentisseur nécessite la suppression de ce dernier, dont l'implantation est illégale.

Par des mémoires, enregistrés les 18 juin 2021 et 22 juin 2022, la SAS Edmond Polder, représentée par Me Guillet de la SELARL Provansal Avocats Associés, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement du 8 janvier 2021 en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations qui pourraient être mises à sa charge à 1% du montant total ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Laragne-Montéglin la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa mise hors de cause doit être confirmée, la commune ayant réceptionné sans réserve le 3 avril 2014 les travaux qu'elle a réalisés ;

- sa responsabilité ne peut être engagée à raison de ces travaux, dès lors que les désordres constatés ne lui sont en tout état de cause pas imputables et qu'elle n'a commis aucune faute dans leur réalisation.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2021, le département des Hautes-Alpes, représenté par Me Phelip, conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause ;

2°) à la limitation du montant des condamnations ;

3°) à la condamnation de la commune de Laragne-Montéglin à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à ce que soit mise à la charge solidaire de M. B... et de la SARL FI.RE.BAT la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a prononcé sa mise hors de cause ; n'étant ni maître d'ouvrage, ni maître d'œuvre des travaux réalisés, sa responsabilité ne peut être engagée ;

- sa responsabilité ne peut être engagée à raison des dommages qui résulteraient de la création de places de stationnement par la commune sur son domaine public ;

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi compte tenu de l'ancienneté du bâtiment et de son défaut d'entretien ;

- les nuisances sonores et olfactives alléguées ne sont pas établies ;

- à supposer que la responsabilité de la collectivité soit retenue, les montants sollicités par les requérants à titre de réparation doivent être revus à la baisse compte tenu notamment de la vétusté du bâtiment ;

- la commune ayant réalisé les travaux litigieux, il est fondé à demander à ce qu'elle le garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2022, la commune de Laragne-Montéglin, représentée par la SCP de Angelis - Semidei - Vuillquez - Habart-Melki - Bardon - de Angelis, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... la somme globale de 2 488 euros au principal et a mis à sa charge les frais d'expertise à hauteur de 11 221, 10 euros ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder la garantissent solidairement de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à la condamnation de la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder à lui rembourser les sommes engagées pour réparer l'ouvrage de manière à supprimer les rétentions d'eau ;

4°) à ce que soit mise à la charge de M. B... ou de tout succombant la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les ruissellements en sous-sol dans l'immeuble du requérant ayant pour origine une mauvaise conception de ses ouvrages d'infrastructures, les dommages dont il demande la réparation ne sont donc pas imputables à la commune ;

- l'expert ne retenant qu'une légère aggravation des fissures en façades du bâtiment, elle ne peut être regardée comme responsable des dommages allégués ;

- les fissures Nord en terrasse ne sont pas la conséquence des travaux réalisés, ainsi que le relève l'expert ;

- la fragilité de la balustrade est due en partie au vieillissement de la structure et le préjudice résultant éventuellement de la réalisation des travaux ne peut excéder la somme de 470 euros ;

- la réalité de nuisances sonores n'est pas établie ;

- les préjudices invoqués par la SARL FI.RE.BAT ne sont pas établis ;

- elle est fondée à demander que la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre, sur le fondement de la garantie décennale ; les travaux entrepris qui créent une rétention des eaux pluviales rendent l'ouvrage impropre à sa destination et causent des dommages aux tiers ;

- elle est également fondée à demander que la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder soient condamnées, sur le fondement de la garantie décennale à lui rembourser les sommes engagées pour réaliser les travaux de nature à éliminer les stagnations d'eau recommandés par l'expert judiciaire.

Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2022, la SARL Sud assistance voirie, représentée par Me Reina, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du 8 janvier 2021 en tant qu'il a prononcé sa mise hors de cause et au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la commune de Laragne-Montéglin ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de l'ensemble des demandes de M. B... et de la SARL FI.RE.BAT et à la condamnation de la SAS Edmond Polder à la garantir d'une partie de la condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Laragne-Montéglin ou de tout autre succombant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les ouvrages dont la réalisation lui a été confiée ont été réceptionnés sans réserve le 21 août 2013 ; dès lors la commune de Laragne-Montéglin n'est pas fondée à solliciter l'engagement de sa responsabilité ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre les dommages invoqués et les travaux de voirie réalisés par la commune ;

- elle n'a pris aucune part dans les travaux à l'origine des désordres retenus par l'expert ;

- les préjudices invoqués ne sont pas justifiés ;

- la demande de suppression de l'ouvrage présentée par M. B... n'est pas fondée.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la commune de Laragne-Montéglin à l'encontre de la SARL Sud assistance voirie et de la SAS Edmond Polder sur le fondement de la garantie décennale, soulevées pour la première fois en appel.

Vu :

- l'ordonnance de référé expertise n° 1503111 du 6 juillet 2015 ;

- le rapport d'expertise du 3 août 2016 enregistré le 21 septembre 2016 ;

- l'ordonnance du 26 octobre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 11 221,10 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Gaulmin représentant M. B... et la SARL FI.RE.BAT, les observations de Me Dejardin représentant la SAS Edmond Polder et les observations de Me D'Emmanuel représentant la SARL Sud assistance voirie.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'un immeuble situé 18 avenue de Grenoble à Laragne-Montéglin, constituant sa résidence et hébergeant le siège social de la SARL FI.RE.BAT dont il est le gérant. A la suite des travaux d'aménagement d'une plateforme multimodale au carrefour Paul Lieuter, située sur la route départementale 1075, et de réalisation de places de stationnement à proximité de l'immeuble de M. B..., ce dernier a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de désigner un expert afin de déterminer la nature, la cause et l'étendue des désordres affectant sa propriété, qu'il attribue à ces travaux. Par une ordonnance du 6 juillet 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a désigné un expert, lequel a déposé le 21 septembre 2016 son rapport du 3 août 2016. M. B... et la SARL Finition Rénovation Bâtiment (FI.RE.BAT) ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement la commune de Laragne-Montéglin et le département des Hautes-Alpes à verser à M. B... la somme globale de 74 750,20 euros au principal et à la SARL FI.RE.BAT la somme globale de 10 611,47 euros au principal et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Laragne-Montéglin et au département des Hautes-Alpes de réaliser les travaux mettant fin aux dégradations, dégâts et préjudices qu'ils subissent. Par un jugement du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la commune de Laragne-Montéglin à verser à M. B... la somme de 2 488 euros au principal et a enjoint à la commune de Laragne-Montéglin de réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise du 3 août 2016, d'autre part, a prononcé la mise hors de cause du département des Hautes-Alpes, de la SARL Sud assistance voirie et de la SAS Edmond Polder et enfin a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 11 221,10 euros à la charge définitive de la commune de Laragne-Montéglin puis rejeté le surplus des conclusions des parties. M. B... et la SARL relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la commune de Laragne-Montéglin. Par la voie de l'appel incident, la commune de Laragne-Montéglin relève appel de ce jugement, à titre principal, en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... la somme globale de 2 488 euros au principal et a mis à sa charge les frais d'expertise à hauteur de 11 221, 10 euros et, à titre subsidiaire, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder la garantissent solidairement de toute condamnation prononcée à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. D'autre part, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert déposé le 21 septembre 2016, que les travaux d'aménagement du parking adjacent à l'immeuble appartenant à M. B..., effectués pour le compte de la commune de Laragne-Montéglin, ont entraîné, par les vibrations qu'ils ont provoquées, une légère réouverture d'anciennes fissures existantes sur la façade Nord et un vieillissement accéléré de la balustrade Nord de cet immeuble. Il résulte également de l'instruction que les travaux d'aménagement de la plateforme multimodale située sur la route départementale 1075, effectués pour le compte de la commune de Laragne-Montéglin, ont entraîné, du fait de la création d'un plateau surélevé sur cette route occasionnant une stagnation des eaux pluviales sur la chaussée et la projection de ces eaux par le trafic routier, un vieillissement accéléré de la façade Sud de l'immeuble appartenant à M. B... et des venues d'eau au rez-de-chaussée du bâtiment. Par suite, la responsabilité de la commune de Laragne-Montéglin, maître d'ouvrage des travaux en cause, est engagée à raison du vieillissement accéléré des façades Sud et Nord et de la balustrade Nord de l'immeuble ainsi que des dégâts des eaux au rez-de-chaussée de l'immeuble, sans qu'elle puisse utilement faire valoir, pour dégager ou atténuer sa responsabilité, que ces dommages sont pour l'essentiel dus à l'état antérieur de l'immeuble.

5. Si M. B... sollicite également la réparation des dommages qu'ont occasionné les dégâts des eaux survenus dans les pièces situées au sous-sol de l'immeuble, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné, que les ruissellements d'eau en sous-sol ont pour unique cause l'ouverture d'un soupirail sur le trottoir, sans création d'un système adapté pour évacuer les eaux pluviales. Les travaux d'aménagement de la plateforme multimodale située sur la route départementale 1075, qui n'entraînent qu'" un simple phénomène de flaques et de projections [d'eau] par la circulation des véhicules " sur la façade Sud de l'immeuble aux termes du rapport précité, ne présentent, dès lors, pas de lien direct et certain avec les dégâts des eaux dont se plaignent les requérants. Si M. B... se prévaut également de dommages affectant

le carrelage de sa terrasse et d'infiltrations sous cette terrasse, il résulte toutefois de l'instruction que ces désordres ont pour origine exclusive l'absence de système d'étanchéité mis en œuvre sous cette dernière. Il résulte également de l'instruction que les nuisances olfactives dont se plaint M. B... proviennent de son réseau privatif d'égouts et ne présentent aucun rapport possible avec les travaux de voirie effectués pour la commune de Laragne-Montéglon. Enfin, les nuisances sonores alléguées par les requérants en lien avec la réalisation du plateau ralentisseur ne sont pas établies, le rapport effectué par la société SEGED en octobre 2013 faisant état d'une diminution moyenne des nuisances sonores liées à la circulation automobile sur la route départementale 1075. Enfin, si la SARL FI. RE. BAT se prévaut, pour la première fois en appel, de dommages causés aux véhicules stationnés en face de l'immeuble appartenant à M. B..., qui seraient selon elle la conséquence de l'implantation du plateau surélévé sur la route départementale 1075, le constat d'huissier qu'elle produit ne permet nullement d'établir le lien de causalité allégué entre l'ouvrage public et les dégâts subis par ces véhicules. Dans ces conditions, la responsabilité de la commune de Laragne-Montéglin ne saurait être engagée au titre des dommages invoqués par M. B... et la SARL FI.RE.BAT, autres que ceux retenus au point précédent.

En ce qui concerne les préjudices :

6. Le montant des travaux de réparation des façades Sud et Nord et celui des travaux de consolidation de la balustrade Nord de l'immeuble ont été évalués par l'expert aux sommes respectives et non contestées de 4 020 euros et 940 euros. Comme indiqué au point 3, il y a lieu de tenir compte de la fragilité de la construction relevée par l'expert et qui n'est pas utilement contestée par le requérant pour évaluer le montant du préjudice indemnisable et de laisser ainsi à la charge de M. B... 70 % du coût de ces réparations. Contrairement à ce que soutient ce dernier, il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation de ces travaux sur les façades extérieures et la balustrade Nord de son immeuble, qu'il lui aurait fallu de toute façon réaliser à brève échéance eu égard à l'état antérieur de celui-ci, entraînerait un préjudice de jouissance susceptible d'être mis à la charge de la commune de Laragne-Montéglin. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, le préjudice subi par M. B... à raison du vieillissement accéléré des façades Sud et Nord et de la balustrade Nord de l'immeuble dont il est propriétaire doit être évalué à la somme de 1 488 euros.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la création du plateau surélevé a entraîné des projections d'eau occasionnant des dégâts des eaux au rez-de-chaussée de l'immeuble de M. B.... Il résulte de l'instruction, en particulier du bail commercial conclu entre M. B... et la SARL FI.RE.BAT produit pour la première fois en appel, que cette société occupe l'intégralité du rez-de-chaussée de cet immeuble. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à solliciter pour son propre compte la réparation d'un préjudice de jouissance lié à ces dégâts des eaux. Si la SARL FI. RE. BAT sollicite la somme de 3 375 euros en réparation des travaux de nettoyage qu'auraient entraîné ces dégâts des eaux, elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, du montant des frais exposés. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la SARL FI. RE BAT du fait des travaux de nettoyage engendrés par ces dégâts des eaux, dont la réalité est attestée tant par le rapport d'expertise que par les photographies produites par les requérants, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

8. Si M. B... sollicite également l'indemnisation des préjudices liés aux fissures sur le carrelage de la terrasse, aux infiltrations sous la terrasse, aux nuisances sonores et olfactives et aux dégâts occasionnés aux véhicules de la SARL FI. RE. BAT, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'est pas fondé à demander réparation de ces préjudices, en l'absence de lien de causalité entre ces derniers et les travaux publics effectués pour le compte de la commune de Laragne-Montéglin.

9. Enfin, ainsi que l'a jugé le tribunal, si les requérants font valoir qu'ils ont dû procéder à des travaux de réfection du trottoir et sollicitent à ce titre la somme de 3 973 euros en remboursement des frais qu'ils ont engagés, ils ne justifient aucunement du préjudice allégué qui correspondrait, au demeurant, à des travaux réalisés, sans autorisation, en lieu et place de la commune.

10. Il résulte de ce qui précède que la condamnation de la commune de Laragne-Montéglin au profit de M. B... doit être réduite à la somme de 1 488 euros et qu'il y a lieu de condamner la commune à verser la somme de 1 000 euros à la SARL. FI.RE. BAT.

En ce qui concerne les intérêts :

11. M. B... et la SARL FI. RE. BAT ont droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités respectives de 1 488 euros et de 1 000 euros que la commune de Laragne-Montéglin est condamnée à leur verser, à compter du 17 septembre 2017, date de réception de leur demande indemnitaire par la commune de Laragne-Montéglin, avec capitalisation à compter du 18 septembre 2018.

12. Dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, le juge administratif peut être saisi, en complément de conclusions indemnitaires, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets.

13. Il ne résulte pas de l'instruction que la suppression du plateau de ralentissement qui, contrairement à ce que soutient M. B..., ne constitue pas un ralentisseur de type dos d'âne ou de type trapézoïdal dont l'implantation est interdite sur certaines voies par le décret du 27 mai 1994, soit nécessaire pour prévenir la survenance de nouveaux désordres.

14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... et la SARL FI. RE. BAT tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de supprimer le ralentisseur litigieux et de rétablir la configuration des voies d'origine doivent être rejetées.

Sur les appels en garantie :

15. Devant le tribunal administratif de Marseille, la commune de Laragne-Montéglin s'était bornée à invoquer la responsabilité contractuelle des constructeurs. Les conclusions d'appel en garantie qu'elle présente en appel contre la SARL Sud assistance voirie et la SAS Edmond Polder sont fondées sur la garantie décennale des constructeurs. Faute pour la commune d'avoir invoqué cette cause juridique devant le tribunal administratif, ces conclusions présentent le caractère d'une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables. Elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

16. La commune de Laragne-Montéglin est la partie perdante dans la présente instance. En l'absence de circonstances particulières justifiant que ceux-ci soient mis à la charge d'une autre partie, il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à sa charge la totalité des frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 221,10 euros par une ordonnance du 26 octobre 2016 du président du tribunal administratif de Nice.

Sur les frais du litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Laragne-Montéglin le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance par M. B... et la SARL FI. RE. BAT et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. B... et la SARL FI. RE. BAT au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Laragne-Montéglin le versement de la somme de 1 000 euros chacune à la SARL Sud assistance voirie et à la SAS Edmond Polder, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit à la demande présentée par le département des Hautes-Alpes à ce titre. Enfin, les conclusions présentées par la commune de Laragne-Montéglin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La somme que la commune de Laragne-Montéglin est condamnée à verser à M. B... est réduite à la somme de 1 488 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2017. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 18 septembre 2018 et à chaque échéance annuelle.

Article 2 : La commune de Laragne-Montéglin versera à la SARL FI.RE.BAT la somme de 1 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2017. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 18 septembre 2018 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Laragne-Montéglin versera à M. B... et à la SARL FI. RE. BAT la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Laragne-Montéglin versera à la SAS Edmond Polder la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La commune de Laragne-Montéglin versera à la SARL Sud assistance voirie la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., à la SARL FI.RE.BAT, à la commune de Laragne-Montéglin, au département des Hautes-Alpes, à la société Sud assistance voirie et à la SAS Edmond Polder.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2022.

N°21MA00899 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00899
Date de la décision : 21/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-21;21ma00899 ?
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