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17/10/2022 | FRANCE | N°20MA04712

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 octobre 2022, 20MA04712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CSA Vence a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 11 avril 2018 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 41 ares et 13 centiares sur les parcelles cadastrées section BW nos 10, 11, 12, 20, 21, 25, 28 et 55, à Vence, et la décision du 9 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803856 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 19 décembre 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CSA Vence a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 11 avril 2018 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 41 ares et 13 centiares sur les parcelles cadastrées section BW nos 10, 11, 12, 20, 21, 25, 28 et 55, à Vence, et la décision du 9 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803856 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 19 décembre 2020, le 3 janvier et le 14 avril 2022, la société CSA Vence, représentée par la SELAS Lawtec, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2020 du tribunal administratif de Nice ;

2°) à titre principal, d'annuler les décisions du 11 avril et du 9 juillet 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) à titre subsidiaire, d'abroger partiellement ces décisions, en tant qu'elles portent sur la création d'une piste de 148 mètres de long ;

4°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que le raisonnement retenu par le tribunal est inexact ;

- le préfet a fait une inexacte application du 8° de l'article L. 341-5 du code forestier ;

- il a commis une erreur de fait en retenant que le terrain d'assiette du projet de défrichement comprenait une falaise ;

- il n'existe pas d'activités récréatives pouvant constituer un motif de refus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société CSA Vence ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Zago, représentant la société CSA Vence.

Considérant ce qui suit :

1. La société CSA Vence fait appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2018 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer l'autorisation de défricher une superficie de 41 ares et 13 centiares sur les parcelles cadastrées section BW nos 10, 11, 12, 20, 21, 25, 28 et 55, à Vence, ainsi que le rejet de son recours gracieux en date du 9 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, la critique du bien-fondé du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité.

3. D'autre part, la décision contestée ne retient pas qu'une falaise située à proximité aurait été comprise dans l'assiette du projet de défrichement. A supposer que la société CSA Vence, par des écritures confuses, ait entendu invoquer un moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en retenant le contraire, ce moyen était inopérant. Le tribunal n'était pas tenu d'y répondre.

Sur la régularité du jugement :

4. L'article L. 341-5 du code forestier prévoit que : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) / A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ".

5. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de cet article que le respect de ces conditions s'apprécie à l'échelle du bois ou de la forêt auquel appartiennent les parcelles d'assiette du projet de défrichement, et non au regard du seul projet pour lequel l'autorisation a été demandée comme le soutient la société requérante.

6. En deuxième lieu, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, les parcelles d'assiette du projet sont situées en bordure d'un espace boisé classé, dans un corridor à préserver identifié par le schéma régional de cohérence écologique, dans un espace naturel identifié par la directive territoriale d'aménagement, et dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1. Contrairement à ce que soutient la société CSA Vence, l'appartenance à une ZNIEFF de type 1 est un élément important à prendre en compte, dès lors que ces zones identifient des secteurs d'intérêt écologique particulièrement remarquables, appelant une protection renforcée.

7. En troisième lieu, le diagnostic environnemental précédemment établi pour un projet de collège, constamment invoqué par la société CSA Vence elle-même, indique que " les inventaires faunistiques ont mis en évidence un cortège d'espèces relativement varié, classique pour ce type d'habitat forestier et essentiellement composé d'espèces communes. Plusieurs espèces d'intérêt ont cependant été mises en évidence. Ces espèces sont liées à la continuité écologique du site avec la vallée de la Cagnes. Le site constitue une zone propice aux reptiles, aux rapaces (diurnes et nocturnes) et aux chauves-souris. Ces espèces au bout de la chaîne alimentaire démontrent la qualité écologique des milieux naturels du périmètre d'étude ". Le même diagnostic indique plus loin que : " les impacts potentiels du projet [de collège] sur les espèces sont forts sur une espèce végétale (Spéculaire en faux), assez forts pour un rapace diurne (Circaète Jean-le-Blanc) et une espèce de chauve-souris (Petit rhinolophe), moyens pour un reptile (Couleuvre d'Esculape) et un rapace nocturne (Grand-duc d'Europe), et faibles pour dix autres espèces animales ", confirmant ainsi la présence de ces espèces sur les parcelles en question. La société CSA Vence ne peut utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande d'autorisation de défrichement, de mesures de compensation envisagées à l'appui d'une demande d'autorisation d'urbanisme pour un projet abandonné portant sur la construction d'un collège. Le procès-verbal réalisé par la direction départementale des territoires et de la mer confirme le diagnostic environnement produit par la société CSA Vence en concluant que la zone concernée présente différents types de milieux remarquables du point de vue de la biodiversité, susceptibles d'offrir un habitat privilégié pour plusieurs espèces protégées. La falaise de la Cagne, située à proximité, héberge de multiples espèces d'oiseaux et de chauves-souris, dont le domaine vital ne se limite pas à la falaise où se situent leurs habitats, et qui doivent également être prises en compte.

8. Les éléments examinés aux points 6 et 7 suffisent par eux-mêmes pour retenir que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas fait une inexacte application du 8° de l'article L. 341-5 du code forestier en refusant l'autorisation demandée, indépendamment de l'existence ou non, au sein de ces espaces naturels, d'activités récréatives susceptibles de concourir au bien-être de la population.

9. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'auteur de la décision contestée n'a pas considéré que l'emprise de l'autorisation de défrichement comprendrait une falaise. Le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur de fait sur ce point est donc inopérant.

10. Enfin, la circonstance qu'une entreprise tierce ait pu réaliser une piste temporaire sur les mêmes parcelles sans demander d'autorisation de défrichement est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, tant à la date à laquelle elle a été prise qu'en tout état de cause, à la date du présent arrêt.

11. Il résulte de ce qui précède que la société CSA Vence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2018 du préfet des Alpes-Maritimes. Elle n'est pas davantage fondée à demander, à titre subsidiaire, à la Cour d'en prononcer l'abrogation.

Sur les frais liés au litige :

12. L'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société CSA Vence au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société CSA Vence est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSA Vence et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2022.

2

No 20MA04712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04712
Date de la décision : 17/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-06-02-02 Agriculture et forêts. - Bois et forêts. - Protection des bois et forêts. - Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : LLC et ASSOCIES LAWTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-17;20ma04712 ?
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