Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de son épouse ainsi que la décision par laquelle la même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2009273 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, M. B..., représenté par Me Dalançon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 février 2022 ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui accorder le bénéfice du regroupement familial, et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête d'appel qui a été enregistrée dans le délai de recours est recevable ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu notamment de son état de santé qui nécessite la présence permanente de son épouse auprès de lui.
Par ordonnance du 14 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juillet 2022 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- et les observations de Me Dalançon, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 14 mai 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de regroupement familial que lui avait présentée le 6 août 2019 M. B..., ressortissant algérien. Celui-ci relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision par laquelle la même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. En soutenant que le tribunal aurait dénaturé le moyen qu'il invoquait, tiré d'un défaut d'examen personnel de sa situation, le requérant ne développe pas un moyen se rattachant à la régularité du jugement mais critique en réalité le bien-fondé de la solution des premiers juges.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée que, pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial déposée par M. B... au profit de son épouse, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur la circonstance que cette dernière était déjà présente irrégulièrement sur le territoire français, mais a aussi relevé qu'aucun motif exceptionnel ne justifiait de déroger au principe de présence hors du territoire français et que la décision attaquée ne méconnaissait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces mentions révèlent que le préfet a bien examiné la situation personnelle de l'intéressé.
4. En second lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / (...) Peut être exclu de regroupement familial : / (...) / 2 Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) ". Aux termes du titre II du protocole annexé audit accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ". Et selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il résulte des stipulations précitées que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les stipulations précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la demande, M. B... était âgé de presque quatre-vingt ans et résidait en France depuis plus de cinquante ans sous couvert d'une carte de résident. S'il s'est marié en 1970, il ne conteste pas avoir vécu séparé pendant de nombreuses années de son épouse qui n'est présente sur le territoire que depuis 2018. Les pièces médicales dont il se prévaut, insuffisamment circonstanciées, ne sont pas de nature à établir qu'à la date de la demande de regroupement familial, l'état de santé de l'intéressé exigeait la présence de son épouse à ses côtés. Par suite, et alors même qu'en raison de la situation sanitaire, les frontières avec l'Algérie ont été provisoirement fermées et qu'une nouvelle demande de regroupement familial implique une nouvelle durée d'instruction, les décisions attaquées n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. B... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas non plus entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2022.
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N° 22MA01215