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22/09/2022 | FRANCE | N°21MA02341

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 21MA02341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision du 3 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Dracénie a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire confirmée le 16 octobre 2018 sur son recours gracieux, de condamner ledit centre hospitalier au paiement de ses salaires pour la période du 4 octobre 2018 à la date de sa réintégration, outre à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation de son préju

dice moral et d'enjoindre à cet établissement de la réintégrer et de reconst...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision du 3 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Dracénie a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire confirmée le 16 octobre 2018 sur son recours gracieux, de condamner ledit centre hospitalier au paiement de ses salaires pour la période du 4 octobre 2018 à la date de sa réintégration, outre à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'enjoindre à cet établissement de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension ; à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui payer les sommes de 3 333,32 euros, de 833,33 euros et de 9 999,96 euros au titre des indemnités compensatrice du préavis et de congés payés ainsi que de licenciement.

Par un jugement n° 1803796 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 juin 2021 et les 25 avril, 12 mai et 16 juin 2022, Mme B... A... épouse C..., représentée par Me Ladouce, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2018 du directeur du centre hospitalier de la Dracénie, ensemble la décision du 16 octobre 2018 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) à titre principal, d'ordonner sa réintégration et la reconstitution de sa carrière et de pension et de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui verser ses salaires à compter du 4 octobre 2018 jusqu'à la date de sa réintégration, outre une somme de 10 000 en réparation de son préjudice ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui payer les sommes de 3 333,32 euros, de 833,33 euros et de 9 999,96 euros au titre des indemnités compensatrices du préavis et de congés payés ainsi que de licenciement ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 3 octobre 2018, qui ne vise aucun article de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ni ne précise la date à laquelle les prétendus faux ont été réalisés, est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, la commission consultative paritaire n'ayant pas été consultée ;

- elle est fondée sur des faits dont l'administration n'a pas apporté la preuve de leur matérialité ;

- les faits qui lui sont reprochés, qui n'ont pas porté atteinte à la réputation du centre hospitalier, n'ont pas été commis dans l'exercice de ses fonctions ;

- elle conteste être l'auteure des faits dès lors qu'elle n'avait pas accès au logiciel " Pastel " et que, eu égard à son taux d'absentéisme élevé, elle ne pouvait être présumée présente sur son lieu de travail au moment des faits ;

- à supposer même qu'elle soit l'auteur des faux, son licenciement est une sanction disproportionnée, eu égard à sa qualité de travailleur handicapé, à son âge, à son comportement exemplaire et à ses évaluations élogieuses ;

- en tout état de cause, l'article 8 du décret du 6 février 1991 étant contraire à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1798 et à la directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003, elle ne pouvait pas être privée de ses droits à congés payés ;

- en qualité d'agent contractuel, elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure de suspension ; ainsi, le centre hospitalier a méconnu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2022, le centre hospitalier de la Dracénie, représenté par Me Vallar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015, portant diverses dispositions relatives aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2017-1201 du 27 juillet 2017, relatif à la représentation des femmes et des hommes au sein des organismes consultatifs de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Taormina, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., agent administratif contractuel au centre hospitalier de la Dracénie depuis le 1er décembre 2006, après avoir été suspendue de ses fonctions par une décision du 11 juin 2018 en raison d'une plainte pour faux, usage de faux et escroquerie déposée à son encontre, s'est vu infliger la sanction de licenciement par une décision du 3 octobre 2018 confirmée le 16 octobre suivant. Mme A... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions ainsi que ses conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 3 de leur jugement, dès lors que l'appelante reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise à ceux-ci et que ces motifs sont suffisants et n'appellent aucune précision.

3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles 2-1 du décret n° 91-655 du 6 février 1991 dans sa version issue du décret n° 2017-1201 du 27 juillet 2017, 52 dudit décret du 27 juillet 2017 et 58 du décret n° 20151434 du 5 novembre 2015 que l'obligation de consultation des commissions administratives paritaires sur les licenciements des agents contractuels des établissements hospitaliers ne trouve à s'appliquer qu'à compter de la mise en place de ces commissions et, au plus tard, lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. Dès lors que le centre hospitalier de la Dracénie n'était pas tenu de mettre en place la commission consultative avant ce renouvellement qui est intervenu le 6 décembre 2018 conformément à l'arrêté du Premier ministre du 4 juin 2018 publié au journal officiel du 5 juin suivant, l'absence de consultation d'une telle commission qui n'existait pas à la date du licenciement de Mme C..., n'a pu avoir pour effet de vicier la procédure au terme de laquelle cette dernière a été licenciée.

4. En troisième lieu, Mme A... qui, au demeurant, n'a pas demandé l'annulation de la décision de suspension de ses fonctions dont elle a fait l'objet en application des dispositions de l'article 39-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 précité, ne peut utilement soutenir à l'appui de sa contestation de la légalité de la décision prononçant son licenciement et de celle rejetant son recours gracieux, qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen comme inopérant.

5. En quatrième lieu, sur les faits reprochés à Mme A..., l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

6. Une enquête administrative diligentée en interne par le centre hospitalier de la Dracénie à la suite d'une réquisition adressée par les forces de l'ordre le 6 juin 2018 et de deux demandes d'authentification de bulletins d'hospitalisation datées du 26 mars 2018 et du 11 juin 2018 émanant pour la première de la communauté d'agglomération dracénoise, employeur de l'époux de la requérante, et pour la seconde de la direction des Risques de ADREA Mutuelle, a révélé que deux des trois bulletins de situation, en l'occurrence ceux des 15 et 28 mars 2018, n'étaient pas authentiques et qu'ils avaient été édités avec la complicité d'un agent du centre hospitalier ayant accès au logiciel de gestion administrative des patients " PASTEL ".

7. La sanction contestée du directeur du centre hospitalier de la Dracénie, qui vise notamment le courrier de la communauté d'agglomération dracénoise du 26 mars 2018, la réquisition du commandant de police de Draguignan du 6 juin 2018, la plainte déposée au nom de l'hôpital le 8 juin suivant à l'encontre de Mme A... et de son époux ainsi que le courriel du responsable du contrôle interne à la direction des risques de la Mutuelle Adrea du 11 juin 2018, est fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressée a confectionné de faux documents administratifs à en-tête et avec le tampon de l'établissement de santé et d'en avoir fait usage en vue de faire bénéficier de prestations indues à plusieurs membres de sa famille.

8. Si elle soutient ne pas être l'auteure des faits qui lui sont reprochés, Mme A... ne conteste cependant pas que les bulletins de situation, établis le 15 mars 2018 à son nom et le 28 mars 2018 au nom de son fils mineur, ont été utilisés, quant au premier, par son conjoint pour justifier de ses absences au travail et, quant au second, afin de bénéficier de prestations d'assurance maladie indues.

9. Par ailleurs, si l'enquête interne a conclu que chaque secrétariat avait accès au logiciel " PASTEL" et non chaque secrétaire, si la rubrique " Missions et objectifs " de la fiche d'entretien professionnel de Mme A... pour l'année 2017 précise qu'elle était chargée du classement et de la numérisation de documents médicaux en utilisant le logiciel " ORBIS" et, enfin, si elle a été absente au mois de mars 2018, il ne résulte pas de ces éléments que Mme Sabo, secrétaire alors affectée au service de chirurgie, était dans l'impossibilité matérielle, au mois de mars 2018, d'accéder au logiciel de gestion administrative des patients " PASTEL " permettant l'édition de bulletins de situation.

10. Eu égard à l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, c'est sans renverser la charge de la preuve que les premiers juges ont retenu que les faits reprochés à Mme A... devaient être regardés comme établis et revêtaient la nature d'une faute justifiant que lui soit infligée une sanction disciplinaire, les pièces produites pour la première fois devant la Cour, en l'occurrence, un bulletin de situation édité le 13 avril 2022 faisant état de son hospitalisation du 13 au 15 mars 2018 à l'hôpital Saint-Anne à Toulon et deux arrêts de travail délivrés par un praticien exerçant au sein de cet établissement couvrant la période du 12 au 23 mars 2018, ne permettant de démontrer, ni qu'elle ne serait pas l'auteure des faits reprochés par la décision contestée, ni que son époux en supporterait l'entière responsabilité.

11. En cinquième lieu, il appartient à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, pour apprécier la gravité des faits reprochés à un agent et déterminer en conséquence le choix d'une sanction, de tenir compte des éléments et des circonstances de l'époque à laquelle ces faits ont été commis et qui en constituent le contexte.

12. La falsification de documents administratifs et leur utilisation à des fins personnelles constituent un manquement particulièrement grave aux obligations d'intégrité et de probité qui s'imposent à l'ensemble des fonctionnaires et agents publics. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de licenciement dont Mme A... a fait l'objet doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui y ont exactement répondu au point 8 de leur jugement, les faits reprochés étant, par ailleurs, de nature à entacher la réputation de l'hôpital.

Sur les conclusions subsidiaires à fin d'indemnité :

13. En premier lieu, aux termes de l'article 42, dernier alinéa du décret n° 91-155 du 6 février 1991 : " ...Le préavis ne s'applique pas aux cas de licenciement prévus à l'article 7 et au titre X ". Il résulte de ces dispositions qu'aucun délai de prévenance n'est prévu en cas de licenciement pour faute. Par suite, Mme A... qui n'avait droit à aucun préavis, n'est fondée à solliciter aucune indemnité compensatrice à ce titre.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 : " II. - En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire ou à la fin d'un contrat à durée déterminée, l'agent qui, du fait de l'administration, en raison notamment de la définition par l'autorité investie du pouvoir de nomination du calendrier des congés annuels, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels... ". Il résulte de ces dispositions non contraires à la Constitution, ni à la directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003, que les agents faisant l'objet d'un licenciement disciplinaire sans avoir pris l'intégralité de leurs congés payés, n'ont droit à aucune indemnité compensatrice de congés payés. Par suite, Mme A... n'est fondée à solliciter aucune indemnité à ce titre.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 47 du 6 février 1991 : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée :/ 1° Aux agents recrutés pour une durée indéterminée ;/ 2° Aux agents engagés à terme fixe et licenciés avant ce terme ;/ 3° Aux agents licenciés dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 14 ter de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ou dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 1224-3-1 du code du travail ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de licenciement disciplinaire, l'agent licencié n'a droit à aucune indemnité de licenciement. Par suite, Mme A... n'est fondée à solliciter aucune indemnité à ce titre.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Le centre hospitalier de la Dracénie n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement de la somme demandée de 2 000 euros au centre hospitalier de la Dracénie sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Mme A... épouse C... versera la somme de 2 000 euros au centre hospitalier de la Dracénie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au centre hospitalier de la Dracénie.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2022.

N°21MA02341 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02341
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LADOUCE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-22;21ma02341 ?
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