Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100536 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Lelièvre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 30 mars 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- les premiers juges ont entaché le jugement d'une erreur manifeste d'appréciation au vue de sa situation professionnelle et de la durée de sa présence en France ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure en raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il vit en France depuis plus de dix ans ;
- le préfet ne l'a pas convoqué afin de lui remettre un récépissé et de lui permettre de faire valoir tous les éléments nouveaux intervenus depuis son premier refus de séjour qui a été annulé par une décision juridictionnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit pour avoir examiné sa demande sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain et non sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ;
- le préfet a commis une erreur de droit pour avoir examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sans l'apprécier également au titre des dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail ;
- le préfet a méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au dispositif du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia avait annulé un premier arrêté de refus de titre de séjour et lui avait enjoint de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa présence en France au moins depuis l'année 2007, et au regard de l'ancienneté et de la stabilité de sa situation professionnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et professionnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2011 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me Lelièvre, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 30 mars 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de sa destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En relevant, au point 4 du jugement attaqué, que la saisine de la commission du titre de séjour dans le cas d'un étranger qui soutient résider en France depuis de plus de dix ans n'était pas prévue dans le cadre du pouvoir général de régularisation par le travail du préfet, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement pour écarter le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de ses dispositions relatives à la commission du titre de séjour, pour contester la décision en litige, dès lors qu'il est constant qu'il n'a adressé à l'administration préfectorale le 19 novembre 2019 qu'une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, et que le préfet n'a examiné cette demande, en vertu de son pouvoir de régularisation, qu'au regard de la situation professionnelle de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu d'écarter ce même moyen, repris en appel sans le moindre élément nouveau, par adoption des motifs exposés au point 6 du jugement attaqué.
7. En troisième lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. En l'espèce, pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. C... au titre de l'admission exceptionnelle par le travail, le préfet a considéré que l'intéressé ne démontrait pas résider de manière habituelle et continue depuis plusieurs années sur le territoire national, et que le fait de justifier d'une activité professionnelle irrégulière sur la période de 2014 à 2020 et de produire une demande d'autorisation de travail datée du 27 février 2019 en vue de conclure un contrat à durée indéterminée avec la société Francisci environnement, ainsi que le contrat de travail correspondant, ne constituaient pas un motif exceptionnel d'admission au séjour. M. C... qui n'établit, ni même n'allègue, qu'il disposait d'informations nouvelles et pertinentes depuis la date de la précédente décision de rejet de sa demande de titre de séjour annulée par le tribunal, qui auraient été susceptibles de lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour, n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'absence de convocation par la préfecture à l'occasion du réexamen de sa situation l'a privé d'une garantie ou a pu exercer une influence sur le sens de la décision contestée.
9. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5, un ressortissant marocain ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail dès lors que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoient la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, le préfet pouvant également faire application de son pouvoir général de régularisation. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet a examiné la demande de M. C... tant sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain qu'en vertu de son pouvoir général de régularisation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit pour avoir examiné la demande de l'intéressé sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit être écarté.
10. En cinquième lieu, une demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas à être instruite selon les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. Il suit de là que M. C... ne peut utilement soutenir que le préfet a commis une erreur de droit pour ne pas avoir examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au regard de ces dernières dispositions.
11. En sixième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet s'est à nouveau prononcé sur la demande de droit au séjour de M. C... en appréciant, au titre de son pouvoir général de régularisation, si les éléments de la situation de l'intéressé constituaient un motif exceptionnel d'admission au séjour au titre du travail. Procédant de la sorte, il n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas méconnu l'autorité attachée au jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 février 2021.
12. En septième lieu, d'une part, ni les pièces produites au dossier, constituées essentiellement de relevés de comptes bancaires et de pièces médicales, ni les attestations de tiers établies en 2007, 2012 et 2019 selon lesquelles son père résidait avant lui sur le territoire français, qui sont dépourvues de toute précision le concernant, ne suffisent à établir la réalité et l'intensité des liens que le requérant prétend avoir noués avec la France. D'autre part, et comme les premiers juges l'ont retenu à juste titre, la circonstance, à la supposer établie, qu'il résiderait habituellement en France depuis 2007 alors par ailleurs que l'activité salariée qu'il prétend y exercer depuis 2014 n'est justifiée que par une attestation de son employeur datée du 23 novembre 2020 et quelques remises de chèques pour les seules années 2014 et 2017 ne suffit pas à établir qu'en refusant de régulariser sa situation, le préfet de la Haute-Corse aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Eu égard au motifs précédemment exposés, le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, doit être écarté.
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. L'ensemble des moyens soulevés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, il y a lieu d'écarter l'exception d'illégalité que M. C... soulève à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe le 13 juillet 2022.
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N° 21MA04357
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