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31/10/2022 | FRANCE | N°20MA00590

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 octobre 2022, 20MA00590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de canalisations Atlantique Méditerranée travaux publics (SCAM TP) a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise pour la commune de Causse-de-la-Selle le 7 février 2018 d'un montant de 65 566,25 euros, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et d'enjoindre au centre des finances publiques (trésorerie des Matelles) et à la commune de Causse-de-la-Selle de lui restituer la somme de 65 566,25 euros dans le délai d'un mois à compt

er de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de canalisations Atlantique Méditerranée travaux publics (SCAM TP) a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise pour la commune de Causse-de-la-Selle le 7 février 2018 d'un montant de 65 566,25 euros, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et d'enjoindre au centre des finances publiques (trésorerie des Matelles) et à la commune de Causse-de-la-Selle de lui restituer la somme de 65 566,25 euros dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1801641 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février 2020, 13 mars 2020 et 9 mars 2022, la société SCAM TP, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801641 du 12 décembre 2019 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge in solidum de l'Etat et de la commune de Causse-de-la-Selle la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui ne précise pas les articles du code général des collectivités territoriales et du code de justice administrative dont il fait application, est irrégulier ;

- en jugeant que la créance en cause n'était pas définitivement éteinte les premiers juges se sont fondés sur un moyen qu'ils ont relevé d'office tiré de ce qu'à la date de l'émission de l'avis à tiers détenteur intervenue le 7 février 2018, elle ne faisait plus l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire sans le soumettre au contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- faute de déclaration de la créance à son passif alors qu'elle avait été placée en redressement judiciaire, la commune ne pouvait donc plus, en application des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, se prévaloir à son encontre d'aucune créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, lorsqu'ont été émis les deux titres exécutoires du 26 décembre 2011 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la circonstance que la créance en cause n'avait pas été déclarée par la commune à son passif n'était pas de nature à faire obstacle à ce que cette dernière se prévale de cette créance, au motif qu'à la date de l'émission de l'avis à tiers détenteur litigieux, elle ne faisait plus l'objet d'une procédure collective, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce ;

- la somme de 15 225,06 euros correspondant à l'opposition à tiers détenteur contesté a fait l'objet de deux titres exécutoires du 15 février 2010, alors que cette somme n'est visée par aucun des titres exécutoires émis par la commune à son encontre et produits dans la présente instance, en méconnaissance de l'alinéa 1er du 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- la créance invoquée par la commune lui était inopposable pendant l'exécution du plan de continuation dont elle a bénéficié et lui est demeurée inopposable après exécution de ce plan, par application des dispositions précitées de l'article L. 622-26 du code de commerce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, la commune de Causse-de-la-Selle, représentée par la SCP Territoires avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société SCAM TP la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 14 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mai 2022.

Les parties ont été informées, par courrier du 20 septembre 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales (TC, 14 juin 2021, Département du Calvados, n° 4212 ; CE, 6 octobre 2021, Département du Calvados, n° 431711).

Des observations au moyen d'ordre public ont été produites pour la société SCAM TP et communiquées le 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Chatron, représentant la commune de Causse-de-la-Selle.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Causse-de-la-Selle a conclu un contrat pour la facturation des redevances d'assainissement, l'entretien des installations d'assainissement et la prise en charge de l'auto-surveillance de la station, avec la société de canalisation Atlantique Méditerranée travaux publics (SCAM TP), le 11 juillet 2007, pour une durée initialement fixée à trois ans et prolongée pour une année. La SCAM TP a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse, par un jugement du 22 octobre 2010, puis a bénéficié d'un plan de continuation d'activité par jugement du même tribunal en date du 3 mai 2011. La procédure collective a pris fin et l'activité de la SCAM TP a continué. Le 7 février 2018, une opposition à tiers détenteur pour un montant de 65 566,25 euros lui a été adressée en vue du recouvrement des redevances d'assainissement non reversées à la commune au titre des exercices 2009 à 2011. La SCAM TP a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise, à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer cette somme et à ce qu'il soit enjoint au centre des finances publiques (trésorerie des Matelles) et à la commune de Causse-de-la-Selle de lui restituer la somme de 65 566,25 euros sous astreinte. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société SCAM TP fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finance rectificative pour 2017 : " [...] / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / [...] / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. [...] ".

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / [...] / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / [...] / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. ".

4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, sans que puisse être remis en cause devant lui le bien-fondé de la créance, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. La juridiction judiciaire est seule compétente pour statuer sur l'action de la société SCAM TP tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise pour la commune de Causse-de-la-Selle le 7 février 2018 d'un montant de 65 566,25 euros aux redevances d'assainissement non reversées à la commune au titre des exercices 2009 à 2011 et à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer cette somme. Ainsi, le tribunal administratif de Montpellier a admis la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de la société SCAM TP. Dès lors, son jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire.

6. La société SCAM TP conteste l'opposition à tiers détenteur émise pour la commune de Causse-de-la-Selle qui revêt la nature d'un acte de poursuite. Cette action relève, ainsi qu'il vient d'être dit, de la compétence du juge judiciaire, juge de l'exécution. La juridiction administrative étant incompétente pour en connaître, il y a lieu de rejeter la demande de la société SCAM TP.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la société SCAM TP tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 7 février 2018 et à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées pour la société SCAM TP et les conclusions présentées pour la commune de Causse-de-la-Selle sur ce même fondement sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société de canalisations Atlantique Méditerranée travaux publics (SCAM TP), à la commune de Causse-de-la-Selle et au directeur régional des finances publiques de l'Hérault.

Copie en sera adressée au trésorier des Matelles.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2022.

2

N° 20MA00590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00590
Date de la décision : 31/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Existence.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxes ou redevances locales diverses - Redevances d'assainissement.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-31;20ma00590 ?
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