Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme D... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 août 2016 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 1er septembre 2016, de condamner l'Etat à réparer son préjudice financier par le versement d'une somme mensuelle de 701,41 euros à compter du 1er octobre 2016 et jusqu'à sa réintégration, et d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de la réintégrer dans ses fonctions d'adjointe technique de 2ème classe, au besoin par reclassement dans un autre corps.
Par un jugement n° 1603376 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18MA05458 du 14 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie de l'appel de Mme B..., a, d'une part, annulé ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 octobre 2018, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de procéder à sa réintégration à compter du 1er septembre 2016, d'autre part, annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la réintégration juridique de Mme B... à compter du 1er septembre 2016, et de procéder à la reconstitution de sa carrière, incluant, le cas échéant, ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux et, notamment, de ses droits à pension de retraite, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 janvier, 20 août et 11 octobre 2021, et les 14 février, 4 avril et 27 septembre 2022, Mme B..., représentée en dernier lieu par Me Hequet, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de faire assurer l'exécution de l'arrêt de la Cour du 14 janvier 2020 en tant qu'il a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière ;
2°) de prononcer à cet effet une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du premier jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune démarche n'a été engagée par le ministre pour procéder à cette exécution ;
- aucun obstacle juridique ou technique ne s'oppose à cette exécution ;
- elle pouvait parfaitement être reclassée ;
- la résistance abusive de l'Etat justifie le prononcé d'une astreinte.
Par une ordonnance du 18 mai 2022, la présidente de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 18MA05458.
Vu :
- l'arrêt de la Cour n° 18MA05458 du 14 janvier 2020 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-647 du 25 juin 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Hequet, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe technique de 2ème classe à la compagnie CRS 60 de Montfavet, a été reconnue atteinte d'une maladie imputable au service par arrêté du 14 décembre 2012, après avis favorable de la commission de réforme départementale du Vaucluse du 28 novembre 2012. Par arrêté du 25 août 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a prononcé son placement en retraite pour invalidité imputable au service à compter du 1er septembre 2016. Par un arrêt du 14 janvier 2020, la Cour, saisie par Mme B..., a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 octobre 2018, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de procéder à sa réintégration à compter du 1er septembre 2016, d'autre part, annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la réintégration juridique de Mme B... à compter du 1er septembre 2016, et de procéder à la reconstitution de sa carrière, incluant, le cas échéant, ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux et, notamment, de ses droits à pension de retraite, et enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cet arrêt a rejeté le surplus de la requête d'appel de Mme B.... Celle-ci demande à la Cour de faire assurer l'exécution de cet arrêt en tant qu'il a ordonné au ministre de l'intérieur de la réintégrer juridiquement à compter du 1er septembre 2016 et de reconstituer sa carrière.
Sur la demande d'exécution :
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. /Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". L'article L. 911-6 du même code précise que : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. ". Enfin, l'article L. 911-7 de ce code dispose que : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. /Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".
3. D'une part, il résulte certes des dispositions de l'article 1er du décret du 25 juin 2019 portant intégration des fonctionnaires appartenant au corps des adjoints techniques de la police nationale dans le corps des adjoints techniques du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer, que les adjoints techniques de la police nationale, régis par le décret modifié relatif aux dispositions statutaires communes applicables aux corps d'adjoints techniques des administrations de l'Etat, sont intégrés dans le corps des adjoints techniques de l'intérieur et de l'outre-mer régis par ce même décret. Ainsi, à compter de l'entrée en vigueur de ce décret du 25 juin 2019, soit le 1er janvier 2020, Mme B..., qui appartient au corps des adjoints techniques de la police nationale depuis 1992 et qui, par l'effet de l'arrêt de la Cour du 14 janvier 2020, est réputée n'avoir jamais rompu le lien qui l'unit à la fonction publique, a donc intégré celui des adjoints techniques du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer par application de l'article 1er de ce décret.
4. Une telle intégration dans ce corps, qui en vertu des mêmes dispositions de
l'article 1er du décret du 25 juin 2019, s'opère à identité de grade et d'échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans ces échelons, n'est pas de nature à faire obstacle à la réintégration juridique de Mme B... ordonnée par l'arrêt de la Cour du 14 janvier 2020, à compter du 1er septembre 2016. Cette réintégration s'opérera néanmoins dans le corps des adjoints techniques de l'intérieur et de l'outre-mer.
5. D'autre part, il est constant que, tant au cours de la phase administrative d'exécution de l'arrêt du 14 janvier 2020, qu'après l'ouverture par la présidente de la Cour de la phase juridictionnelle de la procédure d'exécution, le ministre de l'intérieur, pourtant invité à produire ses observations sur la demande de Mme B..., n'a livré aucun élément propre à justifier des démarches accomplies pour procéder tant à la réintégration juridique de l'intéressée à compter du 1er septembre 2016 qu'à la reconstitution de sa carrière à partir de cette même date.
6. Il y a donc lieu, afin de faire assurer par le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'exécution complète de l'injonction qui lui a été adressée par l'arrêt du 14 janvier 2020, telle que précisée au point 4 du présent arrêt, de fixer un délai d'exécution et de prononcer une astreinte. Ce délai est fixé à un mois suivant la notification du présent arrêt, au-delà duquel courra une astreinte de 200 euros par jour de retard aussi longtemps que n'auront pas été assurées la réintégration juridique de Mme B... dans les conditions posées au point 4 du présent arrêt et la reconstitution de sa carrière dans les conditions posées par l'arrêt du 14 janvier 2020. La Cour pourra procéder d'office à la liquidation de cette astreinte.
7. En revanche, l'argumentation développée par Mme B... dans le dernier état de ses écritures et relative à son reclassement possible sur l'un des postes disponibles, qui n'accompagne pas des conclusions qui lui seraient propres, est sans incidence sur la solution du litige.
Sur les frais d'instance :
8. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Une astreinte est prononcée contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans le mois suivant la notification du présent arrêt, procédé à la réintégration juridique de Mme B... à compter du 1er septembre 2016 dans les conditions posées au point 4 de l'arrêt et reconstitué sa carrière dans les conditions posées par l'arrêt n° 18MA05458 du 14 janvier 2020. Le taux de cette astreinte est fixé à 200 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
N° 22MA014232