Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2109663 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête enregistrée sous le numéro 22MA00787 le 2 mars 2022, la préfète des Hautes-Alpes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... épouse A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient qu'elle n'a pas méconnu son pouvoir discrétionnaire en refusant de renouveler le droit au séjour de Mme C... épouse A....
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, Mme C... épouse A..., représentée par Me Takrouni, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour et une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Hautes-Alpes de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge de la préfète des Hautes-Alpes la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle fait valoir que :
- le moyen d'appel est infondé ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit, et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Mme C... épouse A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
II- Par une requête enregistrée sous le numéro 22MA00788 le 2 mars 2022, la préfète des Hautes-Alpes demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2022.
Elle fait valoir qu'elle invoque un moyen sérieux d'annulation.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, Mme C... épouse A..., représentée par Me Takrouni, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour et une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à ce qu'il soit enjoint à la préfète des Hautes-Alpes de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge de la préfète des Hautes-Alpes la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle fait valoir que :
- le moyen d'appel est infondé ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit, et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Mme C... épouse A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B....
- et les observations de Me Takrouni représentant Mme C... épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. La préfète des Hautes-Alpes relève appel du jugement du 16 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de Mme C... épouse A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2021 par lequel elle a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Les affaires enregistrées sous les n° 22MA00787 et 22MA00788 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, qui reprend les dispositions de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de cet article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens : " (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
4. Si les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme C... épouse A..., formulée en raison de l'état de santé de sa fille, la préfète des Hautes-Alpes s'est fondée sur l'avis émis le 7 septembre 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que bien que l'état de santé de la fillette nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, son état de santé lui permet de voyager vers son pays d'origine où elle pourra bénéficier de soins adaptés eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé. Toutefois, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier que la fillette, âgée de neuf ans à la date de la décision attaquée, est atteinte depuis la naissance d'une extrophie vésicale créant une malformation congénitale au niveau génito-urinaire. Cette pathologie nécessite un suivi régulier notamment par la réalisation de sondages urinaires le matin et l'après-midi plus de quatre jours par semaine mais également diverses interventions chirurgicales, dont la dernière en date du 2 juin 2021 a nécessité une hospitalisation de plusieurs semaines suite à des complications. Par ailleurs, en plus de ce suivi médical lié à sa pathologie, l'enfant bénéficie d'un suivi psychologique nécessaire eu égard, d'une part, à son jeune âge et d'autre part, à la lourdeur du traitement dont elle bénéficie. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux des 27 juin 2019, 16 avril 2021, 18 mai 2021, 13 et 25 octobre 2021, 4 novembre 2021, 16 et 24 mars 2022, que d'une part les soins quotidiens dont bénéficie l'enfant en France lui sont indispensables et que d'autre part les soins et le suivi de la fillette, en raison notamment de la complexité des complications dont elle souffre, ne sont pas disponibles en Algérie. Comme le fait valoir Mme C... épouse A..., la préfète des Hautes Alpes n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les soins seraient devenus disponibles et appropriés en l'espace de six mois, c'est à dire entre les deux avis contradictoires des médecins de l'OFII de mars et septembre 2021, alors qu'au contraire le professeur D..., chirurgien et urologue pédiatre algérien, atteste en mars 2022 que la prise en charge et le suivi de la pathologie spécifique de la fillette ne peut se faire en Algérie par manque de plateau technique. Dans ces conditions, et dès lors que Mme C... épouse A... démontre l'absence de traitement approprié dans le pays de renvoi pour sa fille, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a considéré que la préfète des Hautes Alpes avait commis une erreur manifeste d'appréciation et a annulé, pour ce motif, le refus de renouvellement du titre de séjour de Mme C... épouse A....
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la préfète des Hautes-Alpes ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n°2109663 du 16 février 2022, les conclusions de la requête n° 22MA00788 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme C... épouse A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Takrouni, avocate de Mme C... épouse A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Takrouni de la somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA00788 de la préfète des Hautes-Alpes.
Article 2 : La requête n° 22MA00787 présentée par la préfète des Hautes-Alpes est rejetée.
Article 3 : L'État versera à Me Takrouni une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C... épouse A... et à Me Takrouni.
Copie en sera adressée à la préfète des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Baizet, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
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N° 22MA00787, 22MA00788
hw