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10/10/2022 | FRANCE | N°20MA00625

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 10 octobre 2022, 20MA00625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile professionnelle (SCP) Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni a demandé au tribunal administratif de Marseille, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 171 720,90 euros hors taxes, soit 206 065,22 euros toutes taxes comprises sur un fondement contractuel ou, subsidiairement, au titre de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1806958 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 14 février 2020, et un mémoire enregistré le 9 mars 2021, la SCP Pan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile professionnelle (SCP) Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni a demandé au tribunal administratif de Marseille, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 171 720,90 euros hors taxes, soit 206 065,22 euros toutes taxes comprises sur un fondement contractuel ou, subsidiairement, au titre de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1806958 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, et un mémoire enregistré le 9 mars 2021, la SCP Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni, représentée par Me Lasalarie, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision en date du 5 juillet 2018 rejetant sa demande indemnitaire préalable ;

3°) à titre principal, de condamner la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui payer la somme de 171 720,90 euros hors taxes, soit 206 065,22 euros toutes taxes comprises, au titre de la faute contractuelle ;

4°) à titre subsidiaire, de la condamner à payer la même somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

5°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'Etat n'avait pas commis les deux fautes contractuelles alléguées ;

- c'est à tort qu'il a écarté le fondement de l'enrichissement sans cause, alors que selon les premiers juges les diligences en cause n'entraient pas dans le champ des prestations couvertes par le marché public ;

- les documents qu'elle produit sont fiables et de nature à justifier ses prétentions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de l'appel sont infondés.

Par ordonnance du 12 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2021 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 43-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers ;

- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004 ;

- le décret n° 2008-554 du 11 juin 2008 instituant un montant minimum pour les frais mentionnés au 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et à l'article 128-I de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et autorisant les comptables directs du Trésor à les encaisser ;

- l'arrêté du 11 juin 2008 fixant le taux de rémunération, proportionnel aux sommes recouvrées, des huissiers de justice en cas de recouvrement obtenu selon la procédure prévue au 7e de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et à l'article 128-I de la loi de finances rectificative pour 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Sube, substituant Me Lasalarie pour la société Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat du 1er septembre 2013, la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur a confié à la société d'huissiers de justice Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni, le lot n° 1 d'un marché public ayant pour objet, pendant une durée de trois ans, l'accomplissement, pour les débiteurs domiciliés dans le ressort du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, des phases comminatoires en vue du recouvrement des créances prises en charge par les comptables relevant de la direction générale des finances publiques. Estimant qu'une somme de 206 065,22 euros toutes taxes comprises lui restait due au titre de frais d'huissier pour les dettes acquittées directement auprès du comptable public, la société a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer cette somme sur le fondement du contrat ou, à défaut, sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Par le jugement attaqué, dont la société Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondoloni relève appel, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 11 juin 2008 susvisé : " Lorsque le débiteur verse entre les mains d'un comptable direct du Trésor, dans le cadre de la phase d'intervention de l'huissier prévue au 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, une somme supérieure à la dette dont le recouvrement a été confié à l'huissier de justice, le comptable direct du Trésor encaisse la différence entre ces deux sommes et peut la reverser à l'huissier de justice en l'absence d'autre dette exigible à sa caisse. ".

3. En premier lieu, en mentionnant le " 7° " de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, le pouvoir réglementaire a entendu se référer au cas visé par le 7° de cet article dans sa rédaction en vigueur au moment de l'édiction du décret. Ce cas correspond à l'hypothèse visée par les dispositions du 6° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction ultérieure, applicable au présent litige. Contrairement à ce que soutient la société appelante, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 11 juin 2008 sont donc applicables au présent litige.

4. En deuxième lieu, ces dispositions prévoient expressément la faculté pour le débiteur de régler directement sa dette au Trésor public, même dans l'hypothèse où une phase comminatoire a été engagée. La société appelante n'est donc pas fondée à soutenir qu'en acceptant de tels règlements directs, l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Elle ne peut utilement se prévaloir, à ce titre, de l'instruction administrative du 15 février 2012, laquelle, si elle a demandé aux comptables publics d'encourager les redevables à payer directement leur dette entre les mains des huissiers, n'a pas eu, en tout état de cause, pour effet de priver les comptables publics de la faculté réglementaire de recevoir les paiements directement.

5. En troisième lieu, ces mêmes dispositions du décret du 11 juin 2008 prévoient que, dans le cas où le comptable public obtient du débiteur un règlement direct d'une dette vis-à-vis d'une collectivité territoriale après l'engagement de la phase comminatoire, il n'a l'obligation de reverser à l'huissier les frais de recouvrement que dans l'hypothèse où la somme qui lui est réglée excède le montant total des dettes de ce débiteur. La société appelante n'allègue pas que les frais dont elle sollicite le paiement auraient été réglés par les débiteurs au comptable public en sus du montant de leurs dettes. Dès lors, elle n'est fondée ni à soutenir que le comptable public avait l'obligation de lui reverser les frais de recouvrement, ni qu'en s'abstenant de le faire, il aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. En quatrième et dernier lieu, le contrat conclu entre la société appelante et l'Etat ne comporte aucune stipulation contraire à l'interprétation qui vient d'être faite du décret du 11 juin 2008. Une telle stipulation serait d'ailleurs, en tout état de cause, illicite, un contrat ne pouvant légalement déroger à une disposition législative ou réglementaire.

7. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à invoquer la responsabilité contractuelle de l'Etat.

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

8. Le service que la société appelante a rendu à l'Etat l'a été en application du contrat conclu le 1er septembre 2013. L'enrichissement de l'Etat n'est donc pas dépourvu de cause. En tout état de cause, la société, qui peut, en vertu de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004, percevoir ses frais de recouvrement directement auprès des débiteurs, dispose d'une voie de droit pour obtenir le paiement de ces sommes. La société ne peut donc solliciter une indemnité au titre de l'enrichissement sans cause de l'Etat.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondolini n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, de la décision rejetant sa réclamation préalable et de condamnation de l'Etat doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondolini est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pansard, Marans, Cunin, Sala, Mondolini et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2022.

N° 20MA00625 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00625
Date de la décision : 10/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Règles de procédure contentieuse spéciales à la comptabilité publique - Recouvrement des créances.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Enrichissement sans cause.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CABINET WILSON - DAUMAS - DAUMAS - BERGE-ROSSI - LASALARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-10;20ma00625 ?
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