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08/07/2022 | FRANCE | N°21MA00235

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 08 juillet 2022, 21MA00235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... A... E..., gérant de la SAS Jet Loc du golfe et a conclu à ce que le tribunal le condamne au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 et lui ordonne la remise en état des lieux sous une astreinte journalière de 1 000 euros par jour de retard et autorise l'administration à remettre les lieux en l'état aux frais du contrevenant dans le ca

s où celui-ci n'y aurait pas procédé.

Par jugement n°s 1901433 et 1901442 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... A... E..., gérant de la SAS Jet Loc du golfe et a conclu à ce que le tribunal le condamne au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 et lui ordonne la remise en état des lieux sous une astreinte journalière de 1 000 euros par jour de retard et autorise l'administration à remettre les lieux en l'état aux frais du contrevenant dans le cas où celui-ci n'y aurait pas procédé.

Par jugement n°s 1901433 et 1901442 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a condamné M. A... E... à payer deux amendes de 1 500 euros, soit un montant total de 3 000 euros et à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2021, M. A... E..., représenté par Me Albertini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 novembre 2020 ;

2°) de juger que M. A... E... et la société Jet Loc ne se trouvent pas sur le domaine public maritime ;

3°) de juger que les faits constatés ne sont pas constitutifs d'une contravention de grande voirie ;

4°) de juger les faits prescrits ;

5°) de débouter le préfet de sa demande de remise en état et de sa demande de condamnation au titre de l'amende prévue par le décret du 25 février 2003 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à un moyen ;

- M. D... n'était pas assermenté devant le tribunal de grande instance ni commissionné à l'effet de constater une contravention de grande voirie ;

- le procès-verbal, fondé sur des faits dont l'agent verbalisateur n'a pas été personnellement témoin ne saurait servir de base à une condamnation ;

- il n'est pas établi que la parcelle visée par le procès-verbal de contravention de grande voirie appartient au domaine public maritime ;

- l'infraction est prescrite en application du délai d'un an prévu par l'article 9 du code de procédure pénale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2021, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête.

Elles font valoir à titre principal que la requête est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Lors de deux visites de contrôle des activités nautiques et balnéaires sur le domaine public maritime effectuées le 21 février 2019 et le 18 avril 2019, l'agent assermenté de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse-du-Sud a constaté que Monsieur A... E... occupait ledit domaine, alors qu'il ne bénéficiait d'aucune autorisation domaniale. A la suite de deux procès-verbaux dressés le 30 octobre 2019, la préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. A... E..., gérant de la SAS Jet Loc du Golfe, et lui a demandé de le condamner à la remise à l'état d'origine des lieux, à autoriser l'administration à faire exécuter d'office la remise en l'état des lieux aux frais du contrevenant dans le cas où celui-ci n'y aurait pas procédé, de fixer une astreinte journalière de 1 000 euros en cas de non-exécution de la remise à l'état d'origine des lieux et de le condamner au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003. M. A... E... relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamné à payer deux amendes pour un total de 3 000 euros, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai de six mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à cette remise en état aux frais du contrevenant en cas d'inexécution dans ce même délai.

Sur la régularité du jugement :

2. Si l'appelant soutient dans sa requête que " le tribunal n'a pas répondu au moyen ", cette allégation ne permet pas d'identifier clairement le moyen en cause et, partant, est dépourvue des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le jugement est régulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la prescription :

3. Aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale, " L'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise ", et, aux termes de l'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques " Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité ". Il en résulte que, quelle que soit la date d'achèvement des travaux, l'action publique n'est pas prescrite dès lors que l'occupation illégale n'a pas pris fin et le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a été constatée, voire du jour du dernier acte de poursuite ou d'instruction.

4. En l'espèce, l'appelant n'établit pas que l'infraction constituée par l'occupation irrégulière aurait été commise plus d'un an révolu avant la contravention de grande voirie, ni avant les déférés préfectoraux enregistrés le 4 novembre 2019. Dans ces conditions, aucune prescription ne saurait être retenue.

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

5. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa version applicable à la date du constat établi le 3 juin 2019 : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. "

6. La ministre de la transition écologique produit la carte de commission/assermentation du contrôleur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse du Sud laquelle mentionne qu'il a prêté serment auprès du tribunal de grande instance le 28 novembre 2017 et qu'il est commissionné à l'effet de permettre la constatation des infractions qui concernent les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques. Ce contrôleur était, par suite, compétent pour dresser les constats et établir les procès-verbaux de contravention de grande voirie du 30 octobre 2019.

7. La circonstance que le rédacteur d'un procès-verbal n'a pas été témoin de l'ensemble des faits qu'il relate ne fait pas obstacle à ce que ledit procès-verbal serve de base à des poursuites pour contravention de grande voirie dès lors que ses énonciations sont confirmées par les autres pièces du dossier ou l'instruction. En l'espèce, les procès-verbaux de contravention de grande voirie, qui ont été dressés le 30 octobre 2019 par un agent assermenté, et qui font donc foi jusqu'à preuve du contraire, se fondent sur deux constats établis, les 21 février et 18 avril 2019, par ce même technicien assermenté. Ces documents, ainsi que les photos et plans figurant dans leurs annexes comportent une description suffisamment précise des faits constatés, à ces deux dates, dans la zone considérée par ce technicien. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté.

En ce qui concerne l'action publique :

8. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° (...) le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ".

10. Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, le juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, enjoint au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et peut, s'il l'estime nécessaire, prononcer une astreinte en fixant lui-même, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le point de départ de cette astreinte, sans être lié par la demande de l'administration.

11. En l'espèce, il résulte des constats d'occupation sans titre établis les 21 février et 18 avril 2019 par le contrôleur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse-du-Sud, lesquels décrivent précisément les faits repris dans la contravention et dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que le terre-plein sur lequel ont été réalisés les travaux litigieux à l'initiative de M. A... E... afin d'y implanter l'activité de jet-ski de sa société, était recouvert par la mer et n'a, depuis ces travaux, été soustrait artificiellement à l'action des flots que par les installations irrégulières mises en place. En outre, il résulte de la comparaison avec une photographie aérienne prise en 1951 que les travaux réalisés par M. A... E... se situent sur le domaine public maritime. Ces travaux, constatés par procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, présentent le caractère d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques. Par suite, la matérialité de l'infraction relevée par ce procès-verbal de contravention de grande voirie doit être regardée comme établie et justifie l'engagement des poursuites intentées à l'encontre de M. A... E....

Sur le montant des amendes :

12. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". Selon l'article 1er du décret susvisé du 25 février 2003 : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5ème classe. En cas de récidive, l'amende est celle prévue pour la récidive des contraventions de la 5e classe par les articles 132-11 et 132-15 du code pénal (...) ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 euros. Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ".

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. A... E... à deux amendes de 1 500 euros chacune.

En ce qui concerne l'action domaniale :

14. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est du reste même pas soutenu par M. A... E..., que les lieux auraient été remis dans leur état primitif. Par suite, il y a lieu, au titre de l'action domaniale, de condamner M. A... E... à y procéder. A défaut d'une telle remise en état dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 euros par jour de retard sera appliquée. En outre, l'administration pourra y procéder d'office aux frais du contrevenant en cas d'inexécution.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la ministre de la transition écologique, que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia l'a condamné à payer deux amendes de 1 500 euros, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à cette remise en état aux frais du contrevenant en cas d'inexécution dans ce même délai.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la somme que M. A... E... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... E... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé

G. C...

La présidente,

Signé

V. CIREFICELa greffière,

Signé

S. EYCHENNE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 21MA00235 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00235
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Voirie communale.

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ALBERTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-08;21ma00235 ?
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