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13/10/2022 | FRANCE | N°20MA00305

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 13 octobre 2022, 20MA00305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 1er octobre 2018 par laquelle le maire de la commune de Tornac a rejeté sa demande du 31 août 2018 tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de sa commune en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS.

Par un jugement n° 1803435 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentair

e enregistrés les 27 janvier et 7 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Fontaine, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 1er octobre 2018 par laquelle le maire de la commune de Tornac a rejeté sa demande du 31 août 2018 tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de sa commune en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS.

Par un jugement n° 1803435 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 janvier et 7 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Fontaine, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision en date du 1er octobre 2018 par laquelle le maire de la commune de Tornac a rejeté sa demande du 31 août 2018 tendant à l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de la commune de Tornac, en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS de la zone naturelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tornac une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- le plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité interne en ce qu'il classe ses parcelles en secteur NS de la zone N non-constructible ; ses parcelles ne sont pas polluées et ce nonobstant leur intégration dans le porter à connaissance pour la maîtrise de l'urbanisation autour des anciennes installations minières de la croix de Pallières sur la commune de Tornac, en date du 20 janvier 2017 ; le degré de pollution de ses parcelles ne justifie pas de les figer comme inconstructibles.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2020, la commune de Tornac représentée par Me Margal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car la requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 26 septembre 2022, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, la cour est susceptible de prononcer d'office une injonction au maire de la commune de Tornac d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme communal en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section AB n° 78, 79, 80, 81, 82 et 92 en zone NS de la zone naturelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Granier représentant Mme A... et Me d'Albenas représentant la commune de Tornac.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 juin 2018, le conseil municipal de la commune de Tornac a approuvé son plan local d'urbanisme. Par un courrier du 31 août suivant, Mme A... a demandé à ce que le plan local d'urbanisme soit abrogé en tant qu'il classe ses parcelles cadastrées section AB n° 78, 79, 80, 81, 82 et 92 en secteur NS de la zone N, où toute nouvelle construction et extension, aménagement et changement de destination des constructions existantes sont interdits. Par un courrier du 1er octobre 2018, le maire l'a informée du rejet de sa demande. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a refusé d'annuler le refus d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de la commune de Tornac, en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS de la zone naturelle.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Ont intérêt à contester le refus de modifier ou d'abroger un acte réglementaire les personnes qui auraient eu intérêt à former un recours à l'encontre de cet acte lui-même. Un habitant d'une commune ainsi qu'un propriétaire de parcelles sises sur le territoire de cette dernière justifient à ce titre d'un intérêt leur donnant qualité à contester le plan local d'urbanisme dans l'ensemble de ses dispositions.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est propriétaire des parcelles faisant l'objet du classement litigieux depuis 2010. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Tornac à la demande de première instance et tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme A... ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Il appartient aux auteurs du plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle se révèle entachée d'une erreur manifeste ou s'appuie sur des faits matériellement inexacts.

5. Aux termes de l'article L. 243-2 du code de justice administrative : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

6. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.

7. Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) de la commune de Tornac approuvé le 26 juin 2018 dispose que " les données communiquées depuis avril 2014 attestent de l'importante problématique de pollution liée à l'activité minière. Dans ce contexte, et par application du principe de précaution, la commune de Tornac [entend] interdire toute urbanisation nouvelle ainsi que toute réhabilitation dans les secteurs impactés par le risque de pollution lié aux mines. C'est pourquoi la commune met en œuvre dès à présent une zone naturelle stricte dans les secteurs assujettis à la pollution minière. Cette zone sera susceptible d'évoluer en fonction de la connaissance du risque ".

8. En cohérence avec le PADD, le plan local d'urbanisme de la commune de Tornac a défini le secteur NS comme " une zone naturelle stricte mettant en œuvre des restrictions sur l'urbanisation future autour des anciennes installations minières de la Croix de Pallières ". Le règlement du plan local d'urbanisme interdit en secteur NS toute construction nouvelle ainsi que les extensions, aménagements, changements de destination de toutes les constructions existantes.

9. Pour classer les parcelles de Mme A... en zone NS, la commune de Tornac s'est appuyée sur le " porter à connaissance " du préfet du Gard du 20 janvier 2017, qui préconise des restrictions du droit à construire dans les secteurs concernés par le risque minier au regard des résultats d'une étude " IEM " datant de 2012. Le porter à connaissance précise que des études complémentaires menées par l'expert de l'Etat Géodéris sont en cours et permettront avant le 1er janvier 2019 la mise en œuvre du dispositif portant sur les secteurs d'information sur les sols (SIS). Il s'appuie également sur une étude d'imprégnation au plomb menée à l'automne 2015 auprès des personnes volontaires résidant à proximité des anciens sites miniers et à laquelle la requérante a participé. Les parcelles de Mme A... sont localisées dans le secteur 1 de l'étude IEM, correspondant à un niveau important de concentration en métaux en raison de la proximité de la mine Joseph. Il ressort en particulier des pièces du dossier qu'une mesure de concentration a été réalisée en bordure de parcelle de Mme A... au point 498, faisant apparaitre de très fortes anomalies s'agissant de la concentration du sol en plomb, en cadmium et en arsenic.

10. Pour contester ce classement en zone polluée par l'ancienne activité minière, Mme A... se prévaut de l'expertise judiciaire de M. B... du 23 décembre 2017 sur la pollution des parcelles de la requérante au regard du plomb, du cadmium, de l'arsenic, du zinc et de l'antimoine, qui a conclu à l'absence de contamination de l'eau de la source et des eaux superficielles et à l'absence d'impact sur l'air et les poussières pour la période considérée, alors même que les services de l'Etat envisageaient qu'une galerie présente sur le terrain pouvait être une ancienne entrée de mine. Si l'expertise relève des anomalies moyennes à fortes sur les sols superficiels en deux points sur les quatre analysés quant aux teneurs en plomb et arsenic, l'expert relève dans ses conclusions qu'il est impossible d'affirmer qu'elles auraient une origine anthropique liée à des activités minières passées. Il soutient au contraire qu'elles peuvent s'apparenter au " bruit de fond géochimique local ". L'expertise relève par ailleurs que les très fortes anomalies identifiées par les services de l'Etat au point 498 dans l'étude IEM sont incohérentes par rapport à ses propres mesures prises à proximité. L'expert ajoute que le rapport IEM indique des coordonnées GPS du point de prélèvement incorrectes et qu'aucune interprétation n'est produite par les services de l'Etat sur de tels écarts malgré ses demandes. Les conclusions de l'expertise judiciaire sont par ailleurs corroborées d'une part, par un courrier du directeur régional de la DREAL du 3 février 2014, indiquant que les prélèvements au sol réalisés à l'été 2012 par le bureau d'étude ICF Environnement pour le compte de l'Etat sur les terrains de Mme A... révélaient une teneur en métaux de l'ordre du bruit de fond local, et, d'autre part, par le dispositif de surveillance sanitaire mis en place par l'agence régionale de santé (ARS) Languedoc Roussillon Midi Pynénées qui indique dans un courrier du 29 janvier 2016 que les résultats d'analyse médicale de Mme A... ne révèlent pas une exposition personnelle significative au plomb, à l'arsenic et au cadmium. Enfin, dans un courrier du 26 décembre 2019, la sous-préfète de l'arrondissement du Vigan confirme à la maire de Tornac que les premières analyses de données disponibles sur le territoire de sa commune réalisées par Geoderis pour évaluer la pollution des anciens sites miniers et industriels connexes, spécifiquement prévues dans le porté à connaissance préfectoral pour affiner l'analyse du rapport IEM, permettent d'indiquer qu'aucune proposition de Secteur d'information sur les sols (SIS) ne sera formulée pour les parcelles de Mme A... en litige, étant précisé que les SIS recensent les terrains ayant fait l'objet d'investigation spécifique démontrant la présence de pollution dans les sols. Ces investigations complémentaires viennent ainsi contredire les conclusions du rapport IEM de 2012 sur lesquelles la commune avait initialement fondée son appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède, et alors même que la requérante s'appuie sur des informations postérieures à l'approbation du zonage du plan local d'urbanisme, que la commune s'est fondée sur une pollution des sols qui ne peut être regardée comme d'origine anthropique en lien avec l'exploitation des mines et que le maintien du classement en zone naturelle NS des terrains de Mme A... est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annuler la décision en date du 1er octobre 2018 par laquelle le maire de la commune de Tornac a rejeté sa demande du 31 août 2018 tendant à l'abrogation partielle de son plan local d'urbanisme, en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS de la zone naturelle.

13. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Il y a lieu d'enjoindre au maire de Tornac d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme communal en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section AB n° 78, 79, 82, 81, 82 et 92 en zone NS de la zone naturelle dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige:

14. Mme A... n'étant pas la partie perdante dans cette instance, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Tornac doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Tornac au profit de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2019 et la décision en date du 1er octobre 2018 par laquelle le maire de la commune de Tornac a rejeté la demande du 31 août 2018 de Mme A... tendant à l'abrogation partielle de son plan local d'urbanisme en tant qu'il classe ses parcelles en zone NS de la zone naturelle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Tornac d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section AB n° 78, 79, 82, 81, 82 et 92 en zone NS de la zone naturelle dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de la commune de Tornac au profit de Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tornac et à Mme D... A....

Copie en sera adressée à la procureure de la République près du tribunal judiciaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 octobre 2022.

2

N° 20MA00305

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00305
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP MARGALL. D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-13;20ma00305 ?
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