La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°20MA02787

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 20MA02787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le maire de Collobrières a constaté la péremption du permis de construire délivré le 7 janvier 2010 et transféré le 28 janvier 2014 à M. A... pour des travaux de rénovation d'une construction à l'état de ruine à usage d'habitation sur un terrain situé au lieudit " Les Grés " et cadastré section H n° 311 sur le territoire communal et ensemble la décision implicite du maire rejetant son

recours gracieux du 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1801312 du 23 juin 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le maire de Collobrières a constaté la péremption du permis de construire délivré le 7 janvier 2010 et transféré le 28 janvier 2014 à M. A... pour des travaux de rénovation d'une construction à l'état de ruine à usage d'habitation sur un terrain situé au lieudit " Les Grés " et cadastré section H n° 311 sur le territoire communal et ensemble la décision implicite du maire rejetant son recours gracieux du 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1801312 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 août 2020 et le 29 mars 2021, M. A..., représenté par Me Balestra, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler ces décisions du maire de Collobrières ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise aux fins notamment de décrire les travaux effectués depuis l'année 2014 à ce jour et leur état d'avancement ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Collobrières la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le permis de construire dont il est devenu titulaire n'était pas périmé à la date de la décision attaquée, compte tenu de l'application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, de l'article 1er du décret du 29 décembre 2014 et de l'article 7 du décret du 5 janvier 2016 ;

- c'est à la commune d'établir que les travaux autorisés ont été interrompus pendant au moins un an ;

- la preuve est rapportée de l'absence d'interruption des travaux litigieux pendant plus d'un an à compter du 6 janvier 2014 ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

- les nouveaux motifs invoqués par la commune de Collobrières manquent en fait.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2021, la commune de Collobrières, représentée par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- les nouveaux motifs tirés de ce que les travaux autorisés n'ont pas commencé dans le délai imparti et de l'absence de travaux pendant plus d'un an entre 2017 et 2019 peuvent être substitués au motif initial de la décision attaquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;

- le décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 ;

- le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Jebrayel, représentant M. A..., et de Me Piquet, représentant la commune de Collobrières.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 28 janvier 2014, le maire de Collobrières a transféré à M. A... un permis de construire, valant permis de démolir, délivré le 7 janvier 2010 en vue de la réhabilitation d'une habitation existante et de la construction d'un garage sur un terrain situé au lieudit " Les Grés ", cadastré section H n° 311, ce permis ayant été prorogé d'un an le 27 novembre 2012, soit jusqu'au 7 janvier 2014. M. A... relève appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le maire de Collobrières a constaté la péremption de ce permis de construire et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable aux permis de construire en cours de validité à la date de son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne par le décret du 5 janvier 2016.

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d'aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable : " Par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2015 est porté à trois ans. (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication. / Lorsque ces autorisations ont fait l'objet, avant cette date, d'une prorogation dans les conditions définies aux articles R. 424-21 à R. 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d'un an. ". Il résulte de l'article 7 du décret du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d'urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l'application du droit des sols et à la fiscalité associée que, en ce qui concerne les permis de construire ayant fait l'objet avant la date de publication de ce décret d'une prorogation dans les conditions définies aux articles R. 424-21 à R. 424-23 du code de l'urbanisme, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d'un an.

5. Contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions citées au point 4 n'ont pas eu pour effet de majorer à nouveau d'un an le délai imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme pour commencer les travaux autorisés par un permis de construire lorsque ce délai a déjà fait l'objet d'une prolongation en application de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008. Par suite, le délai de validité du permis de construire délivré le 7 janvier 2010, notifié le 11 janvier suivant, et transféré ultérieurement au requérant ayant été majoré d'un an par l'effet de ces dernières dispositions et ayant été prorogé d'un an sur le fondement de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme, a expiré le 11 janvier 2014.

6. Il ressort des pièces du dossier que le courrier adressé le 24 octobre 2017 par le maire de Collobrières à M. A... constatant la péremption du permis de construire dont ce dernier était titulaire se borne à mentionner, sur ce point, que les travaux autorisés ont été interrompus pendant un délai supérieur à une année, sans se référer à une période précise. La commune fait valoir en appel comme en première instance que les pièces produites par M. A... ne démontrent pas que l'intéressé a réalisé des travaux entre le 6 janvier 2014 et le 5 mars 2015. Elle ne s'est cependant prévalue elle-même, ni avant la procédure contentieuse, ni au cours de celle-ci, d'un constat d'huissier effectué à sa demande ou d'un procès-verbal établi par l'un de ses agents, ni d'aucun autre élément tel que des attestations de voisins du terrain, relevant l'absence d'activité sur le chantier. Le constat d'huissier effectué à la demande du requérant le 6 janvier 2014 porte sur des travaux d'évacuation de matériaux et de gravats et de confortement des poutres du plancher, qui peuvent être regardés comme des travaux significatifs portant sur la réhabilitation de la construction existante fortement dégradée, objet du permis de construire. Un constat d'huissier a été réalisé à sa demande le 20 décembre 2017 qui reproduit des photographies numériques présentées par le requérant, dont l'une, datée du 5 mars 2015, représente un terrassement effectué devant la maison et la mise en place des échafaudages. M. A..., qui avait acquis son bien par acte du 3 janvier 2014 et qui expose qu'il a effectué les travaux seuls ou avec l'aide de ses deux fils, précise qu'au cours de l'année 2014, il a procédé à la mise en sécurité du chantier et à la réparation provisoire de la toiture, au terrassement d'une piste de 200 m de longueur, au creusement d'une tranchée destinée aux réseaux d'eau et d'électricité. Il a joint les photographies datées faites au moment de ces travaux. La commune de Collobrières, qui se borne à contester la valeur probante de la datation de ces photographies, n'apporte, ainsi qu'il a été dit, aucun élément de nature à contredire utilement ces pièces. Dans ces conditions, c'est à tort que son maire a estimé que le permis de construire litigieux était périmé au motif que les travaux avaient été interrompus entre le 6 janvier 2014 et le 5 mars 2015.

7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. La commune de Collobrières fait valoir un nouveau motif tiré de ce que le permis de construire dont M. A... était titulaire est frappé de péremption dès lors que les travaux n'ont pas été entrepris dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, qui expirait en l'espèce le 11 janvier 2014, ainsi qu'il a été exposé au point 5. Il résulte du constat d'huissier effectué le 6 janvier 2014 à la demande du requérant que des travaux d'évacuation de matériaux et de gravats et de confortement des poutres du plancher étaient effectués ce jour-là et qu'une bétonnière était présente sur le chantier. En dépit de la lenteur de leur avancée, ces travaux indispensables et significatifs ne peuvent être regardés comme n'ayant eu pour but que de faire échec à la péremption du permis. La commune de Collobrières ne fait état d'aucun constat d'huissier ou de procès-verbal, ni d'aucun autre élément, qui auraient été effectués à son initiative de nature à remettre en cause les éléments apportés par M. A.... Par suite, ce motif ne peut être substitué au motif initial sur lequel est fondé le courrier du 24 octobre 2017.

9. Si la commune fait également valoir un autre motif tiré de l'interruption des travaux autorisés par le permis de construire litigieux entre le 3 novembre 2017 et le 2 mai 2019, date des photographies reproduites par deux constats d'huissier effectués à la demande de M. A..., ce motif, qui se rapporte à des circonstances postérieures à la décision attaquée du 24 octobre 2017, n'est pas davantage de nature à la fonder légalement et à être substitué au motif initial.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que des décisions en litige.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Collobrières demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Collobrières une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 juin 2020, la décision du maire de Collobrières du 24 octobre 2017 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... sont annulés.

Article 2 : La commune de Collobrières versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Collobrières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Collobrières.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

N° 20MA02787 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02787
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-04-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Péremption.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-17;20ma02787 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award