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04/10/2022 | FRANCE | N°20MA02833

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 04 octobre 2022, 20MA02833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe l'a licencié sans préavis, ni indemnité, d'autre part, de condamner la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser la somme de 5 000 euros, au titre de ses salaires de janvier et février 2018, ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral et financier et, enfin, de mettre à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros en application

des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe l'a licencié sans préavis, ni indemnité, d'autre part, de condamner la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser la somme de 5 000 euros, au titre de ses salaires de janvier et février 2018, ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice moral et financier et, enfin, de mettre à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802323 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du 24 janvier 2018 et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août 2020 et 16 mars 2022, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me d'Albenas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er avril 2020 en tant qu'il annule l'arrêté de son maire du 24 janvier 2018 ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive et est recevable par application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, et de celles des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- eu égard à la nature des fonctions de M. A... et de ses manquements professionnels, la sanction de licenciement litigieuse n'est pas disproportionnée par rapport à la gravité des fautes que ce dernier a commises, d'autant qu'il s'était rendu responsable de plusieurs incidents durant les années 2016 et 2017.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février 2021 et 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Cittadini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que le jugement attaqué du 1er avril 2020 doit être confirmé par la Cour.

Par une ordonnance du 16 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me d'Albenas, représentant la commune de Gignac-la-Nerthe.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté au sein des services de la commune de Gignac-la-Nerthe, par un contrat conclu sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 3-3 de la loi susvisée, alors en vigueur, du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et prenant effet le 23 mai 2016, pour une durée de trois ans, en qualité de chef-gérant de restauration collective. Mais, après l'avoir, par un arrêté du 8 janvier 2018, suspendu de ses fonctions, le maire de Gignac-la-Nerthe a, par un arrêté du 24 janvier 2018, licencié M. A..., à compter du 26 janvier suivant, pour motif disciplinaire, sans préavis, ni indemnité, et l'a radié, à compter de cette même date, des cadres de cette collectivité. La commune de Gignac-la-Nerthe relève appel du jugement en date du 1er avril 2020 par lequel, saisi par M. A..., le tribunal administratif de Marseille a annulé ce dernier arrêté du 24 janvier 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-3 de la loi susvisée, alors en vigueur, du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (...) ".

3. Selon l'article 1er du décret susvisé du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents contractuels de droit public des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée qui sont recrutés ou employés dans les conditions définies aux articles (...) 3-3 (...) de la loi du 26 janvier 1984 (...) ". Aux termes de l'article 36-1 de ce même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes :

/ 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704, A).

5. En l'espèce, il ressort de la lecture de l'arrêté contesté du 24 janvier 2018 que, pour prononcer le licenciement de M. A... sans préavis, ni indemnité, le maire de Gignac-la-Nerthe lui a reproché des erreurs et des négligences dans la préparation du repas de Noël organisé le 13 décembre 2017, en faveur des personnes âgées de la commune, consistant à n'avoir pas passé une commande suffisante pour satisfaire au nombre de repas requis par cet évènement. M. A... a commandé un grammage de viande sans prendre en compte le poids de la sauce et en conséquence, cinquante-cinq plats principaux ont manqué sur un total de deux cent-quatre-vingts convives. Le jour même de ce repas, l'équipe de restauration a dû confectionner en urgence des plats de substitution. Par le jugement attaqué du 1er avril 2020, qui n'est pas contesté sur ces points devant la Cour, les premiers juges ont reconnu l'exactitude matérielle de ces faits puis décidé que l'erreur ainsi commise par M. A..., qui était le responsable de l'approvisionnement des stocks et qui avait été averti, dès le 21 novembre 2017, du nombre de personnes invitées à ce repas, présentait un caractère fautif et était de nature à justifier qu'une sanction disciplinaire lui soit infligée. S'agissant de la proportionnalité de cette sanction disciplinaire, seule utilement discutée en cause d'appel, si la commune de Gignac-la-Nerthe persiste à soutenir que l'intimé s'était déjà vu reprocher " plusieurs incidents " durant les années 2016 et 2017, elle se borne, à ce titre, à renvoyer aux pièces déjà produites devant les premiers juges, lesquelles consistent essentiellement en une lettre de mission du 6 février 2017 par laquelle le directeur de la direction de l'enfance-jeunesse-éducation-sport (DEJES) relevait des " dysfonctionnement de la cuisine centrale " et demandait à M. A..., moins d'un an après son entrée en fonction, de mettre en place des correctifs, " dont certains [lui] ont été demandé il y a déjà plusieurs semaines ", ainsi que le compte-rendu de l'entretien professionnel réalisé au titre de l'année 2016 et signé par ce dernier le 11 avril 2017. Si, à l'occasion de cet entretien professionnel, le supérieur hiérarchique direct de l'intimé avait identifié des points que ce dernier devait encore améliorer en vue d'atteindre ses objectifs, le même supérieur hiérarchique direct indiquait, dans son appréciation générale sur la valeur professionnelle de l'agent, que M. A... était arrivé, dans son service, dans une période difficile, suite à une réorganisation de la restauration et aux nombreuses absences dans l'équipe, tout en observant qu'il avait " toutes les capacités pour réussi à faire progresser la restauration municipale (...) les résultats devraient être visibles dans les mois à venir ". Il n'est, par ailleurs, ni établi, ni même allégué par la commune appelante que, suite aux incidents antérieurs dont elle se prévaut et dont, au demeurant, son maire n'a pas fait état dans son arrêté contesté du 24 janvier 2018, une procédure disciplinaire aurait été engagée à l'encontre de M. A.... Il est, en tout état de cause, constant que, préalablement à l'édiction de cet acte par lequel ledit maire a décidé d'infliger à M. A... la sanction la plus lourde qui puisse être appliquée à un agent contractuel de la fonction publique territoriale, ce dernier n'a fait l'objet d'aucune sanction de catégorie inférieure. Enfin, dans ce même arrêté contesté du 24 janvier 2018, après avoir observé que le repas de Noël organisé pour les personnes âgées représentait un évènement important, le maire de Gignac-la-Nerthe se borne à reprocher à M. A... d'avoir porté atteinte à l'image de la commune et, dans sa requête, l'appelante précise que les personnes qui n'ont pas été immédiatement servies " ont (...) eu du rôti de porc au lieu d'un civet de sanglier, avec 45 minutes d'attente supplémentaire. Tous les convives, avec les élus de la commune, n'ont pas mangé la même chose en même temps, alors que cette situation a obligé les agents mobilisés sur cette manifestation à un fort dépassement d'horaires et à une gestion en urgence de ces difficultés sans aucune préparation ". Au vu de l'ensemble de ces éléments, alors même que l'intimé bénéficiait d'une expérience de vingt-huit ans dans des fonctions de chef-gérant, et compte tenu, d'une part, de l'absence d'antécédent disciplinaire de ce dernier et, d'autre part, de la nature et du degré de gravité de la faute qu'il a commise mais aussi du caractère limité de ses conséquences, les premiers juges ont pu à bon droit estimer qu'en infligeant directement à M. A... la sanction la plus élevée dans l'échelle des sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 36-1 du décret susvisé du 15 février 1988, le maire de Gignac-la-Nerthe a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Gignac-la-Nerthe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de son maire du 24 janvier 2018.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

8. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Gignac-la-Nerthe soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

9. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune appelante une somme de 2 500 euros à verser à M. A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Gignac-la-Nerthe est rejetée.

Article 2 : La commune de Gignac-la-Nerthe versera une somme de 2 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gignac-la-Nerthe et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

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No 20MA02833

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02833
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP MARGALL. D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-04;20ma02833 ?
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