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13/10/2022 | FRANCE | N°22MA01397

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 13 octobre 2022, 22MA01397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2002638 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 mai 2022 sous le n° 22MA01397, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 22 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Cohen, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 avril 2022 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2002638 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 mai 2022 sous le n° 22MA01397, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 22 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Cohen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", " étudiant " ou " considérations humanitaires ou motifs exceptionnels ", dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 700 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée méconnaît les articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin et 22 septembre 2022 sous le n° 22MA01636, M. A..., représenté par Me Cohen, demande à la cour :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- les moyens visés ci-dessus sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me Cohen, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 9 juillet 2000, déclare être entré en France le 9 août 2016 muni d'un visa de court séjour. Il a, par une lettre reçue le 5 février 2020, saisi le préfet des Alpes-Maritimes d'une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 15 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes rejetant cette demande. Il demande également la suspension de l'exécution de cette décision implicite. Il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus, qui ont fait l'objet d'une instruction commune, pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision implicite en litige serait entachée d'une erreur de fait n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas sollicité, dans le cadre de sa demande évoquée au point 1, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il n'est ni établi, ni même allégué, que le préfet des Alpes-Maritimes aurait recherché d'office si M. A... pouvait bénéficier d'une carte de séjour temporaire sur ce fondement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, aujourd'hui reprises à l'article L. 422-1 du même code, ne peut être utilement invoqué.

4. En troisième lieu, d'une part, en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction résultant de l'avenant du 8 septembre 2000, sans préjudice des stipulations " du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ". Selon l'article 11 de cet accord, les stipulations de celui-ci " ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Selon le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision implicite en litige, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. M. A... déclare être entré en France en 2016, alors qu'il était âgé de seize ans, en compagnie de sa mère. S'il soutient que l'état de santé de celle-ci rendrait nécessaire sa présence à ses côtés sur le territoire français, les pièces produites tant en première instance qu'en appel ne permettent pas d'établir que la mère de l'intéressé présenterait une ou plusieurs pathologies rendant indispensable l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne, ni que M. A... serait, le cas échéant, la seule personne en mesure de lui apporter cette aide. Par ailleurs, M. A... se prévaut également de la circonstance qu'il a poursuivi avec succès sa scolarité en France, notamment en obtenant le diplôme du certificat d'aptitude professionnelle de " peintre - applicateur de revêtements " quelques semaines après la naissance de la décision implicite en litige, ainsi que de la relation qu'il a nouée avec une ressortissante française postérieurement à cette décision. Toutefois, l'intéressé, qui était célibataire et sans charge de famille à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée, n'établit pas avoir tissé des liens d'une intensité particulière sur le territoire français à cette date à laquelle il ne justifie pas d'une réelle insertion sociale ou professionnelle. Si M. A... fait état de la circonstance que plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France, il ne produit aucun élément permettant d'apprécier la réalité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec ces derniers. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., alors même qu'il indique avoir subi des violences de la part de son père en Tunisie, serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où réside notamment sa sœur. Dans ces conditions, en dépit des efforts accomplis par M. A... en matière de formation professionnelle à la date de son édiction, la décision implicite de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations et dispositions mentionnées au point précédent. Pour les mêmes raisons, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision de refus de titre de séjour sur la situation de M. A....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée.

7. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En revanche, les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne font pas obstacle à l'application, aux ressortissants tunisiens sollicitant leur admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

8. D'une part, les éléments de la situation de M. A... évoqués au point 5, et notamment les violences qu'il allègue avoir subies ainsi que les efforts de formation professionnelle accomplis, ne sont pas, à eux seuls, de nature à caractériser l'existence, à la date de la décision implicite en litige, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au titre de la vie privée et familiale.

9. D'autre part, si le requérant se prévaut de la circonstance qu'il travaillerait pour subvenir aux besoins de sa famille, il ne produit aucun élément de nature à établir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation au titre du travail.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de suspension d'exécution :

11. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement et de la décision implicite en litige, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressé tendant à la suspension de l'exécution de cette décision.

Sur les frais liés aux litiges :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension d'exécution présentées par M. A....

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

2

Nos 22MA01397, 22MA01636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01397
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : COHEN;COHEN;COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-13;22ma01397 ?
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