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11/07/2022 | FRANCE | N°21MA03276

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 11 juillet 2022, 21MA03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Barbentane à leur verser la somme de 21 000 euros en réparation des préjudices nés de l'interdiction d'occuper leur habitation pour l'exécution de travaux de sécurisation d'un rocher surplombant leur propriété.

Par un jugement n° 1803794 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Barbentane à verser la somme de 6 000 euros à M. et Mme A....

Proc

édure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2021 et le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Barbentane à leur verser la somme de 21 000 euros en réparation des préjudices nés de l'interdiction d'occuper leur habitation pour l'exécution de travaux de sécurisation d'un rocher surplombant leur propriété.

Par un jugement n° 1803794 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Barbentane à verser la somme de 6 000 euros à M. et Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2021 et le 24 mars 2022, la commune de Barbentane, représentée par Me Guin et Me Hequet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... en première instance ;

3°) de mettre solidairement à leur charge la somme de 2 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction est incompétente pour connaître du litige, dès lors que les travaux qu'elle a exécutés n'ont pas le caractère de travaux publics ;

- elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

- les demandeurs ne pouvaient ignorer l'existence d'un risque d'éboulement ;

- leur comportement constitue une faute exonératoire de responsabilité ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Bouillard, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la commune de Barbentane ;

2°) par la voie de l'appel incident, de porter le montant de la condamnation de la commune à la somme de 21 000 euros ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la commune, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la commune de Barbentane ne sont pas fondés ;

- leur demande est recevable ;

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée sur le fondement de l'article 544 du code civil et du fait d'une opération de travaux publics ;

- ils ont subi un préjudice anormal et spécial ;

- le préjudice résultant des troubles de jouissance peut être évalué à 3 500 euros par mois pendant six mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Hequet, représentant la commune de Barbentane.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont propriétaires à Barbentane d'une maison d'habitation située en contrebas d'une falaise. Par un arrêté du 11 décembre 2017, le maire de Barbentane a ordonné l'évacuation de leur parcelle et leur a interdit d'y habiter jusqu'à l'achèvement des travaux de sécurisation à entreprendre. M. et Mme A... ont bénéficié de la mise à disposition d'un logement à titre gratuit par la commune de Barbentane pour la durée des travaux, entre le 15 décembre 2017 et le 15 juin 2018.

2. La commune de Barbentane fait appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a retenu sa responsabilité sans faute à l'égard des tiers à une opération de travaux publics, et l'a condamnée à verser la somme de 6 000 euros à M. et Mme A... en réparation du préjudice de jouissance ayant résulté de l'impossibilité d'occuper leur habitation pendant six mois. M. et Mme A... forment un appel incident sur l'évaluation du préjudice.

Sur la compétence de la justice administrative :

3. Ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci.

4. Les travaux réalisés pour le compte de la commune de Barbentane étaient destinés à assurer la sécurité des propriétés riveraines et des usagers du chemin situé en contrebas de la falaise. Entrepris dans un but d'intérêt général, ils constituent des travaux publics.

5. M. et Mme A... mettent également en cause la responsabilité de la commune du fait de l'arrêté du 11 décembre 2017, pris par le maire de Barbentane sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui constitue une mesure de police administrative.

6. Il suit de là que la justice administrative est compétente pour connaître du litige.

Sur la responsabilité de la commune :

7. Il est constant que les travaux publics réalisés pour le compte de la commune n'ont provoqué aucun dommage. Le préjudice de jouissance dont M. et Mme A... demandent réparation, est exclusivement imputable au risque d'éboulement, auquel ces travaux visent à remédier, et à l'arrêté municipal du 11 décembre 2017. Dès lors, il n'y a aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'opération de travaux publics. Le tribunal administratif a donc retenu à tort la responsabilité sans faute de la commune de Barbentane du fait de cette opération.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre fondement de responsabilité invoqué par M. et Mme A....

9. La maison de M. et Mme A..., pour la construction de laquelle la commune a délivré un permis de construire le 8 mars 2012, est située directement en contrebas d'une falaise abrupte de 20 à 25 mètres de hauteur, constituée de roches calcaires et de marnes sableuses et friables. Ainsi que le fait valoir la commune sans être contredite sur ce point par M. et Mme A..., ces derniers ont accepté les risques liés à l'instabilité de la falaise en connaissance de cause. Par suite, l'édiction de mesures de police destinées à sécuriser la propriété des riverains ne peut être regardée comme un aléa excédant ceux que comporte nécessairement la configuration des lieux. Le préjudice de M. et M. A... ne revêt donc pas un caractère anormal et spécial. Il suit de là que la responsabilité de la commune n'est pas engagée du fait d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Barbentane est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser la somme de 6 000 euros à M. et Mme A.... L'appel incident de ces derniers doit être rejeté par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros à la commune de Barbentane au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

12. La commune n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. et Mme A... sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme A... verseront la somme de 2 500 euros à la commune de Barbentane en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Barbentane est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Barbentane, à M. B... A... et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. C... et Mme E..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

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No 21MA03276


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