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08/07/2022 | FRANCE | N°21MA00205

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 08 juillet 2022, 21MA00205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la SARL du domaine de Caranella ainsi que M. B... C..., son gérant, et conclut à ce que le tribunal constate que les faits établis par les procès-verbaux en date du 19 novembre 2019 et 28 janvier 2020 constituent la contravention prévue et réprimée par les articles L. 2122-1, L. 2132-2, L. 2132-3, L. 2132-20 et L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiq

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la SARL du domaine de Caranella ainsi que M. B... C..., son gérant, et conclut à ce que le tribunal constate que les faits établis par les procès-verbaux en date du 19 novembre 2019 et 28 janvier 2020 constituent la contravention prévue et réprimée par les articles L. 2122-1, L. 2132-2, L. 2132-3, L. 2132-20 et L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques et condamne par suite les intéressés à l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 et à ce que le tribunal ordonne la remise en état des lieux sous une astreinte journalière de 1 000 euros par jour de retard et autorise l'administration à remettre les lieux en l'état aux frais des contrevenants dans le cas où ceux-ci n'y auraient pas procédé.

Par un jugement n° 2000428 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a relaxé des fins de poursuites diligentées à leur encontre pour contravention de grande voirie la SARL du domaine de Caranella ainsi que M. C..., son gérant.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2021 et le 2 juin 2022, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 novembre 2020 ;

2°) par l'effet dévolutif de l'appel à ce qu'il soit fait droit aux demandes du préfet de la Corse-du-Sud.

Elles soutiennent que :

- les premiers juges n'ont repris que partiellement les conclusions et moyens du préfet ;

- les premiers juges n'ont examiné que sous l'angle du seul premier critère relatif à la consistance du domaine public maritime ;

- les palissades litigieuses sont implantées sur les lais et relais de mer de la plage Cala Rossa à Lecci ;

- la circonstance que la mer ne pénètre pas sur le terrain ne constitue pas un obstacle à son incorporation au domaine public maritime ;

- la SARL du Domaine de Caranella et son gérant ne disposent d'aucun titre domanial les autorisant à maintenir les installations litigieuses, tant temporairement qu'à fortiori de façon permanente.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 mai 2022 et 2 juin 2022, la SARL du Domaine de Caranella et Monsieur C..., représentés par Me Genty, conclut :

1°) à ce qu'ils soient relaxés de l'infraction de grande voirie ;

2°) à ce que l'Etat leur verse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Genty, représentant la SARL du domaine de Caranella et M. C... ainsi que les observations de ce dernier.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la SARL du domaine de Caranella ainsi que M. B... C..., son gérant, et a conclu à ce que le tribunal constate que les faits établis par les procès-verbaux en date du 19 novembre 2019 et 28 janvier 2020 constituent la contravention prévue et réprimée par les articles L. 2122-1, L. 2132-2, L. 2132-3, L. 2132-20 et L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques et condamne par suite les intéressés à l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 et à ce que le tribunal ordonne la remise en état des lieux sous une astreinte journalière de 1 000 euros par jour de retard et autorise l'administration à remettre les lieux en l'état aux frais des contrevenants dans le cas où ceux-ci n'y auraient pas procédé.

2. La ministre de la transition écologique et la ministre de la mer relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 novembre 2020 qui a relaxé des fins de poursuites diligentées à leur encontre pour contravention de grande voirie la SARL du domaine de Caranella ainsi que M. C..., et demandent à ce qu'il soit fait droit aux demandes du préfet de la Corse-du-Sud.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° (...) le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ". Depuis le 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de ce code, tous les lais et relais sont entrés automatiquement dans le domaine public maritime, quelle que soit la date à laquelle ils ont été formés et sans qu'il soit besoin de procéder à leur délimitation préalable.

4. Par un arrêté du 24 avril 1981, le préfet de la Corse-du-Sud a incorporé au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la mer de la plage de Calarossa/Anse de Tramulimacchia sur laquelle sont implantées les palissades litigieuses, sur le territoire de la commune de Lecci. Les lais sont parallèles à la plage de Cala Rossa - qui a une largeur moyenne de 15 mètres - et sont constitués "de sable et de quelques pins à l'arrière".

5. Toutefois, pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime, adopté sur le fondement des dispositions réglementaires en vigueur relatives à la procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières. L'appartenance d'une dépendance au domaine public ne peut résulter de l'application d'un tel arrêté, dont les constatations ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge. Le bien-fondé des poursuites pour contravention de grande voirie n'est donc pas subordonné à la légalité d'un tel acte ni d'ailleurs à son opposabilité.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan annexé à l'arrêté préfectoral du 24 avril 1981 incluant la zone d'implantation des palissades litigieuses et des vues aériennes de cette zone que lesdites palissades sont implantées dans le prolongement de la terrasse du restaurant " Le Rancho ", soit sur les lais et relais de mer de la plage, ainsi que l'a jugé la Cour par un arrêt devenu définitif n° 17MA03519 du 6 décembre 2019. Des photographies témoignent en outre de la présence de posidonies et d'autres débris végétaux apportés par la mer de part et d'autre de ces palissades, elles-mêmes situées dans le prolongement de la terrasse du restaurant. Au demeurant, la SARL appelante et son gérant ont déjà déposé plusieurs autorisations d'occupation du domaine public pour des aménagements projetés sur cette même zone.

7. Dès lors, les deux installations litigieuses sont bien implantées sur le domaine public maritime naturel et la SARL du Domaine de Caranella et Monsieur C..., ne disposent d'aucun titre domanial les autorisant à les y maintenir et il ne ressort pas des pièces du dossier que les intimés auraient procédé à leur retrait.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande du préfet de la Corse-du-Sud tendant à ce que, au titre de l'action domaniale, il soit fait injonction à la SARL du domaine de Caranella et M. C... de procéder à la remise en état des lieux.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande présentée par le préfet de la Corse-du-Sud devant le tribunal administratif de Bastia et d'examiner les autres moyens de défense soulevés par la SARL du domaine de Caranella et M. C... devant ce tribunal.

10. Les moyens invoqués en défense en première instance tirés de ce que les palissades constitueraient des ouvrages de protection contre l'érosion éolienne et le piétinement du public sont inopérants au regard des limites du domaine public maritime.

11. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. /Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. /Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13 ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 euros. Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe (...) ". Il appartient au juge administratif de fixer le montant de l'amende compte tenu des circonstances de l'affaire et dans la limite des taux fixés par ce texte.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la SARL du domaine de Caranella et M. C... à payer respectivement une amende de 1 500 euros.

13. Le juge administratif, lorsqu'il fait droit à une demande tendant à la libération d'une dépendance du domaine public irrégulièrement occupée, enjoint à l'occupant de libérer les lieux sans délai, une telle injonction prenant effet à compter de la notification à la personne concernée de la décision du juge. Si l'injonction de libérer les lieux est assortie d'une astreinte, laquelle n'est alors pas régie par les dispositions du livre IX du code de justice administrative, l'astreinte court à compter de la date d'effet de l'injonction, sauf à ce que le juge diffère le point de départ de l'astreinte dans les conditions qu'il détermine.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, d'ordonner à la SARL du domaine de Caranella et M. C... de procéder sans délai à compter de la notification de la présente décision à la démolition des installations visées dans les procès-verbaux de contravention de grande voirie du 19 novembre 2019 et du 28 janvier 2020 puis à l'évacuation hors du domaine public maritime des matériaux, d'autre part, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant cette notification, ainsi que d'autoriser l'Etat à se substituer à la société aux frais, risques et périls de celle-ci en cas de non-respect des prescriptions fixées par le présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La SARL du domaine de Caranella et M. C... sont condamnés respectivement à payer une amende de 1 500 euros.

Article 2 : La SARL du domaine de Caranella et M. C... sont condamnés à procéder, sans délai à compter de la notification du présent arrêt, à la démolition des installations visées dans les procès-verbaux de contravention de grande voirie du 19 novembre 2019 et du 28 janvier 2020 puis à l'évacuation hors du domaine public maritime des matériaux issus de cette démolition. Cette injonction est assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard qui prendra effet à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant cette notification.

Article 3 : L'Etat est autorisé à se substituer à la SARL du domaine de Caranella et à M. B... C... pour procéder à la remise en état des lieux à leurs frais, risques et périls en cas de non-respect des prescriptions fixées par l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 2000428 du 17 novembre 2020 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SARL du domaine de Caranella et M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la SARL du domaine de Caranella et à M. B... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé

G. A...

La présidente,

Signé

V. CIREFICELa greffière,

Signé

S. EYCHENNE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 21MA00205 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00205
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Voirie communale.

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GENTY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-08;21ma00205 ?
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