Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête, enregistrée sous le n° 1705612, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 15 novembre 2017 par lesquelles le président du conseil départemental de l'Hérault l'a affectée à la direction des agences culturelles territoriales à compter du 1er décembre 2017.
Par une requête, enregistrée sous le n° 1705724, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 et la décision du même jour par lesquels le président du conseil départemental de l'Hérault l'a affectée à la médiathèque de Béziers à compter du 1er décembre 2017.
Par un jugement n° 1705612 et 1705724 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions dirigées contre les décisions du 15 novembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions de Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, Mme B... A..., représentée par Me Ottan, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 28 novembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault l'a affectée à la médiathèque de Béziers à compter du 1er décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au département de l'Hérault, à titre principal, de procéder à sa réintégration dans son précédent poste de secrétaire comptable au sein de l'agence des bâtiments Ouest Héraultais avec deux jours de télétravail par semaine dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à sa réintégration ainsi qu'à un nouvel examen de sa demande de télétravail, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de condamner le département de l'Hérault à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 28 novembre 2017 au motif qu'elle constituerait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours alors que cette décision de mutation d'office a entrainé une diminution de ses responsabilités et constitue une mesure discriminatoire en raison de son état de santé ;
- la décision du 28 novembre 2017 constitue une sanction disciplinaire déguisée, prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation préalable du comité médical sur les conditions d'aménagement de son nouveau poste de travail ;
- la vacance du poste n'a pas fait l'objet d'une publication préalable ;
- la décision contestée méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir ;
- elle méconnaît l'article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui prohibe les discriminations liées notamment à l'état de santé ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'aménagement de son poste de travail ;
- elle est également entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle tient compte de faits qui se seraient produits en 2008 et qui ont donné lieu à une sanction du premier groupe normalement effacée du dossier ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation médicale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, le département de l'Hérault, représenté par la SCP d'avocats CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont considéré à bon droit que l'arrêté en date du 28 novembre 2017 constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque, rapporteure,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Germe représentant le département de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est rédactrice territoriale de 1ère classe, en fonction au département de l'Hérault. Depuis 2008, elle était affectée à Béziers au sein de l'agence départementale des bâtiment Ouest Héraultais où elle exerçait les fonctions de secrétaire comptable. Par une décision du 15 novembre 2017, le président du conseil départemental de l'Hérault l'a affectée à la direction des agences culturelles territoriales à compter du 1er décembre 2017. Par un arrêté du même jour, le président du conseil départemental a précisé la nouvelle affectation de l'intéressée au 1er décembre 2017 à l'agence culturelle Ouest Héraultais à Béziers. Le 28 novembre 2017, le président du conseil départemental de l'Hérault a pris une nouvelle décision d'affectation de Mme A... à la direction de la médiathèque départementale à Béziers à compter du 1er décembre 2017. Par deux requêtes, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Montpellier sous les n° 1705612 et 1705724, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler respectivement les décisions des 15 novembre 2017 et 28 novembre 2017. Par un jugement du 18 octobre 2019, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions dirigées contre les décisions du 15 novembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions de la requérante. Mme A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 novembre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté contesté du 28 novembre 2017 que le président du conseil départemental de l'Hérault a affecté Mme A... à la direction de la médiathèque départementale à Béziers à compter du 1er décembre 2017, sans préciser la nature de ses fonctions. Par un courriel du même jour, la directrice des effectifs, des compétences et des parcours du département a communiqué à l'intéressée le " profil des missions " de sa nouvelle affectation. Il ressort du document annexé à ce courriel que l'emploi correspondant à la nouvelle affectation de Mme A... est un poste " d'agent de bibliothèque ", exerçant à titre principal des fonctions " d'accueil et de secrétariat ", lesquelles relèvent des cadres d'emplois de catégorie C d'adjoints territoriaux du patrimoine ou d'adjoints administratifs, lorsqu'elles sont exercées à titre principal. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de la fiche du poste précédemment occupé par Mme A... ainsi que de ses évaluations annuelles, que la requérante exerçait auparavant des fonctions de secrétaire-comptable, avec pour principales attributions des tâches de gestion administrative et de suivi comptable et budgétaire des opérations concernant le service dans lequel elle était affectée. De telles fonctions, qui concernent l'engagement et la liquidation des dépenses du service, comportent l'exercice de responsabilités particulières et correspondent à celles qui peuvent être confiées aux agents relevant du cadre d'emploi de catégorie B des rédacteurs territoriaux. Dès lors, si l'arrêté du 28 novembre 2017 affectant Mme A... à la direction de la médiathèque départementale à Béziers à compter du 1er décembre 2017 n'a emporté ni diminution de sa rémunération ni atteinte à l'un de ses droits et libertés fondamentaux, il impliquait toutefois une diminution sensible de ses responsabilités au regard de sa précédente affectation. La légalité d'une décision administrative s'appréciant en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, le département ne peut utilement faire valoir que Mme A... n'a jamais exercé l'emploi correspondant au changement d'affectation décidé par l'arrêté attaqué du 28 novembre 2017, puisqu'elle a été placée en congé de longue maladie pour la période du 2 janvier 2017 au 24 septembre 2018 et qu'à compter du 25 septembre 2018, elle a été affectée sur un poste de " gestionnaire administrative - assistante bibliothécaire " correspondant à un emploi de catégorie B. Il résulte de ce qui précède que la décision de mutation contestée, qui entraîne une perte sensible de responsabilités pour l'intéressée, constitue une décision lui faisant grief. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2017 étaient dirigées contre une simple mesure d'ordre intérieur et étaient, par suite, irrecevables.
4. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, la mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes du courrier du 21 août 2017 de la directrice générale adjointe des ressources humaines informant Mme A... de la décision d'engager à son " encontre une procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service avec un possible changement de métier et de résidence administrative ", que la décision contestée est intervenue à la suite des difficultés relationnelles rencontrées depuis plusieurs années par Mme A... au sein du service dans lequel elle était affectée. Ces difficultés relationnelles, qui ne sont pas sérieusement contestées, nuisaient au fonctionnement et à la continuité du service, en particulier dans un contexte de réorganisation impliquant une mutualisation accrue des tâches et une uniformisation des pratiques. Dans ces conditions, la décision de mutation contestée, justifiée par les nécessités du service, ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme A... aurait été privée des garanties attachées à la procédure disciplinaire ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte ni de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, ni d'aucun autre texte ni principe, qu'une mutation prise dans l'intérêt du service doive être précédée d'une consultation préalable du comité médical. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée de ce fait la décision contestée doit, dès lors, être écarté.
7. En troisième lieu, les dispositions de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, aux termes desquelles " lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade ", ne s'appliquent pas à l'administration dans le cas où elle prononce une mutation dans l'intérêt du service. Par suite, ce moyen tiré de l'absence de publication d'un avis de vacance d'emploi doit être écarté comme inopérant.
8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision de mutation contestée, justifiée par les nécessités du service, ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été prise pour des motifs autres, tirés de l'état de santé de Mme A..., ni qu'elle emporterait quelque conséquence que ce soit sur ce dernier. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un détournement de pouvoir, méconnaîtrait l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983 et serait entaché d'une erreur de fait et d'appréciation au regard de son état de santé, doivent être écartés.
9. En cinquième lieu, si Mme A... soutient que l'absence d'aménagement de son poste prévu par la décision de mutation contestée entache cette dernière d'illégalité, la décision de mutation contestée n'exclut pas la mise en œuvre des aménagements nécessaires à son état de santé. Ainsi que le fait valoir le département de l'Hérault, ces aménagements ont d'ailleurs été mis en place lors de la prise de poste effective de Mme A... en septembre 2018. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision contestée en l'absence d'aménagement de son poste de travail doit, dès lors, être écarté.
10. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que le courrier du 21 août 2017 cité au point 5 mentionne une sanction du premier groupe normalement effacée du dossier manque en fait.
11. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que celui-ci prendrait effet à une date antérieure à celle de sa notification, de sorte qu'il ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2017 du président du conseil départemental de l'Hérault affectant Mme A... à la direction de la médiathèque départementale à Béziers à compter du 1er décembre 2017 doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante.
Sur les frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 000 euros à verser au département de l'Hérault au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande enregistrée sous le n° 1705724, présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier, est rejetée.
Article 3 : Mme A... versera au département de l'Hérault la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2022.
N°19MA05024 2