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19/09/2022 | FRANCE | N°21MA02563

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 19 septembre 2022, 21MA02563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Pasquale Paoli a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a délivré au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse un permis de construire pour la réalisation d'une résidence de 108 logements étudiants et de 4 salles de cours, pour une surface de plancher de 3 459 m², sur un terrain cadastré section AE n° 230.

Par un jugement n°2000980 du 6 mai 20

21, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Pasquale Paoli a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a délivré au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse un permis de construire pour la réalisation d'une résidence de 108 logements étudiants et de 4 salles de cours, pour une surface de plancher de 3 459 m², sur un terrain cadastré section AE n° 230.

Par un jugement n°2000980 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet 2021 et 6 avril 2022, la société civile immobilière (SCI) Pasquale Paoli, représenté par Me Pellegri, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2020 ;

3°) de mettre à la charge conjointe du CROUS de Corse et de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en faisant application de l'article 8 du titre I du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Corte ;

- la dérogation prévue par cet article 8 du PLU est illégale ;

- la construction de logements étudiants par un CROUS n'a pas le caractère d'une construction nécessaire aux services publics au sens de cet article ;

- le dossier de permis de construire est insuffisant dès lors qu'il ne fait pas apparaitre les constructions déjà existantes sur le terrain d'assiette, ne précise pas si ces constructions seront maintenues et si la surface de plancher créée prend en compte la surface des constructions existantes ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article UB 11 du PLU de la commune de Corte, la toiture prévue ne comprenant pas deux pentes et n'étant constituée ni de tuile ni de lauze ;

- il méconnaît l'article UB 12 du PLU, aucune place de stationnement n'étant prévue ; les dispositions de l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce, le projet étant implanté à plus de 500 mètres de la gare de Corte ;

- il méconnaît également l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, en ce qu'il porte atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants en méconnaissance de la zone de servitude de protection des monuments historiques ; l'avis de l'architecte des bâtiments de France, par son insuffisance, méconnaît également cet article.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2022, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse, représenté par Me Muscatelli, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de mettre en conformité le projet avec les prescriptions de l'article UB 11 du plan local d'urbanisme et à ce que soit mise à la charge de la SCI Pasquale Paoli une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- si l'article 8 du PLU ne trouvait pas à s'appliquer, la méconnaissance de l'article UB 11 pourrait faire l'objet d'une mesure de régularisation, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme A... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Costa substituant Me Muscatelli, représentant le CROUS de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 juillet 2020, le préfet de la Haute-Corse a délivré au CROUS de Corse un permis de construire pour la réalisation d'une résidence de 108 logements étudiants et de 4 salles de cours, pour une surface de plancher de 3 459 m², sur un terrain cadastré section AE n° 230. La SCI Pasquale Paoli relève appel du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la SCI Pasquale Paoli fait valoir que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, ces moyens se rapportent en réalité au bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le tribunal a écarté le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire par des motifs appropriés figurant aux point 2 à 4 du jugement attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel.

4. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme, les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. En vertu de l'article R. 151-41 du code de l'urbanisme, le règlement du plan peut notamment prévoir des dispositions concernant les caractéristiques architecturales des façades et toitures des constructions. En vertu des articles R. 151-44 et R. 151-45 du code de l'urbanisme, le règlement du plan peut également prévoir des obligations de réalisation d'aires de stationnement et minorer ces obligations pour les véhicules motorisés quand les projets comportent plusieurs destinations ou sous-destinations permettant la mutualisation de tout ou partie des aires de stationnement.

5. Si le règlement peut contenir des dispositions permettant de faire exception aux règles générales qu'il fixe, ces règles d'exception doivent alors être suffisamment encadrées, en particulier par la définition des catégories de constructions susceptibles d'en bénéficier.

6. Aux termes de l'article UB 11 " Aspects extérieurs " de la section 2 " Conditions de l'occupation du sol " du chapitre 2 " Dispositions applicables à la zone UB " du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Corte : " (...) - Toitures : le matériau de couverture sera la tuile ou la lauze. / La toiture comprendra au moins deux pentes (...) ". Aux termes de l'article UB 12 " Stationnement des véhicules " de cette section : " (...) 12-1 Constructions neuves. Il est exigé une place de stationnement au minimum par tranche de 50 m² de surface de plancher pour l'habitat. Dans le cadre de l'opération d'habitat collectif, il est exigé une place par logement + une place pour deux logements (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 du titre I " Dispositions générales " du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Corte : " Au vu du caractère de services publics, les 14 articles du règlement propres à chaque zone ne sont pas applicables aux constructions, installations ou ouvrages nécessaires aux services publics ".

7. Les dispositions de l'article 8 du titre I " Dispositions générales " du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Corte définissent précisément les catégories de constructions susceptibles de bénéficier des exceptions qu'elles prévoient aux règles générales fixées par les articles UB 11 et UB 12. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'article 8, fondement du permis de construire contesté, au motif qu'il prévoit des exceptions qui ne seraient pas suffisamment précises et encadrées.

8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de l'éducation : " Le réseau des œuvres universitaires contribue à assurer aux étudiants une qualité d'accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation. Il assure une mission d'aide sociale et concourt à l'information et à l'éducation des étudiants en matière de santé. Il favorise leur mobilité (...) / Les décisions concernant l'attribution des logements destinés aux étudiants sont prises par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ". Aux termes de l'article R. 822-1 de ce code : " Le réseau des œuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1, est constitué du Centre national des œuvres universitaires et scolaires et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (...) / Le réseau des œuvres universitaires participe au service public de l'enseignement supérieur et contribue à la mise en œuvre de la politique nationale de vie étudiante définie par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Il a pour missions : / 1° De favoriser l'amélioration des conditions de vie étudiante par ses interventions dans les domaines, notamment (...) du logement (...) ". Aux termes de l'article R. 822-9 du même code : " Les centres régionaux sont des établissements publics à caractère administratif chargés de remplir une mission de service public à l'égard de leurs publics bénéficiaires mentionnés à l'article R. 822-2. / (...) Les centres régionaux contribuent, dans leur ressort géographique, à la mise en œuvre de la politique nationale de vie étudiante définie par le ministre de l'enseignement supérieur en proposant les prestations et les services propres à améliorer les conditions de vie et d'étude. Ils créent, dans ce but, les services leur permettant d'adapter et de diversifier les prestations qu'ils proposent aux usagers en tenant compte de leurs besoins. "

9. Il résulte des dispositions précitées du code de l'éducation que la mission de service public confiée par la loi aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) comprend à la fois l'attribution des logements destinés aux étudiants et toute action permettant d'adapter et de diversifier l'offre de logement proposée aux étudiants. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la construction d'une résidence étudiante au profit du CROUS de Corse entre dans le champ de la mission de service public confiée par la loi à cet établissement. Par suite, le projet litigieux, qui correspond à une construction " nécessaire aux services publics ", entre dans le champ de l'exception prévue par les dispositions précitées de l'article 8 du titre I du règlement du PLU aux règles générales fixées par les articles UB 11 et UB 12. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles UB 11 et UB 12 doit donc être écarté.

10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

11. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ou à un paysage urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du secteur sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce secteur. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, que le terrain d'assiette du projet de construction est situé dans le périmètre délimité des abords ou dans le champ de visibilité de plusieurs monuments historiques. Toutefois, eu égard à l'environnement immédiat de ce terrain, majoritairement composé d'immeubles collectifs de dimension et d'aspect comparables à ceux retenus pour le projet litigieux et compte-tenu des prescriptions dont est assorti l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France, qui contrairement à ce que soutient la requérante, sont suffisamment précises et détaillées, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction autorisée porterait atteinte au caractère et à l'intérêt du secteur dans lequel elle s'implante. Par suite, la SCI Pasquale Paoli n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ni que l'avis de l'architecte des bâtiments de France est illégal en ce qu'il ne comporte aucune prescription relative à la volumétrie du projet de construction.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Pasquale Paoli n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 23 juillet 2020.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CROUS de Corse et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SCI Pasquale Paoli demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Pasquale Paoli une somme de 2 000 euros à verser au CROUS de Corse.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Pasquale Paoli est rejetée.

Article 2 : La SCI Pasquale Paoli versera au CROUS de Corse la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Pasquale Paoli, au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2022.

N°21MA02563 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02563
Date de la décision : 19/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : PELLEGRI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-19;21ma02563 ?
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