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13/07/2022 | FRANCE | N°20MA02708

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 juillet 2022, 20MA02708


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n° 1808243, la société à responsabilité limitée (SARL) Ski Révolution a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2014 et le 30 septembre 2015.

Par une demande enregistrée sous le n° 1808247, cette société a demandé au tribunal administratif de Marseille de pron

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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n° 1808243, la société à responsabilité limitée (SARL) Ski Révolution a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2014 et le 30 septembre 2015.

Par une demande enregistrée sous le n° 1808247, cette société a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015.

Par un jugement n° 1808243, 1808247 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2020, 17 février 2021 et 11 mars 2021, la SARL Ski Révolution, représentée par la SELARL Arbor, Tournoud et Associés agissant par Me Tournoud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation des faits ;

- le contrôle de ses déclarations au titre des années 2014 et 2015 a été effectué par un agent territorialement incompétent car relevant de la direction départementale des finances publiques des Hautes-Alpes, alors que l'adresse de son siège, qui est aussi celle de son principal établissement, se trouve à Paladru dans le département de l'Isère ; cette incompétence constitue une irrégularité substantielle devant entraîner la décharge des impositions contestées ;

- elle entend se prévaloir de la doctrine fiscale référencée BOI-IS-DECLA-10-10-40 du 1er juillet 2015 sur la notion d'établissement principal ;

- la procédure d'opposition à contrôle fiscal est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été régulièrement avisée de l'engagement des opérations de vérification de comptabilité et qu'aucune inertie ne saurait lui être reprochée ;

- les majorations de 100 % ne sont pas fondées en l'absence d'opposition à contrôle fiscal caractérisée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier, 2 mars et 18 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la présente requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société appelante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ski Révolution, qui a pour activité la vente et la location de matériel et d'équipement de ski ainsi que la vente de vêtements et accessoires de ski, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'occasion de laquelle l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal. La société relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 30 septembre 2015 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL Ski Révolution ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales : " 1. Les agents de l'administration des impôts peuvent assurer le contrôle et l'assiette de l'ensemble des impôts ou taxes dus par le contribuable qu'ils vérifient ". Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices et à la période en litige, les fonctionnaires habilités à fixer les bases d'imposition, liquider les impôts et notifier les rectifications peuvent exercer ces attributions " à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement (...) ". Aux termes de l'article 218 A du même code : " 1. L'impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l'administration peut désigner comme lieu d'imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société / soit celui de son siège social (...) ". Selon le a) de l'article 32 de l'annexe IV au même code, les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée doivent souscrire leurs déclarations auprès du service des impôts auquel doit parvenir leur déclaration de bénéfices.

3. La SARL Ski Révolution soutient, comme en première instance, que la direction départementale des finances publiques des Hautes-Alpes n'était pas compétente pour procéder à la vérification de sa comptabilité, dès lors que le lieu de son principal établissement, ainsi que cela ressort des mentions portées au registre du commerce et des sociétés, se situe à Paladru, dans le département de l'Isère, où ont d'ailleurs été adressées les pièces de la procédure d'imposition. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à l'adresse 2539 route de la Montagne Villages du Lac à Paladru (38850) se situe le siège social de la société, et non le lieu de son principal établissement, qui se trouve, quant à lui, 200 chemin des Chenevriers à Guillestre (05600). A cet égard, l'administration fiscale soutient sans être sérieusement contestée que la société requérante, qui exerce une activité commerciale de ventes et de location de matériel et d'équipement de ski, dispose d'un magasin à Guillestre à partir duquel elle effectue toutes les opérations commerciales attachées à l'exercice de cette activité. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que l'adresse du siège social correspond uniquement à une maison à usage d'habitation comprenant un bureau de 15 m² appartenant à la SCI du Lac dont M. A..., le gérant de la société requérante, est l'associé avec sa sœur et dans laquelle est également domiciliée l'EURL LB Auto, qui a pour activité le commerce de voitures et de véhicules automobiles légers. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que la société appelante aurait demandé à l'administration fiscale que son lieu d'imposition corresponde au lieu de son siège social. De même, elle n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle aurait déposé des déclarations d'impôt sur les sociétés auprès des services fiscaux de l'Isère. Par ailleurs, la circonstance que certains documents de la procédure d'imposition ont été envoyés à l'adresse du siège social à Paladru est sans incidence sur la détermination de la compétence du service vérificateur. Dans ces conditions, le fonctionnaire de la direction départementale des finances publiques des Hautes-Alpes, dans le ressort de laquelle la SARL Ski Révolution avait le lieu de son principal établissement et devait déposer ses déclarations d'impôt sur les sociétés comme celles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, était compétent pour vérifier la comptabilité de celle-ci en vertu de l'application combinée des dispositions précitées de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts et de celles de l'article 218 A du même code, et lui notifier les rectifications correspondantes.

4. Enfin, la société appelante n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la méconnaissance des prescriptions de la doctrine référencée BOI-IS-DECLA-10-10-40 du 1er juillet 2015 sur la notion d'établissement principal dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition.

5. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...). / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". En application de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution, dans sa version applicable aux exercices et à la période d'imposition en litige : " (...) l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que des avis de vérification ont été adressés le 19 juin 2017 et le 27 juin 2017 respectivement au lieu de l'établissement principal situé à Guillestre dans les Hautes-Alpes et au siège social de la SARL Ski révolution situé à Paladru en Isère. Ces deux avis ont toutefois été retournés à l'administration fiscale avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " de sorte que la société ne saurait être regardée comme en ayant eu connaissance. Un troisième avis de vérification a été adressé au gérant de la société le 5 juillet 2017 et présenté à son domicile le 13 juillet pour une intervention prévue le 24 juillet 2017. Ce pli, qui n'a pas été retiré par ce dernier, a été retourné aux services fiscaux avec la mention " pli avisé non réclamé ". Un quatrième avis a été présenté au domicile du gérant le 28 juillet suivant et mis en instance puis, a été retourné aux services fiscaux avec la mention " pli avisé non réclamé ". Concomitamment, l'administration a adressé au domicile du gérant un courrier modèle n° 751 le 24 juillet 2017 l'informant de la nécessité de retirer l'avis de vérification qui lui était adressé par courrier séparé et qu'une nouvelle défaillance de sa part, pourrait l'exposer à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. L'intéressé a été avisé le 29 juillet suivant et n'a pas retiré le pli, lequel est également revenu aux services fiscaux avec la mention " pli avisé non réclamé ". L'intervention du vérificateur qui avait été fixée au 4 août 2017 n'a pu davantage avoir lieu. Par un nouveau courrier modèle n° 751 en date du 4 août 2017 adressé au domicile du gérant et présenté le 10 août 2017, l'administration a informé une nouvelle fois ce dernier qu'une vérification de la comptabilité de la SARL Ski Révolution était envisagée, que l'inspecteur des finances publiques se présenterait le 25 août 2017 à l'établissement situé dans les Hautes-Alpes et que, à défaut d'honorer ce rendez-vous, il serait fait application des dispositions de l'article L. 74 précité. Ce courrier a été retiré par M. A... le 26 août 2017, soit postérieurement à la date prévue pour l'intervention du vérificateur.

8. Il résulte du déroulement des faits décrits ci-dessus que, si les deux premiers avis de vérification de comptabilité n'ont pu régulièrement atteindre la société appelante, les avis datés des 5 et 24 juillet 2017, ainsi que les courriers de mise en garde des 24 juillet et 4 août 2017 ont été adressés au domicile de son gérant, qui a été régulièrement avisé de la mise en instance de ces plis. Ce dernier n'a retiré ni les deux avis ni le premier courrier de mise en garde qui ont, en conséquence, été retournés au service. S'il est exact que, dans tous les cas, les dates prévues pour l'intervention du vérificateur n'ont pas pris en compte le délai de mise en instance postal de quinze jours, le gérant s'est cependant abstenu, à trois reprises, de récupérer les plis mis en instance à son intention et a, de ce fait, manifesté une inertie caractérisant une opposition à contrôle fiscal. Dès lors, la société Ski Révolution n'est pas fondée à soutenir pour la première fois en appel que l'administration fiscale n'était pas légalement fondée à faire usage, à son encontre, de la procédure d'évaluation d'office de ses bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat / (...) ".

10. La proposition de rectification du 19 octobre 2017 précise qu'il a été fait application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts qui résultent de la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. L'administration ayant eu régulièrement recours à cette procédure, ainsi qu'il a été exposé aux points 7 et 8, la SARL Ski Révolution n'est pas fondée à soutenir que la majoration de 100 % ne pouvait être légalement appliquée aux impositions en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ski Révolution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses.

Sur les frais liés au litige :

12. En premier lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions de la SARL Ski Révolution tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

13. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Ski Révolution est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Ski Révolution et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.

2

N° 20MA02708

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02708
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité. - Compétence du vérificateur.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SCP ARBOR - TOURNOUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-13;20ma02708 ?
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