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13/07/2022 | FRANCE | N°21MA03172

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 13 juillet 2022, 21MA03172


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public

- et les observations de Me Saintot, représentant l'association Summer Camps.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Summer Camps relève appel du jugement du 31 mai 202

1 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit prononcé la décharge des coti...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public

- et les observations de Me Saintot, représentant l'association Summer Camps.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Summer Camps relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".

3. L'administration est en droit de vérifier la comptabilité d'une association dès lors qu'elle dispose d'indices sérieux selon lesquels l'activité exercée est susceptible d'entraîner l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés.

4. Il résulte de l'instruction que lorsqu'elle a adressé à l'association Summer Camps l'avis de vérification daté du 31 août 2016, l'administration avait constaté que, alors que celle-ci n'avait pas satisfait à ses obligations déclaratives en s'abstenant de déposer les déclarations modèle n° 2070 et les déclarations de taxes sur les salaires alors qu'elle employait du personnel salarié, la publicité qu'elle faisait en français et en anglais de son activité sur Internet pour des prix comparables à ceux du marché, ainsi que le révèlent les deux captures d'écran faites au mois de juin 2014, révélaient un fonctionnement divergent de celui des associations à but non lucratif, se rapprochant de celui d'une entreprise commerciale. L'administration disposait, dans ces conditions, d'indices suffisamment sérieux permettant de considérer que l'association se livrait à des activités susceptibles d'entraîner son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés, la contraignant à tenir une comptabilité. Elle était, dès lors, en droit de vérifier la comptabilité de l'association.

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. (...) d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation (...).

L'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes de l'article 206 de ce code : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévues au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes (...) ".

6. Il résulte de ce qui précède que les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et que, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que l'association a payé au mois d'octobre 2014 la location d'un chalet en Suisse et effectué un virement en septembre 2014 pour un séjour en chalet au mois de février 2015, tous deux au nom de Mme Daniel, présidente de l'association. Si l'association fait valoir que sa présidente a effectué ce voyage pour prospecter un camp de mineurs qu'elle envisageait de réaliser en Suisse, mais qu'elle a dû annuler ce camp faute de participants, ces réservations ont toutefois été faites au nom de la présidente de l'association, à la suite d'échanges de courriers électroniques faits à partir de son adresse mail personnelle, et la seule production d'une réservation pour une enfant née en 2014 n'est pas de nature à établir la réalité d'une prospection faite en vue d'organiser un séjour pour adolescents en 2015 comme il l'est allégué, les chalets dont il est dit qu'ils ont été visités pour préparer les voyages n'étant d'ailleurs pas en capacité de recevoir le nombre d'adolescents indiqués par l'association. Il résulte également de l'instruction que l'association a pris en charge, au printemps 2014, les frais engagés au profit de Mme A... et de son fils pour un voyage à New York sans que les documents censés justifier la nécessité de réaliser sur place un examen de certification soient suffisamment probants, l'association versant à cet égard une photocopie d'un document rédigé en anglais sans destinataire ni date d'émission et sans que la présidente ait elle-même supporté la charge du financement du vol de son fils à supposer que celui-ci, mineur de 12 ans, devait l'accompagner.

Il résulte également de l'instruction que lors du voyage effectué à Miami au mois de mars 2015, la présidente de l'association a logé dans un hôtel avec spa pour des montants de 386,79 euros et de 401,80 euros par nuitée qui excèdent manifestement les besoins liés à la prospection en vue d'organiser un futur camp de mineurs. Il résulte enfin de l'instruction que des frais de bar et de restaurant de Mme A... ont été supportés par l'association alors que le lien entre de telles dépenses, exposées à des périodes de l'année qui ne correspondent ni à l'activité de camp de mineurs ni à des périodes de prospection, n'est nullement établi. Dans ces conditions, la gestion de l'association doit être regardée comme étant intéressée.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'association offrait une prestation identique à celle proposée dans le secteur concurrentiel, intervenant ainsi dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, tout en utilisant de multiples outils de publicité en langues anglaise et française et sur de nombreux supports, bénéficiant ainsi d'une audience très large, sans moduler ses tarifs en fonction de la situation des bénéficiaires.

9. C'est, dès lors, à bon droit, et sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère concurrentiel de l'activité de l'association, que l'administration a assujetti l'association requérante à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années en litige.

En ce qui concerne les montants des impositions et rappels contestés :

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". En l'absence de déclaration, les rectifications de TVA et d'impôt sur les sociétés afférentes à la période vérifiée ont fait l'objet d'une évaluation d'office. Dès lors, l'association requérante supporte la charge de prouver l'exagération des bases imposables retenues par l'administration.

11. En premier lieu, aux termes de l'article 279 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives : A la fourniture de logement et aux trois quarts du prix de pension ou de demi-pension dans les établissements d'hébergement ; ce taux s'applique aux locations meublées dans les mêmes conditions que pour les établissements d'hébergement ; (...) ". Si l'association requérante demande à ce qu'un taux intermédiaire de 10 % soit appliqué aux prestations de logements et nourriture des enfants en séjour, en invoquant uniquement à cet effet l'instruction BOI-TVA-LIQ-30-20-10-10 alors que celle-ci ne s'applique en tout état de cause pas à l'activité de l'association, elle ne fournit aucun élément justifiant la réalité du montant facturé à ses clients au titre de ces prestations. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à demander l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % prévu par le b quater de l'article 279 du code général des impôts.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Ainsi que l'administration fiscale l'admet, l'association requérante justifie, par la production de deux justificatifs, l'un du 12 février 2014 sur la facture émise au profit de son hébergeur, et l'autre du 19 mars 2015 sur la facture émise par Ikea, comportant les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts, de la déduction d'un montant de TVA de 2 euros pour 2014 et de 32,66 euros pour 2015. Par suite, c'est à tort que l'administration a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les éléments du prix de ces deux opérations.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". L'association n'établit pas que les charges relatives aux voyages à destination de New York et aux frais annexes à ces voyages, de même que les deux locations de chalets en Suisse ont été exposées dans l'intérêt direct de l'association. En revanche, ainsi que l'administration l'admet, l'association justifie la réalité des charges exposées pour un montant de 9,99 euros HT le 12 février 2014, de 340 euros le 28 juillet 2014, soit la somme totale de 350 euros pour l'année 2014, de 163,29 euros le 19 mars 2015 et 850 euros le 9 octobre 2015, soit un montant total de 1 013 euros pour l'année 2015. De même, si l'appelante demande la prise en compte de divers amortissements, alors qu'il est constant qu'elle n'a pas fait de déclaration au titre de l'impôt sur les sociétés, elle ne justifie pas l'inscription comptable de la dotation aux amortissements avant l'expiration du délai imparti pour la déclaration des résultats des exercices 2014 et de 2015. Par suite, l'association requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de déduire 350 euros de charges en 2014 et 1 013 euros de charges en 2015.

14. Il résulte de ce qui précède que l'association Summer Camps est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des sommes mentionnées aux points 12 et 13.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'association Summer Camps tendant à ce qu'il soit mis à la charge du ministre la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'association Summer Camps est déchargée, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à raison de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture du 12 février 2014 sur la facture émise au profit de son hébergeur, et l'autre du 19 mars 2015 sur la facture émise par Ikea, à hauteur d'un montant total de 34,66 euros.

Article 2 : La base d'imposition de l'association Summer Camps à l'impôt sur les sociétés est réduite de 350 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 1 013 euros au titre de celui clos en 2015.

Article 3 : L'association Summer Camps est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 correspondant à la réduction de base définie à l'article 2, et des pénalités y afférentes.

Article 4 : Le jugement n° 1902177 du 31 mai 2021 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Summer Camps et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la DIRCOFI Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme C..., présidente- assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.

2

N° 21MA03172

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03172
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-005 Contributions et taxes. - Généralités. - Textes fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : FEAT SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-13;21ma03172 ?
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