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14/11/2022 | FRANCE | N°22MA00671

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 14 novembre 2022, 22MA00671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2106719 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, Mme C..., représen

tée par Me Youchenko, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 2 décembre 2021 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2106719 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, Mme C..., représentée par Me Youchenko, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 2 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée, vie familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le titre de séjour :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en l'absence de mention des " éléments de procédures " portée dans l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur lequel le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

- cette absence a revêtu une incidence sur le sens de la décision prise par l'autorité préfectorale et l'a privée d'une garantie ;

- la différence des mentions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur un document qui est censé être unique ainsi que le fait que la signature du docteur A... soit inversée sont de nature à faire naître un doute sur la fiabilité de la signature électronique et sur le respect des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour alors que sa pathologie cardiaque revêt un caractère de gravité et nécessite des explorations et un traitement, réalisables seulement en France ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône s'est simplement borné à reprendre les termes de l'avis du collège des médecins de l'OFII pour en déduire directement, sans exercer son pouvoir d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- la décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 30 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er août 2022.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 7 novembre 1989, a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".

3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; /c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, qui indique que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne " les éléments de procédure ", vise ainsi l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6.

6. Il est constant que l'avis du collège des médecins du 15 mars 2021 ne précise ni que Mme C... aurait été convoquée par le médecin ou par le collège ni qu'elle ne l'aurait pas été. Néanmoins, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressée a été convoquée par le médecin rapporteur devant établir un rapport médical confidentiel à l'attention du collège des médecins chargé de rendre un avis et qu'elle ne s'est pas rendue à la convocation sans que les raisons de cette absence de présentation à ladite convocation ne soient clairement établies par l'administration, le rapport médical confidentiel rédigé dans le cadre de l'instruction de son dossier portant, sur ce point, des mentions contradictoires " Ne s'est pas présentée à la convocation médicale pour raison familiale " et " Convocation médicale retournée Ofii pour mauvaise adresse ".

7. Dans ces conditions, la requérante ayant été privée de la possibilité de faire part au médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'éléments susceptibles d'exercer une influence sur l'avis rendu par le collège des médecins, la décision par laquelle ce dernier a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête. Par suite, il y a lieu également d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2021 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

10. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la situation de Mme C... et la prise d'une nouvelle décision à l'issue d'une procédure régulière. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Youchenko, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Youchenko de la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 15 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône et le jugement du 2 décembre 2021 rendu par le tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Youchenko une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Youchenko.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2022.

2

No 22MA00671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00671
Date de la décision : 14/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-14;22ma00671 ?
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