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17/10/2022 | FRANCE | N°19MA05324

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 octobre 2022, 19MA05324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2017, par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de le placer en congé de longue maladie et l'a placé en congé de maladie ordinaire, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Hérault de le placer en congé de longue maladie et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1704263 du 4 octobre 2019, le

tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2017, par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de le placer en congé de longue maladie et l'a placé en congé de maladie ordinaire, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Hérault de le placer en congé de longue maladie et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1704263 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2019 et 29 juin 2020, M. A... B..., représenté par Me Mezouar, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Hérault de le placer en congé de longue maladie ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;

5°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur dans l'analyse des pièces du dossier et d'une erreur de droit ;

- le tribunal n'a pas tenu compte des pièces qu'il a produites pour motiver sa décision et s'est appuyé uniquement sur l'argumentation présentée par la partie adverse ; en s'abstenant de prescrire une expertise médicale, les premiers juges ont manqué de rigueur et ont porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;

- la décision du 4 juillet 2017, par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a refusé de le placer en congé de longue maladie, est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas pu défendre son dossier lors de la convocation du 27 septembre 2016 et a ainsi été privé de son droit de présenter ses observations ou d'être examiné ;

- en s'estimant lié par l'avis du comité médical, le président du conseil départemental de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- cette décision méconnaît l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, l'article 18 du décret du 30 juillet 1987 et l'arrêté du 14 mars 1986, dès lors que l'affection dont il souffre lui ouvre droit au congé longue maladie ;

- elle est entachée d'erreur dans la qualification juridique des faits ; il s'agit d'une affection invalidante, nonobstant la circonstance qu'il ait été contraint à la reprise du travail pour des raisons économiques ;

- cette décision s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral à son encontre par le département de l'Hérault ; les refus systématiques qui ont été opposés à toutes ses demandes s'expliquent en raison de la relation conflictuelle avec sa hiérarchie.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai et 14 octobre 2020, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de légalité interne sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;

- l'arrêté du 30 juillet 1987 relatif à la liste indicative des maladies pouvant ouvrir droit à un congé de longue maladie (régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque, rapporteure,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Mezouar représentant M. B... ainsi que celles de Me Germe représentant le département de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., rédacteur principal de 1ère classe en fonction au département de l'Hérault, a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 10 février 2016. Le 21 avril 2016, il a présenté une demande de congé de longue maladie. Par une première décision du 11 octobre 2016, le président du conseil départemental de l'Hérault a décidé de maintenir M. B... en congé de maladie ordinaire. Par une nouvelle décision du 4 juillet 2017, le président du conseil départemental de l'Hérault a indiqué à l'intéressé qu'à la suite de l'avis du comité médical supérieur rendu le 16 mai 2017, il maintenait sa décision de le placer en congé de maladie ordinaire, rejetant ainsi sa demande de congé de longue maladie. M. B... relève appel du jugement du 4 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 4 juillet 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis. Les premiers juges, s'estimant suffisamment éclairés sur les données du litige, ont pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, ne pas ordonner d'expertise judiciaire avant de statuer sur la demande de M. B....

3. En deuxième lieu, si M. B... estime que les premiers juges n'ont pas tenu compte de son argumentaire et des pièces dont il s'est prévalu devant lui, ces circonstances, dès lors que l'intéressé n'invoque ni une omission à statuer sur des conclusions ni un défaut de réponse à un moyen, relèvent du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de la procédure doit, par suite, être écarté.

4. En dernier lieu, la régularité du jugement ne dépendant pas de son bien-fondé, M. B... ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a reçu simultanément notification de la décision contestée du 4 juillet 2017 et de l'avis du comité médical supérieur du 16 mai 2017 auquel cette décision se référait. Cet avis, défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie, indiquait, outre la référence à la loi du 26 janvier 1984, que " l'état de santé de l'agent ne rentre pas dans les critères médicaux indiqués dans l'arrêté du 14 mars 1986 donnant droit à ce type de congés ". Il est, dès lors, suffisamment motivé en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, qui fait expressément référence à cet avis notifié simultanément à l'intéressé, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier de la décision contestée, qui a procédé à un examen de la situation de M. B... au vu des avis concordants du comité médical départemental et du comité médical supérieur, que le président du conseil départemental de l'Hérault se serait cru lié par l'avis du comité médical supérieur et aurait ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le comité médical est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; /- des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé, par un courrier du 12 septembre 2016, que le comité médical se réunirait le 27 septembre 2016 pour examiner sa demande de congé de longue maladie. Ce courrier mentionnait la possibilité de consulter son dossier et de faire entendre le médecin de son choix par ce comité. Si M. B... produit des échanges de courriels avec le service de médecine préventive du département de l'Hérault desquels il ressort qu'il souhaitait être examiné préalablement au comité médical par le médecin de prévention du département puis représenté par lui lors de la séance du comité médical du 27 septembre 2016, il ressort de ces mêmes échanges que le service de médecine préventive l'a informé dès le 13 septembre 2016 de l'indisponibilité du médecin de prévention durant cette période. Dans ces conditions, M. B..., qui disposait du temps nécessaire pour solliciter un autre médecin de son choix, n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit de se défendre ou de présenter des observations sur sa situation médicale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure suivie devant le comité médical doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". Aux termes de l'article 18 du décret du 30 juillet 1987 précité : " Le fonctionnaire qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par suite d'une maladie grave et invalidante nécessitant un traitement et des soins prolongés est mis en congé de longue maladie, selon la procédure définie à l'article 25 ci-dessous. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie, rendu applicable aux fonctionnaires territoriaux par l'article 1er de l'arrêté du 30 juillet 1987 relatif à la liste indicative des maladies pouvant ouvrir droit à un congé de longue maladie (régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux) : " Un fonctionnaire est mis en congé de longue maladie lorsqu'il est dûment constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions au cours d'une des affections suivantes lorsqu'elle est devenue invalidante : (...) 2. Insuffisance respiratoire chronique grave. (...) 5. Maladies cardiaques et vasculaires : - angine de poitrine invalidante ; - infarctus myocardique ; - suites immédiates de la chirurgie cardio-vasculaire ; - complications invalidantes des artériopathies chroniques ; - troubles du rythme et de la conduction invalidante ; - cœur pulmonaire post embolique ; - insuffisance cardiaque sévère (cardiomyopathies notamment). (...) 7. Affections évolutives de l'appareil oculaire avec menace de cécité (...) ".

10. Il ressort des pièces versées au dossier que le refus d'octroyer un congé de longue maladie à M. B... repose sur les avis concordants du comité médical départemental du 27 septembre 2016 et du comité médical supérieur du 16 mai 2017, qui ont estimé, au vu notamment des conclusions du rapport remis le 29 juin 2016 par le médecin cardiologue expert agréé qui indiquent que " sa maladie coronarienne et rythmique sont peu sévères et ne justifie pas la prolongation de son arrêt maladie ", que les critères requis pour l'obtention d'un tel congé n'étaient pas remplis. Si la réalité de la maladie coronarienne chronique et de l'affection oculaire en lien avec cette pathologie cardiaque dont souffre M. B... n'est pas contestable et, du reste, n'est pas contestée, les analyses et certificats médicaux produits par le requérant, en particulier le rapport établi le 18 mai 2018 par un médecin généraliste à sa demande et celle de son conseil, ne remettent pas sérieusement en cause les conclusions du rapport de l'expert agréé selon lesquelles ces pathologies ne le placent pas dans l'impossibilité permanente d'exercer ses fonctions et ne présentent pas un caractère invalidant et de gravité confirmée, au sens de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Son médecin traitant a d'ailleurs conclu, le 10 octobre 2016, à son aptitude à la reprise du travail à temps plein. Dans ces conditions, le président du conseil départemental de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit et a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, de l'article 18 du décret du 30 juillet 1987 et de l'arrêté du 14 mars 1986 en refusant d'octroyer à M. B... un congé de longue maladie.

11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que fait valoir M. B..., que le refus opposé à sa demande de congé de longue maladie serait consécutif à la situation de harcèlement moral dont il a été victime de 1996 à 2006 et résulterait d'une situation de conflit avec sa hiérarchie ainsi que d'un acharnement de la direction des ressources humaines du département de l'Hérault à son encontre visant à l'empêcher de faire valoir ses droits.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision contestée du 4 juillet 2017, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que le département de l'Hérault demande à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Hérault tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêté sera notifié à M. A... B... et au département de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2022.

N° 19MA05324 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05324
Date de la décision : 17/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Congés de longue maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : MEZOUAR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-17;19ma05324 ?
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