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18/10/2022 | FRANCE | N°20MA03651

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 18 octobre 2022, 20MA03651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1801430, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle la maire du Monêtier-les-Bains l'a suspendue, provisoirement et avec effet immédiat, de ses fonctions de directrice de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier, ainsi que la décision implicite portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains une somme de 2 000 euros en application des di

spositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1801430, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle la maire du Monêtier-les-Bains l'a suspendue, provisoirement et avec effet immédiat, de ses fonctions de directrice de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier, ainsi que la décision implicite portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 1801431, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 26 décembre 2017 par laquelle la maire du Monêtier-les-Bains l'a licenciée sans préavis, ni indemnité, d'autre part, d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions et, enfin, de mettre à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Après avoir procédé à la jonction de ces deux demandes, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement commun nos 1801430, 1801431 du 22 juillet 2020, annulé la décision et l'arrêté de la maire du Monêtier-les-Bains respectivement datés des 24 octobre et 26 décembre 2017, enjoint à la commune du Monêtier-les-Bains de régulariser la situation administrative de Mme A..., en procédant à l'examen de ses droits au titre de la période comprise entre son éviction illégale et la date d'échéance normale de son contrat, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et mis à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 20MA03651, les 22 septembre 2020 et 24 mars 2022, la commune du Monêtier-les-Bains, représentée par Me Saint-Supéry, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est en se méprenant sur l'interprétation des faits et en commettant une erreur de droit que les premiers juges ont considéré qu'aucune présomption de faute grave n'était caractérisée à l'encontre de Mme A... et qu'ils ont, pour ce motif, annulé la décision de sa maire du 24 octobre 2017 portant suspension de cette dernière de ses fonctions de directrice de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier ; en outre, en jugeant qu'elle ne justifiait pas d'un risque de fermeture immédiate de cet établissement ni de l'atteinte portée à la salubrité publique alléguée, les premiers juges ont ajouté un critère d'urgence inédit dans l'appréciation du pouvoir hiérarchique sur l'opportunité de prendre une décision de suspension à l'égard d'un de ses agents et ont ainsi commis une erreur de droit ;

- c'est également en portant une appréciation erronée sur les faits et en commettant une erreur de droit que les premiers juges ont considéré que sa maire avait, par son arrêté du 26 décembre 2017, pris une sanction disproportionnée à l'encontre de Mme A..., que le directeur de la régie municipale des Grands Bains était un membre à part entière du conseil d'exploitation et qu'il ne pouvait ainsi être licencié qu'après délibération du conseil municipal, conformément aux dispositions de l'article R. 2221-5 du code général des collectivités territoriales ;

- saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour rejettera l'intégralité des conclusions des deux demandes de première instance présentées par Mme A... :

- Sur la légalité de la décision du 24 octobre 2017 :

. Mme A... ne saurait valablement prétendre que cette décision révélerait une sanction disciplinaire déguisée ;

. c'est à tort que Mme A... prétend qu'elle n'aurait commis aucune faute d'une gravité suffisante ;

- Sur la légalité de la décision du 26 décembre 2017 :

. ses services ont respecté le délai de convocation à l'entretien préalable prévu à

l'article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ; en tout état de cause, Mme A... a eu le temps nécessaire pour préparer sa défense et prendre connaissance de son dossier individuel avant son entretien ;

. son dossier individuel était complet et ses services ont permis à Mme A... d'avoir accès à l'intégralité de son dossier, conformément aux dispositions de l'article 37 du décret du 15 février 1988 ;

. le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été respectés ;

. c'est à tort que Mme A... prétend que la décision du 26 décembre 2017 serait entachée d'un vice de compétence car elle aurait dû être prise, sur proposition du maire, après délibération du conseil municipal, comme l'imposerait l'article L. 2221-14 du code général des collectivités territoriales ;

. c'est aussi à tort que Mme A... prétend que cette décision serait entachée d'illégalité interne, au motif, inopérant, et de surcroît infondé, que son directeur des services techniques ne pouvait être légalement mis à disposition de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier, et que la sanction de licenciement prononcée à son encontre serait injustifiée et disproportionnée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mars 2021 et 29 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Aldeguer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que le jugement attaqué devra donc être confirmé.

Par une lettre et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 mars et 14 décembre 2021, et le 6 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Aldeguer, demande à la Cour d'enjoindre à la commune du Monêtier-les-Bains de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement attaqué du 22 juillet 2020 en ordonnant à la commune du Monêtier-les-Bains de procéder à l'examen de ses droits au titre de la période comprise entre son éviction illégale et la date d'échéance normale de son contrat fixée au 1er janvier 2020 et à lui verser la somme de 1 500 euros mise à sa charge par les premiers juges, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et de mettre à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains la somme de 2 000 euros à lui verser, au titre de cette demande d'exécution, sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la commune du Monêtier-les-Bains n'a pas exécuté les articles 2 et 3 du jugement attaqué du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille.

Par des mémoires, enregistrés les 16 novembre 2021 et 13 janvier 2022, la commune du Monêtier-les-Bains, représentée par Me Saint-Supéry, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, de surseoir à statuer sur la demande d'exécution du jugement attaqué présentée par Mme A....

Elle fait valoir que :

- elle ne dispose pas des éléments lui permettant de procéder à la régularisation de la situation administrative de Mme A... ;

- elle a déposé une requête, enregistrée sous le n° 22MA00128, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué sur le fondement des articles R. 811-5 et R. 811-6 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 25 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2022, à 12 heures.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés, sous le n° 22MA00128, les 12 janvier et 6 avril 2022, la commune du Monêtier-les-Bains, représentée par Me Saint-Supéry, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2020, à titre principal, en son entier, et, à titre subsidiaire, uniquement en tant qu'il emporte annulation de la décision par laquelle sa maire a licencié Mme A..., et qu'il lui enjoint de régulariser la situation administrative de cette dernière en procédant à l'examen de ses droits au titre de sa période d'éviction.

Elle soutient que :

- ce n'est qu'à l'appui du mémoire susvisé, enregistré le 14 décembre 2021, dans l'instance n° 20MA03651 que Mme A... a présenté des éléments matériels lui permettant d'évaluer le montant des revenus de remplacement qu'elle a perçus durant sa période d'éviction et donc celui de la somme qu'elle pourrait avoir à lui verser au titre de l'exécution du jugement du 22 juillet 2020 ; or, au regard de l'importance de ce montant, et compte tenu du caractère particulièrement sérieux des moyens qu'elle invoque à l'encontre de ce jugement et du risque auquel elle s'exposerait, si ce dernier était exécuté, de perdre définitivement une somme d'argent qui ne devrait pas rester à sa charge s'il devait être annulé, qu'elle a décidé d'assortir son recours au fond d'une requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

- pour ce faire, elle est fondée à se prévaloir, à titre principal, des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, et, à titre subsidiaire, de celles de

l'article R. 811-16 du même code.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 février et 7 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Aldeguer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il appartiendra à la Cour de statuer sur le fond, ce qui rendra inopérante la procédure de sursis à exécution ;

- le jugement litigieux du tribunal administratif de Marseille ayant vocation à être confirmé par la Cour, les conditions posées par les articles R. 811-15 et R. 811-16 ne sont pas réunies.

Par une ordonnance du 14 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces des deux dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Sautereau, substituant Me Saint-Supéry, représentant la commune du Monêtier-les-Bains, et de Me Carmier, substituant Me Aldeguer, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er juillet 2017, Mme A... a été recrutée au sein des services de la commune du Monêtier-les-Bains, par contrat à durée déterminée, en qualité de directrice de l'établissement Les Grands Bains de Monêtier, pour une durée de trente mois. Mais, par une décision du 24 octobre 2017, la maire de cette commune a décidé de la suspendre provisoirement de ses fonctions, avant de prononcer son licenciement, pour motifs disciplinaires, sans préavis, ni indemnité, par un arrêté du 26 décembre 2017. Par la requête susvisée, enregistrée sous le n° 20MA03651, la commune du Monêtier-les-Bains relève appel du jugement du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a principalement, d'une part, annulé tant cette décision du 24 octobre 2017 que cet arrêté du 26 décembre 2017, et, d'autre part, enjoint à cette commune de régulariser la situation administrative de Mme A..., en procédant à l'examen de ses droits au titre de la période comprise entre son éviction ainsi jugée illégale et la date d'échéance normale de son contrat. Tout en concluant au rejet de cette requête, Mme A... demande également à la Cour de prescrire les mesures tendant à assurer l'exécution de ce jugement. Par ailleurs, dans l'instance enregistrée sous le n° 22MA00128, la commune du Monêtier-les-Bains sollicite le sursis à l'exécution de ce même jugement en date du 22 juillet 2020.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées sont présentées par la même commune requérante et sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête au fond enregistrée sous le n° 20MA03651 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2020 :

S'agissant de la légalité de la décision de la maire du Monêtier-les-Bains du 24 octobre 2017 portant suspension provisoire des fonctions de Mme A... :

3. Aux termes de l'article 30 de loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...). / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ". Mais, selon le II de l'article 32 de la même loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, sont applicables aux agents contractuels le chapitre II, l'article 22, l'article 22 ter, l'article 22 quater, l'article 23 bis à l'exception de ses II et III, l'article 24 et le présent chapitre IV, à l'exception de l'article 30. ". Il résulte de ces dernières dispositions que, contrairement à la référence figurant dans l'objet de la décision contestée du 24 octobre 2017, l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, alors en vigueur, est inapplicable à la situation de Mme A... qui était alors un agent contractuel.

4. Cependant, et alors que ni le décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, ni aucun autre texte applicable aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, n'instituent une telle possibilité pour ces agents, les dispositions précitées de l'article 32 de la loi du 13 juillet 1983, éclairées par les travaux parlementaires ayant présidé à leur adoption, n'ont pas eu pour objet et ne sauraient avoir pour effet de mettre un terme à cette possibilité, ouverte même sans texte, pour l'autorité compétente, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige. Cette mesure, lorsqu'elle est prononcée aux fins de préserver l'intérêt du service, est une mesure à caractère conservatoire qui peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

5. En l'espèce, selon les termes de la décision contestée du 24 octobre 2017, Mme A... a été suspendue de ses fonctions, à titre conservatoire et avec effet immédiat, en raison de la perte de confiance de la maire du Monêtier-les-Bains à son égard, suite à ses refus d'obéissance répétés, " au sujet notamment de la situation du responsable des services techniques de l'établissement [Les Grands Bains du Monêtier] ", de manquements à son devoir de loyauté mais aussi à son devoir de réserve et à l'obligation de discrétion professionnelle.

La maire du Monêtier-les-Bains lui reproche également, dans cette même décision, un comportement qui ferait peser un risque sur la continuité du service public mais aussi sur la santé et la salubrité publiques.

6. Toutefois, ainsi qu'il sera dit aux points 10 à 15 ci-dessous, les faits reprochés à Mme A... ne sont pas établis ou, s'ils le sont pour partie, ne sont pas constitutifs d'une faute. Dans ces conditions, ces faits ne présentaient pas, à la date d'édiction de la décision du 24 octobre 2017, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité justifiant qu'une mesure de suspension soit prise à l'encontre de l'intimée. Il s'ensuit qu'en prononçant sa suspension à titre conservatoire, la maire du Monêtier-les-Bains a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune du Monêtier-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de son maire du 24 octobre 2017.

S'agissant de la légalité de l'arrêté de la maire du Monêtier-les-Bains du 26 décembre 2017 portant licenciement de Mme A... :

8. Selon l'article 36 du décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. " L'article 36-1 de ce même décret précise, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704, A).

10. Au cas particulier, pour prononcer, à titre disciplinaire, par l'arrêté contesté du 26 décembre 2017, le licenciement de Mme A... sans préavis, ni indemnité, la maire du Monêtier-les-Bains a repris les griefs ci-dessus énumérés au point 5, qu'elle avait déjà opposés à cette dernière pour décider préalablement de sa suspension provisoire de ses fonctions de directrice de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier.

11. En premier lieu, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la perte de confiance ne revêt pas un caractère fautif, de sorte qu'un tel motif ne peut légalement fonder un licenciement prononcé à l'issue d'une procédure disciplinaire.

12. En deuxième lieu, il est constant qu'à compter du mois d'octobre 2017, concomitamment à la fin de la période d'essai de Mme A..., le directeur des services techniques de la commune du Monêtier-les-Bains, et frère de sa maire, a été nommé, à mi-temps, responsable technique au sein des services de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier.

En sa qualité de directrice de cet établissement, Mme A... a pu exprimer, auprès de la maire et de la directrice générale des services de cette commune, dans des termes certes directs, des réserves sur cette mise à disposition allant jusqu'à affirmer que cette situation pourrait la décrédibiliser et l'empêcher de mener à bien ses propres missions visant à garantir le bon fonctionnement du service, et à regretter le caractère contradictoire des informations verbales dont elle disposait. Toutefois, contrairement à ce que soutient la commune appelante, il n'est pas établi, au vu des pièces versées aux débats, que Mme A... ait, à cette occasion, fait preuve d'irrespect ou qu'elle se soit exprimée dans des termes irrévérencieux, injurieux ou encore diffamants. Il ne ressort pas davantage de ces mêmes pièces que Mme A... aurait refusé d'obéir à une instruction ou à une directive de ses supérieures hiérarchiques, et, en particulier, de la maire du Monêtier-les-Bains. Par suite, la matérialité de ces griefs n'est pas établie et ces derniers ne sauraient donc fonder la sanction litigieuse portant licenciement de Mme A... sans préavis, ni indemnité.

13. En troisième lieu, outre les réserves exprimées par Mme A... qui viennent d'être évoquées au point précédent, il ressort des pièces du dossier que cette dernière a sollicité, en vain, par plusieurs courriels adressés à la maire du Monêtier-les-Bains, avec copie à la seule directrice générale des services ou au directeur des services techniques de cette commune, des clarifications sur la place de ce dernier au sein de l'organigramme de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier, sur son positionnement hiérarchique et ses missions exactes, tout en s'interrogeant sur la légalité de sa mise à disposition et sur l'effectivité de ses fonctions. Bien que Mme A... ait réitéré ces demandes devant certains agents de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier, notamment au cours d'un comité de pilotage (COPIL) réuni le 17 octobre 2017, et à supposer même qu'à cette occasion, le public présent en ait eu connaissance, il reste que ces demandes ont été présentées par Mme A... à ses supérieures hiérarchiques directes, dans l'exercice de ses fonctions, qui consistaient notamment, comme elle le rappelle dans son courriel daté du 16 octobre 2017, à assurer une gestion saine et transparente des ressources humaines, mais aussi dans l'intérêt du service afin, en particulier, de prévenir l'établissement et la municipalité d'alors de toute accusation. En outre, et contrairement à ce que soutient la commune appelante, il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que Mme A... aurait dénigré publiquement les consignées données par la maire du Monêtier-les-Bains ou encore qu'elle se serait " violement emportée " en public contre cette dernière. Eu égard aux fonctions de Mme A..., au contexte dans lequel elles ont été sollicitées et au vu de leur finalité, de telles demandes ne peuvent être regardées comme fautives et, en tout état de cause, elles ne constituent pas un manquement à l'obligation de discrétion professionnelle prévue à l'article L. 121-7 du code général de la fonction publique, lequel reprend les anciennes dispositions de l'alinéa 2 de l'article 26 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, au devoir de réserve ou encore au devoir de loyauté.

14. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de Mme A... aurait entraîné des risques pour la continuité du service, la santé et la salubrité publiques, comme allégué par la maire du Monêtier-les-Bains, dans son arrêté contesté du 26 décembre 2017. D'ailleurs, à cet égard, les premiers juges ont relevé à juste titre, que la commune du Monêtier-les-Bains ne démontrait pas de lien entre les démissions de trois agents de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier et le comportement de l'intimée. Il suit de là que la matérialité de ce grief n'est pas établie.

15. En cinquième et dernier lieu, dans son arrêté contesté du 26 décembre 2017, la maire de Monêtier-les-Bains émet des doutes sur la capacité de Mme A... à exercer ses fonctions de directrice de l'établissement Les Grands Bains du Monêtier. Mais, à supposer que ladite maire ait ainsi entendu faire de cette critique un grief, la matérialité de celui-ci ne serait pas davantage établie que le précédent et, en tout état de cause, la seule insuffisance professionnelle d'un agent, en l'absence de mauvaise volonté délibérée ou d'abstention volontaire démontrées, est insusceptible de justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire.

16. Il suit de là que les faits reprochés à Mme A... ne sont pas établis ou, s'ils le sont pour partie, ils ne sont pas constitutifs d'une faute. Ainsi, ils ne sont pas de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de l'intimée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A..., la commune du Monêtier-les-Bains n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué en date du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de sa maire du 26 décembre 2017.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel par Mme A... :

18. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique pas le prononcé d'une injonction autre que celle déjà prononcée par le jugement du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une fois que cet arrêt lui sera notifié, la commune de Monêtier-les-Bains pourrait ne pas se conformer à cette injonction et refuser de verser à Mme A... la somme de 1 500 euros mise à sa charge par les premiers juges au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, augmentée des intérêts dus par ladite commune compte tenu du retard mis au paiement, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. A la date à laquelle il est statué, et sans préjudice de la mise en œuvre ultérieure des voies d'exécution du présent arrêt, les conclusions afférentes présentées par Mme A... doivent, dès lors, être rejetées.

Sur la requête à fin de sursis à exécution enregistrée sous le n° 22MA00128 :

19. La Cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur la requête de la commune du Monêtier-les-Bains, enregistrée sous le n° 20MA03651, tendant à l'annulation du jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Marseille le 22 juillet 2020, les conclusions de sa requête, enregistrée sous le n° 22MA00128, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

21. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Monêtier-les-Bains sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

22. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune appelante une somme de 2 000 euros à verser à Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune du Monêtier-les-Bains enregistrée sous le n° 20MA03651 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune du Monêtier-les-Bains enregistrée sous le n° 22MA00128 tendant au sursis à l'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille le 22 juillet 2020.

Article 3 : La commune du Monêtier-les-Bains versera une somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Monêtier-les-Bains et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

2

Nos 20MA03651, 22MA00128

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03651
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Attributions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL SYMCHOWICZ-WEISSBERG et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-18;20ma03651 ?
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